Le blog de C-Campus

Comment s’accommoder de l’intelligence artificielle en formation ?

Le 30 novembre dernier, l’apparition publique de “l’intelligence artificielle” ChatGPT d’OpenAI a fait sensation dans la presse et sur les réseaux sociaux… et surtout dans le petit monde de la formation professionnelle.

Certains primo-utilisateurs  n’ont pas caché leur enthousiasme (dont votre serviteur, mais sans s’emballer non plus) à propos des capacités de cette IA. Quelle est notre première analyse du « phénomène » ? Quels usages et impacts pour les apprenants et… les formateurs et éducateurs ? Surtout, qu’est-ce que l’émergence de l’IA confirme sur les nécessaires évolutions en formation et dans le rôle des « formateurs », mais aussi sur le développement de l’apprenance ?

De quoi s’inquiéter ?

Certaines professions intellectuelles, jusque-là préservées des bouleversements de la digitalisation, se sont affolées à l’idée que les “machines” allaient les remplacer plus vite que prévu.

Le professeur Stanislas Dehaene, spécialiste de psychologie cognitive, indique d’ailleurs que les machines apprennent aussi ! Il n’a échappé à personne que des machines battent aux échecs les meilleurs “maîtres” humains ! Pourtant les tournois entre humains existent toujours !

Analysons par exemple ce dont est capable ChatGPT (qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et de salive) sous l’angle des professionnels de la formation !

Chat GPT : 1 million d’utilisateurs en quelques jours seulement !

  • ChatGPT est un “robot virtuel” conversationnel.
  • Il repose sur une base de contenus colossale : 500 milliards de textes.
  • Son essai est gratuit (pour le moment).
  • Sa techno est open source !
  • Sa conversation est plus “agréable” et “naturelle” que celle des pénibles chatbots antérieurs (et la novlangue de certains humains…)

Ses défauts, selon ses propres concepteurs :

  • C’est un prototype…
  • Manque de profondeur, de solidité et de pertinence des réponses.
  • Bases qui datent de 2021.
  • Pour le moment, aucune connexion à l’internet mondial.
  • Enfin… un modèle économique qui reste à trouver (mais des gros investisseurs, en milliards de dollars, s’y intéressent).

Il semble aussi que chez un fameux moteur de recherche concurrent, cette arrivée à grands bruits d’une IA grand public a agacé !

Des caractéristiques séduisant nos apprenants ?

On peut se tourner vers ChatGPT pour :

  • … discuter de tout (hors sujets illicites et violents bien sûr) : par ex. des perspectives de développement de la pédagogie AFEST (si, si nous l’avons testé et titillé sur ce sujet) !
  • … résoudre en quelques secondes un problème de mathématiques,
  • … qu’il rédige pour nous des lignes de code informatique,
  • … qu’il écrive un poème ou une rédaction, à la façon de Victor Hugo,
  • … recevoir un plan détaillé (et plus) de sa part, en vue d’un exposé, d’une conférence, d’une soutenance à réaliser,
  • etc.

D’autres “IA” grand public, apparues récemment sont intéressantes, par exemple :  DALLE-E (d’OpenAI toujours) ou le très “matrixien”Midjourney (d’un ex chercheur à la NASA), capables par ex. de produire des images à partir de descriptions (mots et textes) que vous leur communiquez…

Les “+” intrinsèques

  • Discussion naturelle, d’où une prise en main très rapide et une appétence à continuer.
  • Niveau de réponses assez intéressant, si on sait challenger cet « IA » par de bonnes questions.
  • Rapidité des réponses avec syntaxe et orthographe corrects.
  • Sait creuser et aller chercher des informations pertinentes ou complémentaires en cas de « contestations » de l’utilisateur.
  • Donne le sentiment qu’il est capable d’apprendre, y compris de l’utilisateur et de s’en souvenir.

Notre point de vue : Moyennant un bon questionnement de la part de l’utilisateur, cet outil est assez pertinent dans la proposition de réponses. Le robot répond souvent comme un “1er de la classe”, mieux parfois que certains moteurs de recherche au contenu “commercialement orienté”…

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Ce qui peut lasser dans l’expérience utilisateur …

Avec un peu de recul, on constate les travers suivants (ouf, les formateurs sont sauvés !)

