Marc DenneryL’équipe apprenante est une équipe qui apprend en permanence, grâce à la mise en place d’une organisation orientée sur le développement de ses capacités d’apprentissage. En plus de produire les missions qu’on lui a assigné, une équipe apprenante utilisent des méthodes et techniques qui permettent à ses équipiers de mieux coopérer et d’apprendre ensemble, en continu.
L’équipe apprenante est une approche encore peu travaillée par les DRH, Directions L&D ou encore Directions Qualité & Performance opérationnelle, qui lui préfèrent les concepts d’organisation apprenante (niveau macro de l’entreprise) ou d’apprenance (niveau micro du collaborateur).
L’équipe apprenante se situe, quant à elle, entre les deux : à un niveau que l’on peut qualifier de « meso », en opérant sur des entités de quelques dizaines de salariés. On est généralement au niveau d’une entité dirigée par un manager de manager (par ex. une direction régionale dans une direction commerciale, un atelier dans une entité de production, un département dans une direction fonctionnelle).
Nos expériences de terrain (interviews et observation de managers, mise en place de formation-action, échanges avec des consultants spécialistes de l’accompagnement managérial) nous amènent à penser que l’équipe apprenante est une approche qui pourrait se développer dans les prochaines années. Elle répond aux nouvelles attentes des directions L&D qui souhaitent consacrer leurs efforts, non plus tant à la formation formelle qu’aux apprentissages informels (cf. notre article sur la loi 70:20:10 – cliquez ici.
L’équipe apprenante joue sur 4 leviers motivationnels fondamentaux
A l’heure de la « Great Resignation » ou du « Quiet quitting », l’équipe apprenante peut devenir une réponse managériale pertinente. Car elle répond aux quatre grands leviers d’engagement des collaborateurs en entreprise que sont les sentiments de contrôle, de compétence, de coopération et de développement.
Le sentiment de contrôle ou d’autodétermination
C’est le sentiment d’être acteur dans son travail, d’être à l’origine de ce que l’on fait, de ne pas subir les ordres et les contraintes mais d’agir en fonction de ce que l’on considère comme pertinent. C’est ce que l’on nomme aujourd’hui trouver un “sens à son travail“. C’est en clair, tout simplement comprendre ce que l’on fait et pourquoi on le fait, ne plus avoir des objectifs imposés mais travailler avec des objectifs partagés.
L’équipe apprenante, en amenant les équipiers à partager le travail sur la définition du projet d’équipe et de l’organisation du travail, contribue fortement à développer ce sentiment de contrôle ou si l’on préfère, cette capacité à l’autodétermination dans son activité.
Le sentiment de compétence
C’est le sentiment que l’on sait faire, que l’on arrivera à atteindre l’objectif, car celui-ci est certes ambitieux mais réaliste. Ce n’est pas pour autant rester dans sa zone de confort. C’est toujours être challengé. Mais ce challenge, on sait qu’on peut le gagner ! No stress, seulement des « difficultés désirables », c’est-à-dire des difficultés qui nous stimulent, qui nous amènent à expérimenter, tester et progresser, sans jamais prendre le risque d’être dépassé.
L’équipe apprenante, en développant la logique d’entraide et en favorisant par des plans de formation au plus proche du terrain l’acquisition de compétences opérationnelles, favorise le développement de ce sentiment de compétence.
Le sentiment de coopération
C’est avoir le sentiment que l’on n’agit jamais seul, que l’on fait partie d’un collectif, que l’on peut être aidé et aussi aider. C’est ressentir que tous les équipiers rament au même rythme et dans le même sens. C’est ce qui fait la force de toutes les équipes sportives gagnantes.
En mettant en place des temps de partage, de travail et de réflexion en commun, en complément des plans de formation en situation de travail évoqués précédemment, l’équipe apprenante favorise ce sentiment d’appartenance à un collectif. Et ceci est fondamental pour atteindre une performance durable, car, faut-il le rappeler, on n’est jamais compétent seul dans son coin, la compétence est toujours collective !
Le sentiment de développement
C’est avoir le sentiment que l’on apprend en permanence, que l’on progresse, que l’on se développe, que l’on acquiert des connaissances et des compétences au quotidien dans son travail. Qu’est-ce qu’un job où l’on répète toujours le même geste, qui ne nous apprend rien, qui ne nous fait rien découvrir de nouveau, qui ne nous étonne jamais, qui, d’une certaine façon, ne nous pose jamais de problème ?
En créant les conditions favorables à une culture de l’apprenance, l’équipe apprenante favorise ce sentiment de développement. Elle ne rejette pas la responsabilité de l’apprentissage et du développement des compétences en continu aux seuls collaborateurs. Elle fait de la valeur « apprendre » un engagement collectif.
L’équipe apprenante : 4 actions prioritaires à déployer
Pour actionner ces 4 leviers, l’équipe apprenante peut mettre en place différentes méthodes et techniques. L’équipe apprenante n’est pas une démarche figée : elle est en perpétuelle évolution. Dans l’espace qui nous est réservé dans cet article, on mettra en évidence 4 actions prioritaires majeures.
Partager un projet d’équipe
Le projet d’équipe s’insère dans le projet d’entreprise. Il va beaucoup loin que les simples objectifs d’équipe, même s’il les intègre. Le projet d’équipe, c’est aussi l’ambition, les valeurs, les croyances, les principes ou matrice d’action qui la guide. C’est encore la feuille de route avec ses chantiers majeurs. Bref, c’est donc à la fois la destination, le chemin et la façon de voyager, si on se permet une analogie avec le voyage.
