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Quelles sont les nouvelles exigences qualité pour les organismes de formation suite aux décrets ?

Il est sorti ou plutôt ils sont sortis, car ce n’est pas un mais deux décrets qui cadrent aujourd’hui les exigences en matière de qualité pour les organismes de formation :

Décret no 2019-564 du 6 juin 2019 relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle,

Décret no 2019-565 du 6 juin 2019 relatif au référentiel national sur la qualité des actions concourant au développement des compétences

Arrêté du 6 juin 2019 relatif aux modalités d’audit associées au référentiel national mentionné à l’article D. 6316-1-1 du code du travail

Arrêté du 6 juin 2019 relatif aux exigences pour l’accréditation des organismes certificateurs prévues à l’article R. 6316-3 du code du travail

Notre analyse portera aujourd’hui exclusivement sur le RNQ ou Référentiel National Qualité destiné aux seuls organismes de formation. Nous reviendrons ultérieurement sur les 4 critères propres aux organismes de formation en apprentissage à savoir les critères numéros 14, 15, 20, 29. Afin de vous permettre d’avoir un outil complet nous avons systématiquement copié-collé le texte des 28 indicateurs destinés aux organismes de formation dans la partie mise en exergue.

Critère 1 :  l’information du public 

Ce critère intitulé : “Les conditions d’information du public sur les prestations proposées, les délais pour y accéder et les résultats obtenus” comprend 3 indicateurs :

1) Le prestataire diffuse une information accessible au public, détaillée et vérifiable sur les prestations proposées : prérequis, objectifs, durée, modalités et délais d’accès, tarifs, contacts, méthodes mobilisées et modalités d’évaluation, accessibilité aux personnes handicapées

2) Le prestataire diffuse des indicateurs de résultats adaptés à la nature des prestations mises en œuvre et des publics accueillis

3) Lorsque le prestataire met en œuvre des prestations conduisant à une certification professionnelle, il informe sur les taux d’obtention des certifications préparées, les possibilités de valider un/ou des blocs de compétences, ainsi que sur les équivalences, passerelles, suites de parcours et les débouchés

Ce premier indicateur ne sera pas très difficile à satisfaire pour les organismes de formation. Le travail va porter essentiellement sur la lisibilité de l’offre. Pour faire simple, les organismes de formation seront conduits à :

  • Mettre en place un site de formation présentant leurs offres avec précision (cf. liste des attendus de l’indicateur 1)
  • Mettre en place un système qualité qui permet de suivre les évaluations automatiquement afin de pouvoir les communiquer. Une approche de type Kirkpatrick sera souhaitable.
  • Pour les formations intra entreprise où l’offre est souvent adaptée et sur-mesure, mettre en place des invitations à la formation reprenant une présentation du parcours détaillé.

Critère 2 & 3 : vers une formation personnalisée

Nous regroupons ici les deux critères consacrés directement à la pédagogie. Le critère 2 est intitulé : “L’identification précise des objectifs des prestations proposées et l’adaptation de ces prestations aux publics bénéficiaires, lors de la conception des prestations” et comprend pas moins de 5 critères.

4) Le prestataire analyse le besoin du bénéficiaire en lien avec l’entreprise et/ou le financeur concerné (s)

5) Le prestataire définit les objectifs opérationnels et évaluables de la prestation

6) Le prestataire établit les contenus et les modalités de mise en œuvre de la prestation, adaptés aux objectifs définis et aux publics bénéficiaires

7) Lorsque le prestataire met en œuvre des prestations conduisant à une certification professionnelle, il s’assure de l’adéquation du ou des contenus de la prestation aux exigences de la certification visée

8) Le prestataire détermine les procédures de positionnement et d’évaluation des acquis à l’entrée de la prestation

Le critère 3 est quant à lui intitulé : “L’adaptation aux publics bénéficiaires des prestations et des modalités d’accueil, d’accompagnement, de suivi et d’évaluation mises en œuvre” et fait encore mieux avec 6 critères :

9) Le prestataire informe les publics bénéficiaires sur les conditions de déroulement de la prestation

10) Le prestataire met en œuvre et adapte la prestationl’accompagnement et le suivi aux publics bénéficiaires

11) Le prestataire évalue l’atteinte par les publics bénéficiaires des objectifs de la prestation

12) Le prestataire décrit et met en œuvre les mesures pour favoriser l’engagement des bénéficiaires et prévenir les ruptures de parcours

13) Pour les formations en alternance, le prestataire, en lien avec l’entreprise, anticipe avec l’apprenant les missions confiées, à court, moyen et long terme, et assure la coordination et la progressivité des apprentissages réalisés en centre de formation et en entreprise

16) Lorsque le prestataire met en œuvre des formations conduisant à une certification professionnelle, il s’assure que les conditions de présentation des bénéficiaires à la certification respectent les exigences formelles de l’autorité de certification

Pour les spécialistes de la formation ces deux critères apparaissent comme le rappel des évidences. Pour toute formation il faut évidemment analyser le besoin, mettre en place un positionnement, accompagner et favoriser l’engagement de l’apprenant, faire des feedbacks contrôler la progression. Et tout ceci doit être particulièrement soigné lorsque la formation est de longue durée et certifiante.

