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APS vs TMA : vers un renversement du paradigme pédagogique

Nous avons déjà abordé la crise du modèle pédagogique dans ce blog d’un point vue économique – cliquez ici. Nous vous proposons cette fois-ci d’orienter notre focale sur les aspects d’ingénierie pédagogique. Et nous vous proposons une approche renouvelée de conception pédagogique ne partant plus des connaissances à acquérir mais des situations de travail à maîtriser.

Nous développons cette approche dans nos cycles certifiants de formation de formateur multimodal – cliquez ici, et de référent AFEST –  cliquez-là.

Du modèle TMA au modèle APS

Le modèle dominant dans le domaine de la formation des adultes est encore trop souvent du type que l’on pourrait qualifier par l’acronyme T.M.A ou autrement dit : Transmission – Mémorisation – Application.

Ce modèle est fortement inspiré du modèle « scolaire ». On nous transmet de la connaissance, on essaie de la retenir et ensuite, on se débrouille pour la mettre en œuvre en situation professionnelle. Dans le meilleur des cas on est accompagné (comme par exemple dans la formation en alternance).

Il existe des variantes à ce modèle « transmissif », dites « actives ». Elles sont basées sur une approche « constructiviste » de l’apprentissage. Au lieu de transmettre le savoir, le formateur amène les apprenantes et apprenants à le construire grâce à des exercices sérieux ou ludiques (« ludopédagogie » ou en franglais « gamification »), des partages de connaissances, ou encore des études de cas. Mais que la connaissance soit transmise ou construite, le modèle reste à peu près le même : on part de la connaissance pour aboutir à la mise en œuvre. L’effort du formateur est avant tout focalisé sur la connaissance à mémoriser. La mise en œuvre reste à la charge de l’apprenant.

Des grands pédagogues tels que John Dewey, Maria Montessori ou encore Célestin Freinet ont dès la première moitié du XXième siècle remis en cause ce modèle, quasi unique d’enseignement. Plus récemment, dès le début des 1980, des chercheurs en didactique professionnelle ont poursuivi cette remise en cause. Ils nous invitent à partir non plus de la connaissance pour élaborer les programmes de formation, mais du travail.

Il s’agit d’un renversement total du paradigme pédagogique. On n’apprend plus alors en appliquant des connaissances préalablement acquises pour les expérimenter en situation de travail, mais on apprend en faisant. C’est en résolvant des problèmes en situation que l’on apprend. Ce qui est premier, c’est le faire et non plus le savoir.

On peut qualifier cette approche également par un acronyme : « A.P.S » ou autrement dit « Approche Par les Situations de travail ». C’est ce que nous faisons tous les jours quand nous élaborons des parcours en AFEST. Et c’est aussi ce que nous faisions déjà quand on concevait des formation-actions avant que l’AFEST ne soit autorisée.

D’aucuns pourront dire que cette « A.P.S » ressemble étrangement à de « l’A.P.C »  (Approche Par les Compétences) et ils auront en grande partie raison. Mais nous préférons à travers le « S » d’A.P.S insister sur la notion de situation de travail qui est plus opérationnelle et d’une maille plus fine que la compétence dans l’A.P.C. Et par ailleurs, l’APC est aujourd’hui devenue une approche trop controversée. L’idée de base de l’APC est très pertinente, mais des logiques de chapelle tendent à discréditer tout l’intérêt méthodologique de l’approche (cf. notre article sur la question).

Le modèle APS : mode d’emploi

Concevoir une formation selon une logique APS, c’est remettre la situation de travail au cœur de son processus d’ingénierie pédagogique. Au fil des ans et des nombreuses formations que nous avons réalisées avec des formateurs débutants aussi bien qu’experts, nous avons pu affiner notre démarche. Aujourd’hui, nous pouvons la résumer à travers les 5 principales étapes suivantes :

1.     Identifier les situations de travail emblématiques

Le modèle APS repose sur la qualité des situations de travail choisies. Celles-ci doivent être emblématiques, c’est-à-dire représentative de l’exercice de l’activité de travail.

