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Scénarisation pédagogique : quel modèle privilégier parmi les 4 dominants ?

La scénarisation pédagogique consiste à organiser chronologiquement les séances d’une formation, dans le but de favoriser la progression pédagogique, le plus efficacement possible. Ce travail de scénarisation est réalisé par un ingénieur pédagogique ou un formateur-concepteur, une fois l’analyse de la demande réalisée, le profil des apprenants déterminé, le contenu rassemblé et les objectifs opérationnels repérés avec leurs outils d’évaluation associés.

On peut distinguer aujourd’hui 4 modèles principaux ou logiques de scénarisation. Chacun présente un intérêt, mais c’est le quatrième que nous privilégions chez C-Campus, pour bâtir des parcours de formation réellement professionnalisant.

La logique de l’organisation de la discipline ou le modèle classique de l’enseignement

Chaque discipline : les mathématiques, la physique, le droit, le marketing, la formation professionnelle aussi, a sa propre organisation qui s’articule autour de ses concepts, ses lois, ses principes, ses méthodes, ses outils… Cette organisation est pour partie issue de son histoire. La célèbre pédagogue, Maria Montessori, conseillait d’ailleurs à ses enseignants de présenter aux enfants les leçons de sciences, en leur racontant l’histoire de la discipline.

Si on applique par exemple cette logique de scénarisation à l’apprentissage de la conception et de l’animation de formation, on partira de la maîtrise des courants pédagogiques (transmissif, behaviorisme, constructivisme, socio-constructivisme…), on poursuivra pas les méthodes et modèles principaux (modèle ADDIE, Pédagogie par Objectifs, Approche par Compétences) et on terminera par les techniques et outils du formateur (différentes techniques pédagogiques, posture du formateur, etc.).

Ce type d’approche présente l’avantage de présenter les connaissances à acquérir de façon structurée et d’aider les apprenants à les relier entre elles. Elle est rassurante et facilite la mémorisation, en donnant des repères tangibles à l’apprenant.

Son défaut majeur est d’être peu efficiente. Elle nécessite un temps important pour être déployée rigoureusement. Et si on garde notre exemple de la formation de formateurs, il est difficile de l’utiliser lorsque le cahier des charges exige que la durée de la formation se limite à une ou deux journées. Alors, on fait des choix. Et on va droit au but en privilégiant les techniques et les outils.

La logique de scénarisation suivant l’organisation des connaissances dans le champ scientifique et technique n’est plus guère utilisée en formation professionnelle. Elle l’est parfois encore dans certains parcours d’enseignement supérieur. Mais la pédagogie par objectif (PPO) et l’approche par compétences (APC), très en vogue ces vingt à trente dernières années, sont en passe de l’éliminer, y compris dans l’enseignement supérieur. Probablement à tort, car prendre le temps de maîtriser les fondamentaux d’une discipline est très bénéfique pour pouvoir progresser tout au long de sa vie professionnelle, dans un domaine s’y référent.

Vous souhaitez vous former à la scénarisation pédagogique, découvrez notre parcours dédié. Nous le réalisons aussi bien en formation individualisée dans le cadre d’inscription en interentreprises qu’en formation collective pour une entreprise en formation intra entreprise.

La logique du découpage du geste ou le modèle TWI – Training Within Industry

Prenant le contre-pied du modèle de l’enseignement classique, la logique du geste y consiste à scénariser sa formation en faisant acquérir un geste professionnel (ex. Démonter/remonter un pneu de camion ou poser une valve de pression sur un équipement) par un apprentissage progressif de micro tâches simples, que l’apprenant imite.

Tout l’art consiste à découper le geste en unités les plus petites possibles pour qu’elles restent assimilables facilement par l’apprenant, puis à lui montrer comment s’y prendre et ensuite à l’inviter à reproduire, puis le corriger si nécessaire. On part des tâches les plus simples, et on complexifie progressivement les situations à traiter.

Ce modèle a été inventé pendant la seconde guère mondiale dans les industrie d’armement américaine. Il a pris le nom de TWI (Training Within Industry). Grâce au plan Marshall, il s’est largement diffusé dans les années 1950/1960 en Europe et au Japon (qui ensuite le complètera et l’enrichira).