  • Clavier obligatoire (pas d’interface vocale pour discuter avec la « bête » )
  • Tendance à se répéter, à pontifier et meubler, comme certains formateurs et enseignants parfois …
  • Nous avons réussi à coincer ChatGPT dans le test dont nous parlions plus haut : “sportivement” le robot a admis ses limites… comme certains formateurs humains…
  • Des applications web seraient déjà capables de détecter si un contenu est produit par une IA : spécialistes du plagiat ou étudiants paresseux : vous serez débusqués !

Comme l’évoque le Pr. Stanislas Dehaene, une IA peut (sous conditions) stimuler l’intelligence humaine mais elle ne la remplace pas (encore). Pas d’anthropomorphisme : un robot n’est pas un être conscient de lui-même. Il reste un programme informatique qui agit sur commandes. De même qu’un panneau photovoltaïque n’est qu’une piètre imitation de la photosynthèse d’un végétal, une IA n’est qu’une pâle copie des capacités d’apprentissage de notre cerveau, après des millions d’années de développement…

Ce dont est incapable une IA et pourquoi les apprenants vont encore devoir apprendre…

Bonne ou mauvaise nouvelle : “l’intelligence artificielle” n’égale pas (encore) les capacités cognitives de l’humain. Mesdames et Messieurs les apprenant(e)s, il va falloir encore (un peu) apprendre par vous-même ! 

  1. Une IA ne sait pas extrapoler ni développer de l’intuition. Ni deviner ou “interpréter” aussi facilement qu’un humain. Plus exactement elle devra ingérer des centaines de milliards de données (à des coûts élevés) pour imiter ce qu’est capable de faire « gratuitement » le cerveau d’un jeune enfant (par ex : rire à une blague de bon coeur, pas seulement avoir repéré que c’était une blague…)
  2. Une IA ne sait pas créer : ni un vrai “style” littéraire (à l’instar de la « petite musique » de L.F. Céline) encore moins réaliser une découverte scientifique (comme Max Planck et la physique quantique, dont l’ordinateur éponyme arrive bientôt, apparemment) ! L’IA est incapable aussi, au contraire d’un bon ouvrier, d’inventer des astuces professionnelles et trucs !
  3. Une IA ne peut pas apprendre socialement. Ce n’est pas tout à fait demain par ex. que deux IA discuteront entre elles et inventeront des solutions pour réparer au mieux votre toiture, après les dégâts d’une tempête…(mais l’IA peut aider des couvreurs et charpentiers humains à faire des choix techniques éclairés)

Ouf ! nos chers vieux maîtres, enseignants, formateurs, universitaires, sociétés savantes, etc. et nos condisciples en formation, ont encore une valeur ajoutée !
Re-Ouf !  Nos apprenants vont encore devoir (un peu) fournir des efforts pour : lire, écouter, réfléchir, se questionner,  poser des questions aux autres, chercher, être curieux, essayer, se tromper, recommencer etc. et ainsi développer ou recomposer leurs connaissances et compétences…

Comment l’IA peut/pourra aider les formateurs ?

  • Pour les formateurs digitaux / à distance

L’IA peut devenir votre super assistant.

On le sait depuis un moment, une IA  peut vous aider à automatiser certaines tâches de LMS et contribuer à un meilleur tutorat de vos stagiaires dans des parcours en ligne. Elle aide à mieux comprendre des besoins d’apprentissage et à prédire des difficultés chez certains apprenants.

  • Pour les formateurs en salle

L’IA n’animera pas à votre place mais elle peut vous aider à animer mieux…
Des IA graphiques citées plus haut peuvent vous aider instantanément à illustrer, dessiner, schématiser très facilement une pensée, un concept complexe, au bénéfice de la compréhension de vos apprenants ! Un dessin vaut mieux qu’un long discours, sauf que là, c’est l’IA qui dessine votre pensée !

Lors de vos préparations, vous pouvez engager une conversation avec l’IA, qui va vous amener des contenus certes, et aussi chemin faisant, vous conduire à réfléchir et à vous poser des questions (nous avons aussi testé cette possibilité).

