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Conceptrice de ressources pédagogiques

En finir avec le charabia du digital learning ?

De façon surprenante, l’idiome du digital learning est aussi riche qu’imprécis pour qualifier les différents formats de contenus propres au domaine de la formation numérique. Ainsi, depuis la naissance du mot e-learning, à la fin des années 1990, un lexique s’est progressivement constitué, composé de termes improbables, issus le plus souvent d’une hybridation contre-nature des répertoires de l’informatique, du marketing et de la version américaine des technologie éducatives. S’il est tout à fait admissible que les promoteurs d’un secteur émergent constituent un thésaurus inédit pour qualifier de nouvelles pratiques, il est en revanche plus contestable qu’ils le fassent au détriment de leur intelligibilité. Cet article a pour objet de proposer une grille de lecture, transversale au charabia du digital learning, pour saisir les différents formats de contenus utilisés dans le domaine de la formation numérique.

4 formats de contenus technopédagogiques peuvent être identifiés :

  • Le format texto-graphique
  • Le format audiovisuel (numérique)
  • Le format interactif
  • Le format immersif

Chacun de ces formats dispose de sa propre grammaire. Dans un contexte particulier de formation, le formateur concepteur sélectionnera un format en fonction de la relation que celui-ci permettra d’établir entre une intention pédagogique, un contenu spécifique et une technologie numérique.

Ces 4 formats ont pour point commun une production des contenus par l’informatique en vue d’une consultation par l’apprenant sur des écrans numériques (smartphone, liseuse, tablette, ordinateur, objets connectés…). Cela les différencie notamment de formats de contenus « parents » comme le livre imprimé, la vidéo télévisuelle, etc.

#1 – Le format texto-graphique

J’évangélise la règle du 20/10/30 de PowerPoint.
Guy Kawasaki

Ce format exploite et met en synergie du texte, des graphiques et des images non animées (à l’exception rare de micro-animations en boucle réalisées au format .gif). Il n’a pas pour vocation d’être interactif, c’est-à-dire que les échanges entre l’objet d’apprentissage et l’apprenant sont inexistants ou limités à des actions simples (par exemple remplir un formulaire).

Il comprend 4 familles de ressources pédagogiques.

  • D’un côté, des ressources à dominante graphique et ou illustrative : les planches infographiques de contenus descriptifs (exemple : la planche de tous les mammifères marins), explicatifs (exemple : une recette de cuisine), quantitatifs (exemple : les chiffres clés de la jeunesse en 2020), chronologiques (exemple : la frise des événements principaux d’une période historique), cartographiques (exemple : carte de la densité d’une population dans un pays donné mais aussi carte mentale sur un thème).
  • De l’autre côté, des ressources majoritairement textuelles comprenant d’une part des supports synthétiques – tous les types de fiches (mémos, synthèse, techniques, méthodologiques…) – et d’autre part, des documents longs (guides électroniques, manuels électroniques, usuels numériques, livres électroniques, dossiers documentaires numériques, aides embarquées dans les applications…). Cette famille intègre également tous les documents issus de la littérature grise ou officielle utilisés à des fins pédagogiques (référentiels, règlements, rapports…). Enfin, elle inclut les documents éditorialisés à partir des productions individuelles ou collectives des apprenants (mémoire écrit par un apprenant, copie des échanges entre apprenants à partir d’un forum pédagogique…).
  • Entre les deux, la grande famille des présentations linéaires et autres diaporamas.
  • À cela s’ajoute les consommables pédagogiques (jeux et documentation à trous) et les outils d’aide ou d’accompagnement à la réalisation de certaines tâches (grilles d’observation, d’analyse, check-list…) généralement présentés sous des formes plus ou moins sophistiquées de formulaires électroniques (ou parfois imprimés).

Les ressources de cette famille sont couramment distribuées au format PDF d’Adobe mais peuvent également prendre la forme de fichiers au formats graphiques compatibles avec le web (GIF, PNG, JPG, SVG) ou aux formats bureautiques (.doc, .xls, etc.).