Son avantage est d’être sécurisant, car très contrôlant. L’apprenant imite le sachant qui reste à côté de lui quand il reproduit le geste. Les unités d’apprentissage étant très courtes, il est ainsi facile d’en évaluer la maîtrise par l’apprenant : le geste est bien fait ou pas, la pièce est bien montée ou pas !

Son inconvénient est de n’être utilisable que dans un contexte très précis, à savoir l’apprentissage de gestes professionnels simples et reproductibles à l’identique. Or, la tertiarisation du marché de l’emploi et le développement du management par compétences font qu’il y a de moins en moins de tâches à reproduire à l’identique (et ces tâches sont de plus en plus réalisées par des robots ou automates…). Le travail actuel exige de l’adaptation, de l’autonomie, de la créativité dans pratiquement tous les domaines d’activité. Le TWI est aujourd’hui souvent cantonné aux métiers d’opérateurs de production.

Certains spécialistes du TWI ont laissé entendre que cette modalité pédagogique était proche voire identique à l’AFEST. C’est vrai que dans les deux cas on apprend en situation de travail (même si pour être juste, la plupart du temps, en TWI on apprend sur une “ligne école” ou un plateau technique qui n’est pas la situation réelle de travail). Mais les deux modalités sont diamétralement opposées en termes d’approche pédagogique. Le TWI est basé sur une pédagogie de l’imitation (“j’observe et je reproduis”) alors que l’AFEST est fondé sur une pédagogie de la réflexivité (“je pense mon action, j’agis en me regardant faire, et j’analyse ce que j’ai fait, pour en tirer les enseignements et m’améliorer”). Dans une scénarisation d’un parcours d’apprentissage à un nouveau métier, on privilégiera en amont le TWI pour acquérir les fondamentaux du geste, puis l’AFEST pour se perfectionner et développer son autonomie.

L’approche par la Ludopédagogie

Depuis une bonne dizaine d’année, une troisième logique de scénarisation a vu le jour. On peut la nommer “ludopédagogie”, même si ce terme désigne davantage une nébuleuse, qu’un concept pédagogique bien délimité. Et en l’employant ici, nous risquons d’ailleurs de contribuer à son flou conceptuel.

A l’origine de la ludopédagogie, il y a un constat : dans une société où l’attention devient un bien rare, il est indispensable d’imaginer des scénarios de formation qui permettent de la capter et surtout de la conserver dans le temps. Pour ce faire, les ingénieurs pédagogiques spécialistes de la ludopédagogie, ont fait un pas de côté. Ils se sont inspirés des méthodes et techniques qui fonctionnaient bien dans le domaine du divertissement (TV, cinema, streaming, musiques, jeux vidéos…) pour les appliquer dans le domaine de la formation.

C’est ainsi qu’un bon scénario pédagogique doit commencer par un ice-breaker, se poursuivre par des jeux pour  faire acquérir les connaissances, proposer des activités périodiques de contrôle des connaissances pour, à l’instar des jeux vidéos, alimenter les circuits de la récompense de nos cerveaux, instiller des “escape games” pour faire vivre des moments émotionnels forts, etc.

Toutes ces techniques sont loin d’être inintéressantes et pour tout dire, nous les utilisons et préconisons parfois chez C-Campus lorsque nous pressentons que l’attention des apprenants risque de faiblir ou pour des groupes de plusieurs dizaines de participants. Mais là où le bat blesse, c’est lorsque la scénarisation pédagogique n’est plus gouvernée que par cette logique “ludopédagogique”. On joue, on vit des expériences apprenantes agréables et amusantes, mais que reste-t-il en termes d’acquisition de connaissances et de développement de compétences ?