Cette exigence va donc remettre sur la même ligne tous les organismes de formation. Pour se distinguer, les meilleurs auront intérêt à reprendre un coup d’avance. Et pour ce faire, ils pourront s’engager dans une démarche de “signature pédagogique“. Cette signature pédagogique témoignera de leur capacité à traiter chaque apprenant dans une démarche personnalisée de formation. Car c’est bien cela qui est sous-tendu dans les 11 indicateurs ci-dessus. Positionnement, accompagnement, évaluation tout au long du parcours, adaptation du parcours en fonction de la progression de l’apprenant sont les “nouveaux incontournables” de la formation en entreprise.

A noter : aucune référence n’est faite aux techniques pédagogiques proprement dites. Elles sont laissées au libre choix des organismes de formation et on ne s’en plaindra pas. Mais c’est évident que pour favoriser l’engagement (indicateur 12), des techniques actives et co-actives seront nécessaires.

Critère 4 et 5 : qualité des moyens et du management des compétences

Nous avons regroupé ces deux critères car ils traitent dans une logique de continuum à la fois des moyens techniques, environnementaux et humains et de leur management. Le critère 4 intitulé ” L’adéquation des moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement aux prestations mises en œuvre” comprend 3 indicateurs :

17) Le prestataire met à disposition ou s’assure de la mise à disposition des moyens humains et techniques adaptés et d’un environnement approprié (conditions, locaux, équipements, plateaux techniques…)

18) Le prestataire mobilise et coordonne les différents intervenants internes et/ou externes (pédagogiques, administratifs, logistiques, commerciaux …)

19) Le prestataire met à disposition du bénéficiaire des ressources pédagogiques et permet à celui-ci de se les approprier

Le critère 5, orienté plus particulièrement sur le management des compétences, est intitulé “La qualification et le développement des connaissances et compétences des personnels chargés de mettre en œuvre les prestations” et comprend seulement deux critères :

21) Le prestataire détermine, mobilise et évalue les compétences des différents intervenants internes et/ou externes, adaptées aux prestations

22) Le prestataire entretient et développe les compétences de ses salariés, adaptées aux prestations qu’il délivre

Ces indicateurs sont finalement assez peu précis. Ce qui risque de laisser une grande marge d’appréciation aux auditeurs. Une chose est sûre, c’est qu’un minimum de management de l’activité et des compétences va devoir être respecté par les organismes de formation : fiche de fonction, réunion de coordination, soin apporté aux équipements pédagogiques et plateaux techniques, évaluation des compétences, formation des salariés, etc. Bref, les cordonniers ne seront peut-être plus les moins bien chaussés !

L’indicateur 19 est le seul à traiter indirectement du digital learning, et c’est d’une façon timide. Comme on l’a vu précédemment, le cadre réglementaire ne s’immisce pas dans la pédagogie. C’est une bonne chose. En même temps, cela reste peu engageant et on peut regretter que l’urgence de la modernisation des organismes de formation devra attendre d’autres incitations.

L’indicateur 21 porte sur la compétence des intervenants externes. Il reste d’une certaine manière ambigu. Mais l’indicateur 27 que nous allons voir ci-après est quant à lui très clair.

Critère 6 : Veille, sous-traitance, handicap et AFEST

Ce critère n°6 regroupe derrière l’intitulé “L’inscription et l’investissement du prestataire dans son environnement professionnel” six indicateurs relativement hétérogènes. Les trois premiers concernent la veille :

23) Le prestataire réalise une veille légale et réglementaire sur le champ de la formation professionnelle et en exploite les enseignements

24) Le prestataire réalise une veille sur les évolutions des compétences, des métiers et des emplois dans ses secteurs d’intervention et en exploite les enseignements

25) Le prestataire réalise une veille sur les innovations pédagogiques et technologiques permettant une évolution de ses prestations et en exploite les enseignements

C’est une excellente chose ! cela invitera les organismes à rester connecté avec leur environnement. Et cela leur permettra d’insuffler des idées nouvelles dans leur management. A titre personnel, nous ne pouvons que nous en réjouir, car cela devrait accroître le nombre de nos fidèles lecteurs hebdomadaires. Les indicateurs 23 et 25 sont les deux thématiques les plus traitées dans le blog de C-Campus !

Les trois autres indicateurs sont chacun à fort impact et en même temps très différents les uns des autres.