Évidemment les animateurs de formation qui réussiront à s’accommoder de l’IA seront ceux qui ne se contentent pas de délivrer du savoir mais suscitent aussi la participation des apprenants, utilisent des pédagogies actives, entretiennent la dynamique de groupe, développent les 7 piliers pour un apprentissage réussi entre pairs !  ou qui sont capables d’accompagnement à l’analyse réflexive ou de re-médiation pédagogique, en cas de difficultés !

  • Pour un ingénieur /concepteur de parcours de formation

Outre les enrichissements graphiques rapides de vos contenus et supports, une IA peut déclencher des recherches pour vous.

Certaines IA sont aussi capables de créer votre avatar : photo façon Monica Bellucci ou Brad Pitt ou auto portrait façon Courbet. Demain peut-être posséderons-nous grâce à l’IA notre avatar “mobile”, sans forcément que ce soit aussi pointu qu’en “Deepfake”

Un ingénieur de formation ne peut plus se contenter de tests de connaissances pour mesurer les acquis des apprenants (entre autres à cause des tricheries facilitées par l’IA). Nous devons systématiquement proposer à nos publics des épreuves où ils doivent réfléchir en profondeur, par exemple en reliant les nouvelles connaissances acquises et leurs savoirs antérieurs et en décrivant ensuite à l’évaluateur, les applications concrètes dans leur contexte singulier !

Pour en tirer profit en tant qu’apprenant…

  1. Savoir poser les bonnes questions à l’IA et challenger ses réponses.
    Un peu comme vous le faites déjà avec votre tuteur ou votre formateur ou les autres apprenants…Pas tant pour vérifier les connaissances de la bête (plusieurs centaines de milliards de textes…) mais pour initier dans votre cerveau un succédané de conflit socio-cognitif. L’avantage est que vous pouvez insulter la machine si vous n’êtes pas d’accord avec elle : elle s’en fiche totalement !
  2. Comprendre ce que vous dit ou écrit l’IA. En tant qu’humain, toujours cultiver vos « compétences » fondamentales : savoir lire un texte en profondeur, écrire et verbaliser correctement pour vous faire comprendre, compter, extrapoler, intuiter, imaginer, créer. Bref, conserver une tête bien faite avec une pleine capacité à apprendre, raisonner et décider. Plutôt qu’une tête bien pleine, comme l’IA, incapable d’avancer par elle-même et souvent trop consensuelle !
  3. Ingurgiter du contenu pour le retranscrire sans réellement le comprendre : cela n’aura bientôt plus aucun sens ! D’ailleurs les jobs basés uniquement sur la mémorisation et la restitution d’informations standards, risquent de souffrir de la concurrence de l’IA (capable de faire cela mille fois plus vite et moins cher)
  4. Conserver un esprit critique et votre libre arbitre sur les conseils et choix proposés par une IA. Comme vous devez aussi le faire avec la connaissance ou le propos d’êtres humains. (même si c’est votre bien-aimé responsable hiérarchique qui vous parle). Quand tout le monde pense la même chose, personne ne pense ! Et méfiez-vous des croyances limitantes !
  5. C’est en vous confrontant et en interagissant avec d’autres humains que vous profitez d’un apprentissage social, pas en passant vos journées dans le Metavers ou avec ChatGPT
  6. Mettez-vous en situation réelle : pour apprendre en réflexivité sur votre pratique, vos erreurs, essais, tâtonnements. L’IA ne fera rien de tel pour vous ! Ou uniquement en appui par exemple de votre auto réflexivité. L’IA peut vous éclairer sur différentes facettes d’une problématique ou vous aider à rassembler vos idées et structurer votre questionnement.

Formateurs : aidez vos apprenants à développer leur “apprenance” dans des parcours multimodaux (avec ou sans IA) ! Pour cela, devenez vous-même un “formateur multimodal”. Si vous le souhaitez, vous pouvez vous faire certifier au RNCP sur le titre pro FPA (éligible au CPF)

Nous encourageons chacun de nos lecteurs à tester les IA grands publics.

Professionnels de la formation : n’ayez pas peur ! Voyez plutôt comment l’IA peut vous servir et vous faire évoluer dans vos pratiques. Complétez aussi vos réflexions en lisant cet article complémentaire : Quel type de formateur êtes-vous devenu après la tempête ?

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