Le blog de C-Campus

“Former” aux soft-skills : le grand malentendu !

Une quasi-unanimité règne dans les petits mondes du recrutement et du Learning : les soft skills sont désormais élevées au rang de “compétences stratégiques”. Selon les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn ou encore les pontes du World Economic Forum, elles figureraient même pour les employeurs, parmi les priorités absolues en termes de compétences, aussi bien pour leurs salariés déjà en poste, que pour les “profils” et “talents” à intégrer ! C’est peut-être un tantinet exagéré : les compétences “métier”, les hard skills, demeurent indispensables, à condition qu’elles ne subissent pas d’obsolescence, mais c’est un autre sujet… Plus intéressant : la manière dont certains prétendent “former” à ces compétences “essentielles”, dites “soft skills“, reste… largement questionnable !

Les soft skills, que certains comme les Acteurs de la compétence appellent “habiletés socio-cognitives” sont essentiellement des capacités et aptitudes communicationnelles et relationnelles  : savoir écouter vraiment, coopérer efficacement au sein de son équipe, gérer ses émotions dans des situation tendues, s’adapter à des ambiances perturbées, etc. Posséder des soft skills ne “compense” pas les lacunes en termes de savoir-faire ou compétences techniques, qui assoient la légitimité d’un individu. En fait les soft skills permettent surtout de développer un certain “savoir travailler et apprendre” ensemble, ce qui n’est pas rien !

Passons d’abord en revue certains freins au développement des soft skills par la formation classique. Puis nous identifierons un levier essentiel : la réflexivité ! Et nous aborderons quelques méthodes concrètes permettant aux formateurs, tuteurs, accompagnateurs et managers d’équipe, d’accompagner les collaborateurs à progresser dans leurs soft-skills

La formation classique aborde les soft-skills par le mauvais bout !

La plupart des dispositifs de formation proposés pour améliorer les compétences comportementales (soft-skills) sont encore bâtis sur des logiques descendantes et transmissives : présentation d’outils ou de recettes + apports théoriques (souvent appuyés par des “pseudo-sciences”, justifiant la “haute volée” des recettes) + jeux de rôle simulés ou un “serious games“. Puis retour au poste pour tenter d’appliquer…

Or, quand on prend la température post-formation “à froid”, les apprenants sont assez déçus : la recette apprise en formation ne “matche” pas complètement avec la “vraie vie”. Il doit donc manquer quelque chose…

Derrière le discours marketing bien rodé de certains consultants et organismes sur le développement de “l’intelligence émotionnelle”, de “l’écoute active” ou du “Leadership assertif” se cache un double malentendu : d’une part, on ne mesure pas toujours à quel point le développement des soft skills est délicat ; d’autre part, on continue faire de la formation aux soft skillscomme s’il s’agissait de savoir-faire techniques ou “hard skills“…

Dans de rares cas (cadres supérieurs, happy few ou “High Pot“) le bénéficiaire sera plutôt accompagné par un “coach” qualifié, ce qui est bien mieux mais aussi nettement plus onéreux !

Pourquoi ça coince…

Beaucoup de recettes mais finalement peu d’engagement ?

Ce modèle classique de formation aux “soft skills“, s’il peut sensibiliser, ne suffit pas vraiment à enclencher une véritable transformation. La promesse implicite donnée aux bénéficiaires, via des “recettes” applicables et des “bonnes pratiques”  (catalogue de bonnes intentions ?) à copier-coller dans le quotidien, entretient l’illusion d’une formation-opérationnelle.

Soyons réalistes :  le développement des soft skills nécessite d’abord et surtout de questionner ses représentations, ses réactions automatiques, ses postures relationnelles et parfois au delà : ses croyances, son identité et ses valeurs

Des effets de la formation, peu ou mal mesurés…

Autre zone d’ombre : l’évaluation des effets de la formation. Trop souvent, les effets d’une formation aux soft skills sont peu ou mal mesurés. Selon une étude du Baromètre du management de la formation datant de 2021, seules 14 % des entreprises mettent en place une évaluation véritablement qualitative des compétences comportementales de leurs collaborateurs (Le score monte à 25% dans les entreprises ayant mis en place des formations aux soft skills).

45% des entreprises sondées jugent “stratégiques” la maîtrise des soft skills et 51% “importantes”. En résumé, le sujet est important ou stratégique pour les employeurs mais la maîtrise des soft skills est peu mesurée (peut-être davantage en recrutement, à condition d’utiliser des outils validés scientifiquement et de trouver des critères évaluables en situation de travail…)

Un transfert compliqué, donc des déceptions !

Prenons l’exemple d’une entreprise connue qui, face à une recrudescence de tensions dans les équipes, avait investi dans une formation « assertivité et communication non violente ». Quelque temps plus tard, rien n’avait changé : les anciens schémas relationnels “toxiques” revenaient au galop, par manque d’analyse sérieuse des causes des “irritants”, d’approche systémique dans le “traitement”, d’implication assidue des RRH, managers et directeurs et d’adaptation des organisations…La formation en ce cas, c’est un “pansement sur une jambe de bois” ! Le transfert des acquis se fait mal, voire pas du tout !

