Le blog de C-Campus

À quelles conditions peut-on industrialiser des AFEST ?

Alors que l’Action de Formation en Situation de Travail, reste une modalité « fraichement » intégrée dans les pratiques des entreprises et des acteurs de la formation, certains décideurs se posent déjà la question de son « industrialisation ». Il s’agirait pour des grandes entreprises, certains acteurs, institutionnels et financeurs publics ou des branches professionnelles de déployer des AFEST de manière « massive », par exemple dans des parcours de formation à destination des demandeurs d’emploi ou pour des publics de bas niveau de qualification ou en reconversion.

Les avantages de l’industrialisation des AFEST sont séduisants… sur le papier !

  • Mutualiser les moyens et les financements,
  • Viser le développement rapide de compétences via des formations plus « opérationnelles »,
  • Coller aux besoins concrets des secteurs et métiers qui recrutent,
  • Développer la polyvalence des salariés pour les (re)positionner sur des activités porteuses,

Mais 3 questions restent encore en suspens :

  1. Industrialiser l’AFEST est une audace ou une gageure ? Ne devrait-t-on pas d’abord éprouver, tester ou expérimenter et adapter les AFEST avant de les généraliser dans les organisations ?
  2. Y-a-t-il un risque de passer à côté du concept même d’AFEST par une industrialisation excessive :  formation hautement personnalisée, centrée sur l’apprenant ?
  3. Comment éviter de « dénaturer » l’AFEST en l’industrialisant uniquement sous l’angle des financements ?

Si vous voulez bâtir votre stratégie AFEST, contactez-nous et consultez notre Notre site dédié AFEST, c’est ici !

4 grands principes pour industrialiser les AFEST ?

Mutualiser

L’ingénierie et le coût d’entrée dans l’AFEST représentent un investissement élevé pour les entreprises de taille petite ou moyenne mais également pour les filiales et établissements des grands groupes. La mutualisation de l’analyse du travail réel ainsi que le repérage des « situations apprenantes types », pourraient donc relever du rôle de branches ou secteurs professionnels (via les OPCO) et bien sûr de la direction du développement RH dans les grands groupes (nous nous réjouissons chez C-Campus que certaines branches et certains de nos clients s’investissent déjà dans cette démarche).

Dès lors que des AFEST potentielles concerneraient un public conséquent d’apprenants, cette ingénierie mutualisée déboucherait sur la production de « protocoles AFEST » ainsi que sur la mise à disposition d’outils communs :

  • REAC AFEST (référentiel emploi-activités-compétences)
  • PIF AFEST (protocole individuel de formation, un outil recommandé pour formaliser et tracer les AFEST)
  • Grilles de positionnement amont,
  • Modalités réflexives et outils d’évaluations in situ, etc.

Bref, une véritable boite à outils au service des acteurs opérationnels des AFEST.
Les conseillers d’OPCO ou les conseillers et responsables formation des grands groupes pourraient alors aider les référents AFEST internes des entreprises ou des établissements bénéficiaires à « relocaliser et contextualiser » les protocoles et outils mis à disposition, afin de déployer leurs AFEST !

La fausse bonne idée : transformer l’AFEST en dispositif de financement.
1) Les fonds mobilisables sont dérisoires par rapport aux besoins des 29 millions d’actifs et demandeurs d’emploi.
2) l’AFEST reste une modalité, il ne s’agit pas de refaire de la tuyauterie financière en formation, il y en a déjà pléthore !

Homogénéiser la qualité des formations terrain

La formation dite « sur le tas » existe de tous temps et dans tous les secteurs. Le hic est qu’elle est souvent peu efficace (peu structurée, fortuite, informelle, etc. d’où pertes de temps, manque de sens, etc.). Elle est également par essence hétérogène en ce qui concerne la qualité des apprentissages et des enseignements. L’organisation fait le pari (hasardeux) que l’apprenant va apprendre inconsciemment, “à l’insu de son plein gré !”

Là aussi une industrialisation intelligente des AFEST pourrait amener les entreprises à structurer et améliorer des pratiques de formation terrain.

La professionnalisation de référents et d’accompagnateurs AFEST internes seraient le gage d’une homogénéisation et d’une amélioration de la qualité des pratiques pédagogiques. Le bénéfice secondaire serait de reconnaître, valoriser et possiblement rendre libératoires au regard des obligations légales ces pratiques de formation.

La fausse bonne idée : sur-investir dans l’ingénierie amont, au détriment de la professionnalisation et de l’accompagnement des acteurs des AFEST pendant les phases de déploiement.