26) Le prestataire mobilise les expertises, outils et réseaux nécessaires pour accueillir, accompagner/former ou orienter les publics en situation de handicap

Cet indicateur nous rappelle, s’il en était encore nécessaire, qu’une attention toute particulière doit être portée aux personnes en situation de handicap. L’impact premier et le plus visible pour les organismes de formation va porter certainement sur les salles de formation qui devront être adaptées aux Personnes à Mobilité Réduite (habilitation PMR). Mais le handicap ne se limite pas à la mobilité et les organismes de formation devront prendre en compte toutes formes de handicap et adapter leurs prestations en conséquence.

L’indicateur suivant, le 27, règle quasiment définitivement la question de la sous-traitance :

27) Lorsque le prestataire fait appel à la sous-traitance ou au portage salarial, il s’assure du respect de la conformité au présent référentiel

En clair, ce que nous comprenons, et les premiers audits nous le confirmerons ou l’infirmerons, c’est que tous les formateurs indépendants souhaitant réaliser des prestations de formation pour des organismes de formation bénéficiant de co-financements devront eux-mêmes être certifiés “qualité” ou être “portés” dans une structure de portage salariale elle-même certifiée. Voilà qui risque de surprendre plus d’un formateur indépendant et surtout plus d’un organisme de formation qui sous-traitait leurs formations sans forcément demander des garanties de qualité.

Reste que si cette lecture de l’indicateur 27) s’avère juste, la question de la certification de l’ensemble des formateurs indépendants va se poser de façon urgente. C’est plusieurs dizaines de milliers de formateurs indépendants ou de formateurs dans des petites structures de 2 ou 3 salariés qui vont devoir être certifiés d’ici le 1er janvier 2021, soit dans 18 mois au plus tard. Aura-t-on suffisamment d’auditeurs qualité pour les certifier ???

L’indicateur 28) traite de l’AFEST et est loin d’être anodin :

28) Lorsque les prestations dispensées au bénéficiaire comprennent des périodes de formation en situation de travail, le prestataire mobilise son réseau de partenaires socio-économiques pour co-construire l’ingénierie de formation et favoriser l’accueil en entreprise

Tout parcours réalisé par un prestataire intégrant de l’AFEST restera sous sa responsabilité si on lit bien cet article 28). Clairement, l’organisme de formation est positionné comme un architecte pédagogique et il lui revient la charge de l’ingénierie de formation. Là aussi, c’est une vision de l’AFEST que nous partageons. L’AFEST n’est pas de la formation sur le tas et elle doit être pilotée par des spécialistes de la formation et notamment de l’ingénierie.

Cet indicateur pourrait faire école et conduire les co-financeurs à accepter la prise en charge de l’AFEST qu’à condition que l’entreprise soit en capacité de faire la preuve qu’un dispositif pédagogique de qualité a été mis en place. Et par conséquent que le responsable dudit dispositif respecte lui-même les exigences du nouveau référentiel national qualité en formation.

En poussant le raisonnement, on peut penser que les entreprises organisant de l’AFEST devraient, soit avoir un organisme de formation lui-même certifié, soit faire appel à un organisme de formation ou un consultant indépendant lui-même certifié RNQ. Et ce serait logique car cela éviterait une distorsion dans les exigences entre formation externe et interne.

Critère 7 : management de la qualité

Le septième et dernier critère est consacré au management de l’amélioration continue : “Le recueil et la prise en compte des appréciations et des réclamations formulées par les parties prenantes aux prestations délivrées”. Il comprend 3 indicateurs :

30) Le prestataire recueille les appréciations des parties prenantes : bénéficiaires, financeurs, équipes pédagogiques et entreprises concernées

31) Le prestataire met en œuvre des modalités de traitement des difficultés rencontrées par les parties prenantes, des réclamations exprimées par ces dernières, des aléas survenus en cours de prestation

32) Le prestataire met en œuvre des mesures d’amélioration à partir de l’analyse des appréciations et des réclamations

On est là dans le domaine classique de la qualité et de la boucle PDCA  dite aussi “Roue de Deming”, bien connue de tous les experts de la qualité. Avec ce dernier critère le monde de la formation va entrer dans l’univers du management de la qualité.

Des dizaines d’années après l’industrie, une ou deux décennies après les services et le bâtiment, les organismes de formation vont eux aussi avoir leurs qualiticiens, leurs procédures de gestion des incidents et des réclamations, leurs fiches de rapport qualité, etc. Ils ne pourront plus faire l’économie de digitaliser leur processus de gestion et de rendre des comptes à toutes leurs parties prenantes. Le data dock n’était qu’un signe avant coureur. En 2021, les organismes de formation seront entrés pleinement dans l’amélioration continue.

Marc Dennery

Marc Dennery

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