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Concepts pédagogiques #4 : le conflit socio cognitif

Le conflit socio cognitif est un concept développé dans le champ de la pyschologie sociale génétique au début des années 80. Il met en évidence l’influence positive des interactions sociales sur l’apprentissage. L’apprentissage entre pairs peut être supérieur, sous certaines conditions, à l’apprentissage seul ou face à un formateur car il suscite des confrontations de point de vue générant la remise en cause de représentations, et par conséquent l’émergence de connaissances nouvelles. Il invite les formateurs à favoriser les apprentissages coopératifs.

Comment fonctionne le conflit socio cognitif ?

Face à un problème ou une question, chaque membre d’un groupe de personnes a au démarrage une représentation qui lui est propre du problème ou de la question. Etant dans une situation d’échange et de communication entre eux, chacun peut émettre des idées, proposer sa vision du problème. Ce partage de point de vue amène chacun à faire évoluer sa représentation de départ et à aboutir à une représentation nouvelle, si ce n’est commune au groupe, en tous les cas différentes des positions de chaque interlocuteur au départ. On parle alors de conflit socio cognitif (C.S.C) car il y a “conflit“ ou échange entre des personnes (“socio“) et qu’au final cet échange produit une évolution de la pensée ou de la connaissance (“cognitif“).

Quels sont les effets du conflit socio cognitif ?

Le C.S.C accélère la plupart du temps l’apprentissage ou le changement de point de vue pour trois raisons essentielles :

  1. Il permet une décentration par rapport à son point de vue de départ (la connaissance du point de vue des autres permet de se représenter autrement le problème)
  2. Il permet de recueillir des informations ou idées nouvelles
  3. Il renforce l’implication et la motivation (le groupe favorise une certaine émulation)

Le C.S.C est particulièrement important pour résoudre des tâches complexes telles que la production d’idées nouvelles (séance de créativité), l’analyse de pratiques professionnelles (ateliers de co-développement ou co-professionnalisation), la résolution de problèmes complexes ou la gestion de projet, les tests de connaissances, études de cas ou projets d’études. A l’inverse, des études ont montré qu’il pouvait être contre productif pour des apprentissages simples.

Par ailleurs, le conflit socio cognitif a deux effets secondaires positifs :

  1. Il favorise l’apprentissage de compétences sociales (écoute active, empathie, argumentation…)
  2. Il renforce le sentiment d’efficacité personnelle (à plusieurs on a plus de chance d’y arriver !)

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Du conflit socio cognitif à l’apprentissage coopératif

Le C.S.C est un concept majeur pour les formateurs. Il invite à repenser la relation pédagogique. Former, ce n’est pas transmettre des connaissances d’un sachant vers un apprenant (modèle de la salle de classe), c’est créer des conditions pour que des apprenants apprennent ensemble, entre eux, sous l’impulsion d’un formateur.

Les tenants de cette approche ont appelé ce type de pédagogie : l’apprentissage coopératif. Ils ont eux mêmes réalisés de nombreuses études démontrant l’intérêt de cette approche. Les résultats obtenus sont cohérents avec les études réalisées sur le conflit socio cognitif (cf. “Apprentissage et formation des adultes“). La pédagogie du petit groupe de pairs est plus efficace que la formation en groupe avec un formateur ou l’auto formation à condition de respecter quatre règles essentielles.

Quatre conditions pour favoriser le conflit socio cognitif

Tout d’abord, la composition des groupes de pairs doit être particulièrement soignée. Les groupes dont les membres ont des différences de statut importantes sont peu efficaces (les personnes de niveau statutaire inférieurs craignent de s’exprimer face aux personnes de statut plus élevé). A l’inverse, les groupes aux niveaux de compétences hétérogènes sont très efficaces (les “moins sachants“ apprennent des “plus sachants“ et les “plus sachants“ apprennent en faisant l’effort d’explication aux “moins sachants“).

Ensuite, un climat favorable à l’échange et à la communication entre pairs est indispensable pour faire émerger des conflits socio cognitifs. Les apprenants doivent apprendre dans un climat de confiance et prendre plaisir à coopérer. Leur fixer des challenges entre équipes peut être pertinent, mais l’esprit de compétition à l’intérieur de chaque sous-groupe est à éviter.