Ce choix des situations de travail emblématiques ne peut se faire qu’avec les professionnels du métier, les meilleurs d’entre eux évidemment.

Les situations de travail ne doivent être ni trop large, ni trop fine. Quand on travaille à partir d’un REAC (référentiel emploi activité compétences) comme pour une certification d’un titre professionnel ou au RNCP, ce qui est qualifié « d’activité » est souvent d’une maille bien trop large. Les compétences issues de ce référentiel peuvent être bien plus pertinentes. Mais parfois, il faut encore les affiner.

2.     Modéliser les situations de travail emblématiques

Une fois les situations de travail emblématiques identifiées, il est nécessaire de les modéliser afin de définir les modes opératoires, c’est-à-dire ce que l’on doit faire, et surtout comment et pourquoi on doit le faire dans l’action. Ces modes opératoires seront à traduire en objectifs d’apprentissage.

Découvrez notre offre de formation dédiée aux acteurs de la formation en cliquant ici.

3.     Identifier les connaissances associées aux situations de travail en amont et en aval

Pour maîtriser une situation de travail emblématique, maîtriser son mode opératoire ne suffit pas. Il faut aussi maîtriser des connaissances pour mieux appréhender la situation et l’évaluer. Ces connaissances théoriques ou méthodologiques associées à la situation de travail sont également à traduire en objectif d’apprentissage.

4.     Identifier les critères et concevoir les outils d’évaluation

Le niveau de maîtrise de chaque situation de travail emblématique peut et doit être évalué afin de contrôler l’efficacité de la formation. Il s’agit de définir avec précision les critères et les niveaux associés qui permettent de qualifier la maîtrise par l’apprenant de la situation de travail.

Une fois les critères et les niveaux associés définis, l’ingénieur en pédagogie élaborera les protocoles d’évaluation (grille d’observation, livrables à produire, etc.)

5.     Traiter pédagogiquement chaque objectif d’apprentissage

Les objectifs d’apprentissage identifiés aux étapes 2 et 3 sont à traduire en activités concrètes d’apprentissage.

  • Pour l’acquisition des modes opératoires, on pourra réaliser des mises en situation de travail réelles, aménagées, reconstruites ou simulées.
  • Pour l’acquisition des connaissances, on pourra utiliser des cours digitaux, des activités de formation présentielle ou à distance ou encore de la co-formation (apprentissage collaboratif entre pairs)

Une fois l’ensemble des 5 étapes réalisées, l’ingénieur pédagogique détient l’ensemble des briques qui lui permettront de bâtir les parcours de formation en fonction du profil de chaque apprenant. Pour chacun, il déterminera une progression pédagogique avec des activités pédagogiques adaptées (cf. principe de comodalité – pour en savoir plus : cliquez ici).

Et il veillera enfin à préparer l’éco-système apprenant : formation et mobilisation des acteurs (managers, tuteurs, formateurs, accompagnateurs…), accessibilité et qualité des plateformes de connaissances, développement des capacités d’apprenance des apprenants, etc.

En conclusion…

L’approche par les situations de travail (APS) ne remplace pas l’approche scolaire de type Transmission-Mémorisation-Application, elle vient la compléter dans des formations centrées sur le développement des compétences et non plus l’acquisition des connaissances. Ce qui représente une grande majorité des formations aujourd’hui.

Elle conduit les concepteurs et formateurs à remettre la situation de travail au coeur des processus de formation. Et à voir d’un jour nouveau les apports en connaissances. Elle permet de réduire considérablement le gaspillage en formation en supprimant les longs exposés et les cours digitaux trop théoriques inutiles. Et surtout, elle invite l’apprenant, guidé par son formateur, à développer des capacités de réflexivité et auto apprentissage, bref d’apprenance.

Marc Dennery

Marc Dennery

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