La ludopédagogie utilisée à l’excès, fait l’erreur de se focaliser exclusivement sur le moyen (la captation de l’attention) aux dépens de la finalité (le développement des compétences). Elle repose sur une représentation erronée de la personne qui apprend. Ce n’est pas un “formé” qui s’apparenterait à un téléspectateur ou un “gamer“, mais un “apprenant”, c’est-à-dire une personne “agentique”, capable d’auto-détermination et de concentration, à partir du moment où elle fait le lien entre ce qu’il apprend et ce qu’elle pourra mettre en oeuvre dans son travail. C’est aussi un “être réflexif”, capable de s’engager cognitivement, doté de fonctions exécutives qui lui permettent le contrôle inhibiteur (cf. les travaux d’Olivier Houdé dans ce domaine et ce résumé en vidéo). Bref, c’est tout l’inverse du téléspectateur qui se délasse devant une série télé ou du joueur qui se divertit à travers un jeu vidéo en réseau, après une dure journée de travail.

A force d’être utilisées, ces techniques de scénarisation n’amusent plus tant que ça les apprenants. Les ice-breaker au démarrage ou les petits jeux à la reprise de l’après-midi finissent par lasser. Attention ! Passé l’effet de surprise, la technique devient vite ringarde. C’est bien connu des ludopédagogues, l’effet de surprise est très bon moyen pour susciter l’attention. Mais se réinventer tous les jours n’est pas facile !

La logique du processus d’apprentissage et le modèle EDRACT®

La 4ème et dernière logique de scénarisation, notre préférée, part d’une analyse fine des processus d’apprentissage. Elle est “orientée apprenant”. Elle reprend d’une certaine manière la logique du Design Thinking qui invite à concevoir de nouveaux produits, en se fondant sur l’expérience d’utilisation qu’en auront les usagers.

Or on sait aujourd’hui à peu près comment les personnes apprennent. Il y a des invariants pédagogiques que l’on peut suivre, même s’il n’y a pas de “one best way pédagogique”. Ces invariants reposent, pour faire simple, autour de quatre piliers principaux :

  1. Sans motivation intrinsèque, l’apprenant ne pourra s’investir totalement dans sa formation, ni produire les efforts qui sont nécessaires pour mener à bien son apprentissage. La motivation intrinsèque est une condition d’une attention durable, à l’inverse de la motivation extrinsèque – cf. notre article sur motivation intrinsèque vs extrinsèque.
  2. Sans passage à l’action, sans expérimentation en situation, il lui sera difficile d’ancrer et de consolider son apprentissage.
  3. Sans connaissances pour interpréter la situation qu’il rencontre en passant à l’action, il aura du mal à traiter les situations qu’il rencontre. Connaissances théoriques ou méthodologiques et savoirs pratiques sont intimement liés et doivent être pensés dans leur complémentarité et leur interdépendance, lors de la scénarisation pédagogique.
  4. Sans réflexivité ou pratique d’autorégulation, c’est-à-dire sans analyse de ce qu’il va faire et de ce qu’il a fait, de ce qu’il sait et de ce qu’il doit apprendre, etc., l’apprenant aura du mal à tirer les bénéfices d’une formation.

C’est ainsi que nous avons développé chez C-Campus le modèle EDRACT® de scénarisation pédagogique. Nous vous l’avons présenté dans un article précédent – cliquez ici et nous en détaillerons sa présentation dans notre prochain webinaire mensuel (voir ci-dessous pour s’inscrire gratuitement). Ce modèle EDRACT® conduit à scénariser ses formations tout simplement en partant des 6 temps classiques d’un apprentissage (S’ENGAGER, DÉCOUVRIR, RÉFLECHIR, AGIR, CAPITALISER, TRANSFÉRER). Et à bâtir des progressions pédagogiques qui aident les apprenants à mettre en oeuvre efficacement chacune de leurs étapes d’apprentissage. Le formateur devient ainsi un facilitateur. Son rôle est de créer les conditions pour aider l’apprenant à gravir chacune des marches qui le conduisent vers le développement de nouvelles compétences.

Inscrivez-vous à notre webinaire mensuel du 22 mai 2025  Comment scénariser des formations engageantes avec le modèle EDRACT© “Vous y découvrez comment mettre le modèle en œuvre et aussi un ensemble de 33  techniques pédagogiques issues de notre pédagothèque pour le déployer.

Marc Dennery

Marc Dennery

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