Les pré-requis à la fois cognitifs et sociaux sont également à prendre en compte. Les apprenants doivent maîtriser des compétences de communication, d’argumentation, de formalisation… afin de tirer le meilleur profit des apprentissages coopératifs. S’ils ne les maîtrisent pas préalablement à la formation, il est indispensable de leur faire acquérir. Il peut être également pertinent de les amener tirer les leçons de leur expérience de travaux de sous-groupes à travers des temps de régulation au cours de la formation.

Enfin, les interactions entre apprenants doivent être relativement intenses pour qu’il y ait réellement régulation du conflit socio-cognitif et non pas seulement un accord de façade qui ne traduirait qu’une régulation relationnelle. C’est pourquoi le formateur insiste sur les enjeux de la tâche à réaliser et crée les conditions (temps, espace, moyens matériels…) d’un véritable échange entre apprenants.

Principes d’action pour le formateur, tuteur, manager…

  • Utiliser le levier du conflit socio cognitif essentiellement pour des apprentissages complexes
  • Composer les groupes de pairs (en formation ou en situation de travail) en respectant la double règle de l’asymétrie des compétences et de la symétrie des statuts
  • Par son style, mais également par les conditions matérielles et d’organisation développement d’un contexte favorable au co-apprentissage
  • Soigner le contrat pédagogique en début de formation et expliquer les attendus au regard de l’utilisation d’une pédagogie coopérative
  • Prendre des temps de régulation afin de travailler sur le climat du groupe et les compétences sociales
  • Proposer des tâches ou apprentissages complexes aux sous-groupes et insister sur l’intérêt qu’ils peuvent avoir à s’y investir

Principes d’action pour le chef de projet formation…

  • Articuler les architectures pédagogiques autour de pédagogies du petit groupe.
  • Former les formateurs à changer de posture en formation (de transmetteur de savoir à médiateur, catalyseur, formalisateur des savoirs…)
  • Evaluer les effets de la formation à travers non seulement les connaissances acquises mais également les compétences sociales et le sentiment d’efficacité personnelle développés
  • Intégrer le digital learning en formation présentielle en amenant les sous-groupes à consulter des modules de E-Learning au lancement des séquences importantes avant d’échanger sur les connaissances acquises et de formaliser ce qui doit être retenu.

Le conflit socio cognitif à l’ère de la formation digitale

La formation digitale dans sa première période (E-Learning / Rapid E-learning) se limitait à de l’auto formation. Et elle a eu tendance à nier les apports du conflit socio cognitif. Il en est tout autrement aujourd’hui alors que le digital fait son entrée dans les salles de formation grâce à la tablette et aux tableaux interactifs notamment et se diffuse bien au-delà grâce aux réseaux sociaux. Consulter à plusieurs un savoir digitalisé, le commenter et l’enrichir est, à n’en pas douter, générateur de conflit socio cognitif. De même échanger avant ou à l’issue d’une formation sur un réseau social peut générer également du conflit socio cognitif. Concernant les réseaux sociaux, il y a certainement des précautions à prendre, car partager n’est pas toujours interagir socialement et encore moins réguler un conflit cognitif. Il ne suffit pas de poster ou de voir rapidement ce que d’autres ont posté pour “entrer en conflit socio-cognitif“. Il y a certainement des règles de participation à bâtir pour passer du simple échange à la véritable interaction apprenante. Citons pêle-mêle :

  1. Tu ne posteras que ce que tu as réellement pensé, analysé, compris et non pas seulement des idées qui te traversent la tête.
  2. Avant de lancer un nouveau sujet, tu vérifieras qu’il n’a pas été déjà traité et dans ce cas tu privilégieras un commentaire plutôt qu’un nouveau post.
  3. Tu éviteras les like et j’aime. Tu préfèreras les commentaires constuits apportant des idées complémentaires.
  4. Tu ne partageras un lien qu’après t’être assuré qu’il était valide / juste / pertinent. Et tu t’efforceras de le commenter.
  5. Tu soigneras ton expression afin de permettre à chacun de te lire sans fatigue, ni perte de temps.
  6. Etc.

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En résumé

Le conflit socio cognitif en formation

Références pour aller plus loin…

L’adulte en formation de Etienne Bourgeois – cliquez ici.

La psyschologie cognitive – cliquez ici.

Régulation des conflits socio cognitifs et apprentissage in Revue française de pédagogie – cliquez ici.

Vers des apprentissages en coopération – cliquez ici.

 

 

Marc Dennery

Marc Dennery

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