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Entreprise : si on faisait (aussi) un choc de simplification ?

dev_managerial_2Le gouvernement français vient de proclamer un choc de simplification administratif. Autrement dit, moins de tracasseries pour les usagers (fussent-ils citoyens ou entreprises). Vu des entreprises, l’exercice tient clairement de l’effet d’annonce et prête à sourire. Nous aurions tort. Commençons par balayer devant notre porte. Car l’entreprise n’est pas la dernière à assommer ses membres de normes, procédures qu’elles viennent des services support comme la DRH ou des services opérationnels.  Les managers s’en plaignent régulièrement, notamment en formation.

Baladez vous dans les couloirs d’une grande entreprise ou insérez vous dans un groupe projet et vous ferez les mêmes constats : des managers surchargés de contraintes. Quand ils prennent le temps de vous parler, c’est pour se plaindre des procédures auxquels ils sont soumis et qui ne cessent d’augmenter. Plusieurs raisons poussent à cette inflation.

Trois raisons pour toujours plus de contrôle

  • La première est l’utilisation des progiciels de gestion intégrés type Peoplesoft, Microsoft AX ou SAP pour ne parler que de quelques uns. Pour avoir piloté plusieurs déploiements de formation sur ces ERP, nous savons que c’est bien l’outil qui impose son fonctionnement à l’humain et pas l’humain qui impose sa pratique métier à l’outil.
  •  La seconde raison tient au fait, que chacun veut améliorer son fonctionnement dans l’entreprise à l’exclusion de tous les autres ! Chaque département, métier, service formalise alors ce fonctionnement sous forme de procédure. C’est en fait une subtile façon de se protéger des interférences de ses propres clients internes : « Tu veux un livrable de ma part ? Passe par ma procédure, sinon, tu ne l’auras pas… »
  •  La troisième raison est la cause source, celle qui explique les deux précédentes. Elle tient au temps court dans lesquelles se sont enfermées les directions d’entreprises (parfois sous l’influence de certains actionnaires). En temps court (« les « quaterly results » des entreprises cotées), le management directif est celui qui est le plus facile. Les directions souhaitent donc contrôler au maximum la qualité, le coût et le délai des livrables produits par les équipes par souci d’efficacité. Imposer des procédures, faire respecter des normes concrétise ce pouvoir de contrôle. Ça permet de supprimer certains arbitrages faits par les managers,  de limiter les décisions qu’ils prennent et la délégation qu’ils reçoivent. Rien de neuf sous le soleil : la délégation apporte des incertitudes et ça les directions d’entreprise n’en veulent plus.  Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont pas confiance dans leurs managers intermédiaires : ce manque de confiance n’est bien entendu pas affiché comme tel. Il n’est d’ailleurs pas intentionnel. Mais les comités de direction ne s’autorisent pas le temps que nécessite la confiance. Ce temps que prennent les PME où collaborateurs, managers et équipe de direction se côtoient au quotidien, se connaissent et forgent des liens.

Des conséquences qu’on ne peut ignorer

Lorsque les process et les normes codifient beaucoup, elles suppriment la dynamique des relations humaines. Pourquoi faire des efforts (tenter de comprendre, de convaincre, de connaître l’autre) si le process prévoit tout ? Chacun se tourne vers l’obligation que constitue ce process ou la norme. Or ces derniers négligent à dessein un élément fondamental d’une coopération : la confiance entre les acteurs qui doivent produire ensemble un livrable.  La confiance permet une meilleure collaboration, de la réactivité, de l’anticipation, de la créativité. En définitive : une meilleure qualité… La confiance installe des relations souvent solides mais elle se gagne lentement. Les process et les normes permettent d’aller vite, de poser les bases de la coopération entre des personnes qui ne se connaissent pas. Leur excès engendre la méfiance à tous les niveaux.

  • Méfiance envers la procédure elle même : plus il y en a et moins on les connaît donc plus on s’en méfie, plus elle devient un obstacle au travail lui même. « Encore une procédure qui va m’empêcher de bosser ! »
  • Méfiance dans l’axe vertical, de la direction vers ses relais managériaux. « Installons des procédures, on est sûr qu’ils feront comme on le souhaite »
  • Méfiance dans l’axe horizontal, entre managers : « Ceci est mon territoire marqué par mes process ».

Est-ce grave docteur ? Après tout, les managers sont des salariés comme les autres, tenus d’obéir à des hiérarchiques par un contrat de travail qu’ils ont signé. Le problème, c’est le paradoxe dans lequel le système les installe : « Soyez des leaders », « Soyez créatifs », « Apprenons de nos erreurs ! » leur dit-on… avant de leur demander de remplir des « reportings » ou de faire uniquement selon la procédure existante ! Les meilleurs d’entre eux repoussent bien entendu les limites dans lesquelles l’organisation les installe. Ils se redonnent des marges de manœuvre.  Mais pour tous les autres, un changement d’état d’esprit général serait nécessaire : les directions d’entreprises pourraient accepter les différentes façons de faire, c’est à dire le risque et l’erreur qui va avec. En fait, il s’agirait d’investir dans le progrès au quotidien. Donc d’accepter de gagner moins sur le court terme pour engranger des profits sur le long terme. Le long terme ? Quelle vulgarité ! Pas sûr que cette opinion soit dans l’air du temps…

Erwan Hernot

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