1) la réussite des AFEST ne repose pas tant sur la qualité de l’ingénierie et des outils pédagogiques que sur la capacité de l’organisation à rendre « AFESTives » les pratiques formatives existantes plus ou moins formelles et donc à favoriser l’appropriation de l’approche et des outils AFEST par les accompagnateurs et les apprenants eux-mêmes.
2) la réussite du déploiement des AFEST dépend de la capacité des référents à accompagner et coordonner les accompagnateurs AFEST ainsi qu’à animer la ou les communautés d’apprentissage.

Concentrer et prioriser

Plutôt que de multiplier les parcours AFEST avec des centaines d’heures de « formation » ou de disperser les moyens et ressources sur une multitude de domaines, une industrialisation raisonnable consisterait aussi à concentrer les AFEST sur des sujets et publics prioritaires, avec une garantie de fort ROE (retour sur attentes). On peut raisonner ainsi selon le principe de Pareto : quels sont les 20% de cas (problématiques/enjeux/priorités) qui représentent au sein d’une structure, d’une filière/branche/entreprise ou d’un public ciblé, 80% des besoins de développement de compétences en AFEST ?

La fausse bonne idée : vouloir former tout le monde en AFEST.

1) les personnes ressources mobilisables dans les organisations, référents et accompagnateurs AFEST notamment, ont (fort heureusement) un métier par ailleurs : ils ne peuvent pas se consacrer à temps pleins aux AFEST !
2) l’AFEST n’est qu’une modalité parmi d’autres, certes pertinente dès lors qu’on vise l’acquisition de compétences in situ et très contextualisées, mais elle n’est pas non plus « magique ». Elle ne répond pas universellement à tous les besoins !

Reconnaître

L’AFEST pensée et déployée en mode « industriel » idéal, permettrait aussi aux bénéficiaires d’obtenir une reconnaissance officielle : que ce soit en blocs de compétences acquises en AFEST ou au travers d’une démarche ultérieure (volontaire) des apprenants pour se lancer dans une VAE à partir de mises en situations AFEST et de séquences réflexives capitalisées. Cela suppose que les commanditaires et dispensateurs de formation conçoivent les AFEST de manière à ce qu’elles permettent le cas échéant, ces reconnaissances ultérieures.

La fausse bonne idée : le tout diplômant, tout certifiant en AFEST !

1) Soyons réaliste, la plupart des employeurs mobilisent les AFEST pour des objectifs opérationnels à court et moyen terme. Comme le disait avant le confinement un restaurateur de la région Lilloise : « c’est bien que mon candidat cuisinier possède un CAP, mais moi ce que je souhaite, c’est qu’il sache faire la carbonade flamande et des welsh, car c’est ce que veulent manger mes clients ! ».
2) Les apprenants eux-mêmes apprécient les caractéristiques intrinsèques de l’AFEST (se former juste assez, juste à temps, sur ses besoins singuliers, dans son environnement professionnel, etc.) et surtout le sentiment d’efficacité personnelle qu’elle permet de développer. Un travailleur en situation de handicap, bénéficiaire d’une AFEST, la résumait de cette manière : « on m’a fait confiance et j’ai confiance maintenant ! ». Pourquoi pas une reconnaissance, mais à la fin, pas comme préalable à l’AFEST proposée aux apprenants !

2 grands pièges à éviter dans l’industrialisation des AFEST

“Eparpiller par petits bouts façon puzzle…”

Nous reprenons le bon mot du film culte dialogué par Michel Audiard. Il faudra limiter le saupoudrage ou l’éparpillement des moyens en AFEST. Il conviendra également de ne pas s’enfermer dans la « politique du chiffre à court terme » sans mesure d’impacts à moyen terme, par exemple sur l’employabilité ou le développement des compétences des publics concernés.

“Pas touche au Grisbi !”

Pour rester dans la dialectique particulière de Audiard, la réplique dit bien les choses : certains opérateurs pourraient être tentés de créer des parcours AFEST industriels dans une logique financière (sécuriser le modèle économique de la formation) ou pour répondre aux injonctions des donneurs d’ordre et financeurs (en ce moment, plutôt friands et demandeurs d’AFEST).
Se posera alors la problématique de la limite des fonds et budgets, non extensibles à l’infini !  Enfin, les financements de la formation professionnelle créent parfois des effets “poussent au crime” (d’où fraudes, détournements, dévoiements, etc. comme nous avons pu encore le constater récemment sur le CPF, par exemple…)

Quelles alternatives et approche complémentaire aux AFEST industrialisées ?

Le Training Within Industry peut représenter une alternative aux AFEST mais il possède sa propre logique et suppose de respecter quelques contraintes. Le TWI

Le tutorat repensé à l’aune de la réflexivité est complémentaire aux AFEST, voir notre article : “Tutorat et AFEST deux approches complémentaires”

Dans un prochain article, nous verrons qu’une autre piste de réflexion sur les AFEST pourrait être aussi intéressante que l’industrialisation :  l’AFEST en mode agile…

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