Aujourd’hui, le management est sous la pression du résultat, donc de la performance et des objectifs à court terme. Mais pour faire équipe dans la durée, les objectifs ne peuvent être les seuls « drivers », surtout quand ils changent en permanence !
Une équipe apprenante privilégie l’élaboration en commun de ce qui fait équipe ! Cela se traduit par des temps de partage sur les objectifs, les feuilles de route, la construction de la raison d’être de l’équipe.
L’équipe apprenante est l’antithèse d’un « management vertical ». Il ne s’agit pas de faire de la pédagogie pour expliquer des décisions prises en conclave mais de partager le processus décisionnel sur ce que l’on veut et peut atteindre ensemble et comment on peut s’organiser pour l’atteindre. Cela n’a rien de très nouveau. Le Tavistock Institute l’a conceptualisé dès 1947 !
Vous souhaitez vous former ou lancer un projet d’équipe apprenante, n’hésitez pas à nous contacter conseil@c-campus.fr. Nous vous présenterons notre offre sur-mesure qui va de l’accompagnement individualisé de manager ou consultant interne ou externe à la formation-action sur des équipes constituées.
Mettre en place un plan d’AFEST collectif
L’AFEST collective, ce n’est pas former en AFEST des dizaines de personnes via le même parcours, c’est mettre en place une dynamique d’apprentissage où chacun dans l’équipe se forme et contribue à la formation de ses collègues en fonction de ses talents et de ses compétences.
Bâtir un plan d’AFEST collectif, c’est concrètement :
1) Identifier ensemble à partir du projet d’équipe les compétences critiques ou sensibles à maîtriser au sein de l’équipe.
2) Inviter les collaborateurs à se positionner doublement : 1) sur les compétences qu’ils souhaitent développer en priorité, 2) sur les compétences pour lesquelles ils souhaitent aider leurs collègues à les développer.
3) Identifier les meilleures techniques pédagogiques pour apprendre en commun : mentorat, tutorat, formation-action, action learning, etc. cf nos articles sur les différentes façons d’apprendre en faisant, cliquez ici et là.
4) Donner du temps aux collaborateurs pour se former entre eux avec ces techniques.
5) Evaluer tous les 3 à 6 mois les progrès et mettre à jour le plan d’AFEST collectif.
Créer des learning time collectifs
Un learning time est un temps d’apprentissage allouer à chacun pour apprendre pendant son travail. Cette approche a été popularisée par Google qui invite ses collaborateurs à consacrer 20% de leurs temps à apprendre (cliquez ici pour en savoir plus). 20%, c’est peut-être excessif, et toutes les équipes ne peuvent pas se le permettre, surtout si elles interviennent sur des activités à faible marge.
Il faut aussi garder à l’esprit que dans le domaine de l’apprentissage en continu, la qualité est plus importante que la quantité. C’est pourquoi, nous préconisons plutôt aux équipes, qui souhaitent devenir apprenantes, de se réunir une fois tous les quinze jours ou une fois par mois. Et de le faire avec méthode et de façon collaborative. Il s’agit de prendre un sujet et de le traiter en utilisant des techniques telles que l’analyse d’incident, le partage de bonnes pratiques, le défi collectif, la veille collaborative, la causerie, etc.
Développer l’approche réflexive
L’approche réflexive est une technique qui permet d’apprendre en permanence à partir de ses expériences (cf. notre article sur le sujet cliquez ici). Si l’analyse réflexive est naturelle chez l’être humain (et probablement chez certaines espèces animales), il n’en reste pas moins que le questionnement et la posture réflexive s’apprennent et se développent.
La tendance aujourd’hui est au développement des approches dites de « Feed-Back » en matière de management. L’approche réflexive va plus loin, surtout quand chacun des équipiers (et non plus les seuls managers sont formés à la pratique réflexive). Les équipes apprenantes peuvent ainsi apprendre non plus en simple boucle (faire mieux dans un cadre fixé), mais en double boucle (progresser en remettant en cause le cadre dans lequel on évolue) – voir notre article sur le sujet – cliquez ici.
Doter chaque collaborateur de la capacité à pratiquer l’analyse réflexive, c’est une des pistes à investiguer pour traduire le concept d’apprenance en actions concrètes dans les entreprises.
Un investissement
En résumé, l’équipe apprenante est une approche pragmatique qui cherche à satisfaire les besoins fondamentaux de tout membre d’une équipe (sentiment de contrôle, de compétence, de coopération, de développement). Par des actions concrètes et diverses (notamment projet partagé, plan d’AFEST collectif, Learning Time, maîtrise de l’analyse réflexive) elle permet d’engager les équipes dans un développement durable.
Elle nécessite du temps, mais ce temps doit être perçu comme un investissement à moyen et long terme dans les équipes. C’est pourquoi, nous avons constaté la mise en œuvre d’équipe apprenante plutôt dans des environnements de business stable, où l’obsession des résultats trimestriels laisse la place à des objectifs de pérennité et de développement dans le respect de son environnement (écologique, institutionnel, économique, social…). En ce sens le concept d’équipe apprenante est plus que jamais d’actualité !
Pierre-Armand Dennery