En charabia du digital learning : e-learning infographics, big picture, mind mapping, GIFs, JPEG, PNG, picto, screenshot, hashtag, prez, slides, Powerpoint, pecha kucha, fiches e-reading, PDF, ebook, epub, learning game, forms, User Generated Content (UGC), low content.

#2 – Le format audiovisuel (numérique)

La durée d’un film devrait être directement liée à la capacité de la vessie humaine.
Alfred Hitchcock

Ce format tire avantage du son et/ou de la vidéo pour exprimer le message du formateur concepteur. Il propose un flux linéaire audio et/ou vidéo et n’intègre pas de fonctions interactives.

Il se compose de deux grandes familles de ressources pédagogiques :

  • Les podcasts (contraction de iPod et de broadcast) : flux audios (plus rarement audiovisuels), diffusés sur Internet et généralement conçus pour être écoutés (et vus) sur des baladeurs ou autres smartphones. Ces émissions à caractère pédagogique peuvent être spécialement réalisées pour une diffusion sur Internet (podcast natif) ou proposer des rediffusions d’enregistrements réalisés préalablement en direct sur Internet (podcast de rattrapage). La durée moyenne d’un podcast pédagogique est de 15 à 20 minutes mais elle peut être beaucoup plus longue, jusqu’à plusieurs heures. Les contenus diffusés de la sorte reprennent souvent les codes de leurs ancêtres radiophoniques : au plus simple, un formateur concepteur raconte son message, au plus sophistiqué, l’émission peut proposer des échanges entre plusieurs personnes, des environnements ou ambiances sonores riches avec bruitages, musiques… À noter que le livre audio appartient à cette famille.
  • Les vidéos qui englobent tous les contenus de formation enregistrés au format audiovisuel numérique. Pour rendre le message efficace, tous les types de contenus vidéos peuvent être utilisés (détournés) à des fins pédagogiques. Le plus souvent, il s’agit d’un message explicatif exposé par le formateur concepteur enregistré face à la caméra, mais il existe beaucoup d’autres traitements : démonstration/explication d’un geste professionnel pas à pas en situation, tutoriel, témoignage, interview, table ronde, débat, reportage, documentaire, fiction ou série, emprunt à la télé-réalité, animation et dessins animés, etc. Les enregistrements sont généralement courts (entre 1 et 15 minutes) mais cette durée doit être adaptée au contexte de la formation (profil de l’apprenant, objectif pédagogique, nature du contenu).

Les ressources de cette famille sont généralement diffusées au formats audio .mp3 ou .wav et au format vidéo .mp4.

En charabia du digital learning : mp3, mp4, podcast learning (ou learning podcast), replay, teaser, pitch, facecam’, vidéo learning, videotelling, motion design, microlearning, capsule vidéo, whiteboard animation, vidéo scribing, vidéo dessinée explicative, scketchnoting animé…

#3 – Le format interactif

Les ordinateurs sont inutiles. Ils ne savent que donner des réponses.
Pablo Picasso

Les ressources interactives incitent l’apprenant à agir (via des outils de navigation et de manipulation : lien, bouton, glissé déposé d’objets…) pour parcourir et consulter à sa guise le contenu de formation proposé et/ou pour réaliser des activités d’apprentissage (recherche d’informations, exercices, études de cas, quiz, jeux…). À ce titre, formateur concepteur et apprenant peuvent opérer une co-création plus ou moins poussée de l’expérience d’apprentissage. Ce format est également parfois nommé rich media car il associe et met en synergie textes, images (2D-3D, fixes-animées) et vidéos comme outils et objets d’interaction. En ce sens, le format interactif intègre les deux formats précédents (texto-graphique et audiovisuel numérique). Il articule donc trois niveaux de langage, ce qui peut en complexifier la conception et la production.