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La réflexivité sur soi : condition indispensable pour faire évoluer ses propres comportements

Chez C-Campus, nous considérons que la réflexivité, cette méthode pour mieux apprendre, ne se limite pas à l’analyse de pratique. On peut aussi réfléchir sur soi, par le questionnement CVI (Croyances – Valeurs – Identité) et aussi utiliser l’analyse réflexive comme un moyen d’autorégulation (se fixer des objectifs, s’auto-évaluer, analyser ses progrès, etc.)

Former aux soft skills, c’est avant tout aider l’apprenant à faire un travail sur soi : ça commence par le “Gnothi Seauton” des Grecs anciens :  “connais-toi toi-même” ! La capacité à prendre du recul sur ses émotions, ses intentions, ses biais cognitifs et ses interactions, est au cœur du changement durable de comportements. C’est là qu’intervient la réflexivité.

Dans notre culture française très codée, implicite et encore peu habituée à verbaliser les apprentissages sur le plan personnel ou relationnel, la réflexivité sur ses soft skills n’est pas vraiment spontanée. Elle doit donc être encouragée, encadrée, outillée par des pédagogues. Voici quatre exemples de ce que peuvent mettre en place les personnes, pour progresser dans leurs compétences comportementales :

  • Un journal de bord ou journal auto réflexif
  • Des temps d’analyse et de partage de pratiques entre pairs
  • Une grille d’auto-positionnement de soft skills, évolutive en fonction du contexte et des domaines (l’assertivité d’un manager n’est pas l’assertivité d’un négociateur commercial, par exemple)
  • Des débriefings réflexifs CVI guidés par un formateur ou un accompagnateur, préparé à ce rôle de questionnement

Une manager marketing, que nous avons accompagnée dans les années 2000, suite à une détérioration de la relation avec son équipe (elle était “Rude” avec ses collaborateurs, comme on dit dans le Nord de la France), avait par exemple mis en place un “journal hebdomadaire” de récit et analyse de ses interactions conflictuelles avec ses collègues et partenaires, en s’appuyant sur une grille d’auto-évaluation issue des théories de la “communication non violente” . Elle a pu, en quelques semaines, transformer son rapport à la confrontation d’idées et se positionner davantage comme “assertive” dans ses propos et à l’écoute des idées des autres.

Jack Mezirow, pionnier de la théorie de l’apprentissage transformationnel chez l’adulte, a montré que la transformation en profondeur nécessite une distanciation critique vis-à-vis de ses schémas d’action. Selon Mezirow, le changement réel passe par un processus de déconstruction de ses cadres de pensée, suivi d’une reconstruction plus ajustée à la réalité. La réflexivité, parce qu’elle crée cette “interface” entre l’action et la compréhension, est donc essentielle au développement de soft skills dignes de ce nom. Il parle ainsi de critical reflection on assumptions (réflexion critique sur les présupposés) et de perspective transformation (transformation de perspective). On est loin de certains catalogues et offres “sur étagère” sur le développement des soft skills !

Et dans tout ça : quel soutien de l’organisation et des formateurs ?

Les soft skills s’apprennent par l’intégration progressive, l’expérimentation sur le terrain, le décalage entre intention et la réalité mis en évidence par une réflexivité sur soi. Ce processus transformatif de soi demande du temps, et surtout, de l’accompagnement dans la réflexivité. Donc l’organisation (ou le formateur) doit intervenir sur le registre de la facilitation et pas seulement en proposition de formation classique aux personnes concernées !

Cette dynamique n’est pas si lourde que ça à mettre en place. Elle suppose juste de sortir du “tout en amont” (= je t’ai inscrit à une formation aux soft skills donc, j’ai fait mon boulot !) pour intégrer aussi le quotidien et le contexte du travail. Car on ne forme pas aux soft skills (et encore moins on les enseigne) : elles se cultivent par la réflexivité.

Il est d’ailleurs impossible “d’injecter” des compétences modèles dans des cerveaux disponibles (en tous cas, pas par des moyens moraux et licites). Donc le développement de nos soft skills passe par une une invitation à nous observer nous-même, nous remettre en question, à pratiquer autrement, et souvent à désapprendre nos routines comportementales qui ne fonctionnent pas ou plus.

Certains nous rétorqueront que les méthodes issues de la Théorie du Nudge peuvent aussi fonctionner sur certains soft skills. Certes mais attention en ce cas à l’absence de “consentement éclairé” des apprenants et au côté déresponsabilisant. Il faut aussi éviter le caractère manipulatoire de certaines pratiques mal digérées, mal copiées du Nudge !

Plutôt qu’une formation one-shot en salle ou digitale, il faut donc penser “parcours d’évolution dans ses soft skills“. Plutôt que de prescrire, il est préférable d’accompagner l’émergence des soft skills. C’est cette approche — plus subtile, plus lente, mais bien plus efficace, qu’il est temps d’investiguer.

Vous souhaitez vous former en tant que “référent(e)s AFEST afin d’utiliser les méthodes réflexives ? Nous organisons chaque mois une session en inter-entreprises de notre cycle certifiant AAFEST (Répertoire Spécifique RS5525) et nous pouvons également monter une session en intra si vous êtes plus de 4. Contactez-nous sans tarder pour en discuter  formation@c-campus.fr

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