La durée généralement préconisée des objets d’apprentissages interactifs est assez courte (entre 5 et 20 minutes) mais dépend encore une fois du contexte de formation et notamment des choix de navigation de l’apprenant.

Techniquement, les ressources de ce format sont réparties en deux familles :

  • Les sites web qui peuvent être statiques (le contenu est porté par des pages html reliées entre-elles) ou dynamiques (en provenance de bases de données, le contenu s’affiche à la volée dans des pages html en fonction de requêtes effectuées par l’apprenant).
    Ces sites peuvent être produits avec les outils standards du web (code HTML-CSS, moteur de blog comme WordPress, systèmes de gestion de contenu comme Drupal ou Joomla, services en lignes comme Wix), publiés à partir d’outils auteur spécialisés dans la formation (exemple : Storyline d’Articulate ou Captivate d’Adobe), ou directement implémentés dans des outils de diffusion de la formation qui disposent de fonctionnalité d’intégration de médias (LCMS – Learning Content Management System). Dans le charabia du digital learning, cette famille de ressources interactives est désignée par des vocables différents en fonction de logiques obscures. Ainsi, les capsules microlearning, les modules rapid e-learningflash learninge-learning et les SPOCs, MOOCs, COOCs, SOOCs sont globalement développés sur des bases technologiques analogues.
  • Les applications (apps dans l’environnement des téléphones mobiles). Ce sont des logiciels ayant pour fonction la réalisation d’un ensemble de tâches précises dans un environnement informatique spécifique. Dans le contexte de la formation numérique, cette famille regroupe des ressources variées comme les apps mobiles de formation ou d’entraînement, les serious games, les systèmes experts de formation, les simulateurs…

En charabia du digital learning : clic-clic-clic, bouton, objets d’apprentissages interactifs, rich, richmedia, hypermedia, transmedia, site web, blog, vlog, wiki, CMS, LCMS, e-learning, rapid e-learning, flash learning, mobile first e-learning, quiz, game learning, gamififé, serious game, SPOC, MOOC, COOC, SOOC, LCMS, SCORM…

#4 – Le format immersif

La réalité virtuelle sera une technologie importante. Je suis assez confiant à ce sujet.
Mark Zuckerberg

Ce format offre à l’apprenant deux grands types d’expérience d’apprentissage :

  • agir sur des objets virtuels superposés à sa réalité physique (réalité augmentée – RA),
  • s’immerger plus ou moins profondément dans un environnement numérique (réalité virtuelle – RV).

Outre son usage inattendu dans certains domaines de formation par phénomène de mode, ce format sert principalement des objectifs d’entraînement et de simulation. Toutefois, la crise sanitaire semble avoir remonté des profondeurs abyssales le vieux serpent de mer des campus virtuels façon Second Life. Ces environnements virtuels permettent aux avatars des acteurs de la formation préalablement créés (formateur, apprenant, personnel administratif…) de se rencontrer et de communiquer.

L’immersion virtuelle est rendue possible par l’utilisation de logiciels et de matériels périphériques dédiés (casque de réalité virtuelle, gant sensitif, combinaison haptique…).

En charabia du digital learning : skeuomorphisme, réalité virtuelle (RV ou VR), réalité augmentée (RA ou AR), simulation virtuelle, avatar, campus virtuel…

En conclusion

La désignation précédente des 4 formats de contenus révèle l’immense palette de possibilités actuellement à disposition pour produire des ressources de formation de haut niveau. Grâce à l’apparition et à la simplification de nombreux logiciels de conception, il est à noter que la médiatisation et la production des contenus texto-graphiques, audiovisuels (numériques) et interactifs (famille web) sont aujourd’hui à la portée de tout formateur concepteur. Reste à ce dernier la tâche de choisir le format adapté à son contexte pédagogique… Cela fera l’objet d’un prochain article.

Yann Bonizec

Yann Bonizec

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