La formation interne retrouve de l’attractivité depuis la loi de 2018 et pas seulement grâce au phénomène de l’AFEST. Beaucoup de directions opérationnelles dans les entreprises se rendent à nouveau compte de son intérêt. Certains responsables formation ou L&D hésitent pourtant à déployer plus largement des formations internes car ils s’interrogent notamment sur sa “rentabilité” et son ROI (retour sur investissement). D’autres préfèreront certainement se questionner sur le ROE (retour sur attentes) de la formation interne (ou externe d’ailleurs). Ce concept de ROE serait plus perceptible, selon Jonathan Pottiez, l’un des meilleurs spécialistes francophones de l’évaluation de la formation.
Une formation interne est menée à l’initiative de l’employeur avec les moyens propres et les ressources de l’entreprise, sans faire appel à un organisme de formation. Peu importe la modalité qui est utilisée (présentielle, e-learning, FEST, etc.) en formation interne. Parfois bien former en interne consiste tout simplement à améliorer, homogénéiser, structurer, formaliser, outiller ce qu’on appelle la “formation grise”. Autrement dit les pratiques existantes et informelles de formation de la “formation sur le tas” (lire à ce propos notre article Comment blanchir la formation grise ?)
Ne pas confondre co-financement et rentabilité intrinsèque d’une formation interne
Certains responsables RH- formation ou directions L&D s’enorgueillissent (j’en étais, il y a une vingtaine d’années) d’obtenir des co-financements publics ou paritaires, pour leurs actions de formation internes.
Ne boudons pas notre plaisir, cela fait encore un peu parti (en 2024, en France) du jeu de la “fonction formation”. Même si depuis la réforme de 2018, la plupart des fonds mutualisés ont disparu. Toutefois, le cofinancement, c’est la cerise sur le gâteau, pas le gâteau ! Si l’on attend un hypothétique co-financement pour commencer à former son personnel, on risque d’attendre l’arlésienne !
Ce n’est pas parce qu’un projet de formation interne obtient un co-financement externe, qu’il est intrinsèquement bon et rentable ! Cela signifie juste qu’il rentre “dans les cases du financeur”, qui a sa propre logique. Une formation interne doit produire un “retour”, que ce soit en termes de compétences développées ou de gains socio-économiques pour l’entreprise et ses salariés !
Faisons comme si nous n’avions pas de financement !
Dans l’hypothèse (fréquente donc) où les cofinancements sont rares et limités, il peut être pertinent de se pencher sur la solution “formation interne”.
Nous vous proposons de balayer le sujet de la rentabilité de la formation interne en 5 points. Il ne s’agit pas de raisonner comme un contrôleur de gestion et de calculer finement le ROI de la formation interne (ce serait un exercice aussi difficile que de calculer objectivement le ROI d’une campagne marketing). Il s’agit avant tout de poser un réflexion complète mais simple, d’y voir clair, de faire de bons choix en matière de formation interne !
1) Définir des objectifs précis
Avant même de songer au déploiement de formations internes, il est indispensable (comme en formation externe) de définir soigneusement ses objectifs et de répondre ainsi à deux questions fondamentales :
- former en interne pour quoi faire concrètement ? Par exemple : pour développer les postures de sécurité au travail, améliorer la qualité de ses prestations, développer la productivité de son équipe par de meilleures pratiques au travail, permettre aux salariés de mieux s’adapter à un changement d’ERP, etc.
- former en interne pour quel enjeu ou finalité ? Par exemple : pour faire face à un enjeu de croissance ou de marque employeur (attirer, recruter, intégrer), fidéliser ses talents, pour augmenter ou maintenir le niveau de compétences de ses salariés ! Ou tout simplement pour assurer la pérennité de son organisation…
Supposons qu’une entreprise veuille accroitre de 5% son chiffre d’affaires moyen par vente, afin de préserver sa profitabilité. Pour cela, elle monte une formation interne de type FEST. Par exemple sur le développement de l’écoute des clients pour des apprenants commerciaux. Ces derniers sachant “vendre plus et mieux, en écoutant mieux leurs clients” auront une meilleure chance d’obtenir 5% d’euros supplémentaires par vente. CQFD : nous tenons nos objectifs clairs : pour quoi former et pour quels enjeux !
- Facteur de réussite : comme c’est le cas en formation avec un OF externe, les objectifs de formation interne (son cahier des charges) sont définis avec soin. Quand les objectifs et les finalités de la formation interne sont parfaitement alignés avec les objectifs stratégiques de l’entité ou de l’entreprise, c’est encore mieux !
- Point de vigilance : les objectifs de formation des bénéficiaires (les réponses au pour quoi et pour quel enjeu former) sont à compléter par les objectifs des formateurs internes eux-mêmes (ce qu’ils vont devoir maîtriser pour bien former leurs collègues, ce qu’ils doivent apprendre eux-mêmes, par exemple en trucs et astuces pédagogiques)
2) Estimer les avantages spécifiques de la formation interne
La formation interne possède ses avantages et ils sont “puissants” :
- la formation interne colle facilement aux objectifs opérationnels de l’organisation,
- elle peut “concerner” et impliquer plus concrètement les lignes managériales,
- si elle se réalise in situ, elle est économique : aucun “départ en formation”,
- elle peut être intégrée dans le planning de travail des apprenants et des formateurs internes (se former en travaillant = en AFEST, par ex.),
- elle permet de mieux contrôler la confidentialité des informations sensibles de l’entreprise,
- elle est assez facilement adaptable aux besoins des apprenants, dans leur contexte de travail,
- elle permet de former sur mesure, juste assez, juste à temps et au plus près du besoin objectif,
- elle permet souvent aux apprenants de se former avec leur vrai “matériel” de travail,
- elle est concrète et pratique, notamment lorsqu’elle se déroule en situation de travail réel,
- la mise en pratique des acquis et le “transfert” peuvent être monitorés par les managers des apprenants,
- la mesure des impacts (évaluations à froid) peut être plus aisément réalisée par le management.
La fonction L&D veillera à l’alignement et à l’évolution régulière de la formation interne, au regard de la stratégie et des enjeux de l’entreprise. Le responsable RH formation ou Learning & Development a aussi un rôle essentiel pour éviter la “cornerisation” de la formation interne, par exemple la limiter aux “parcours d’intégration” des nouveaux !
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3) Estimer les coûts de la formation interne
Les coûts de formation interne sont assez faciles à estimer car ils correspondent souvent aux mêmes postes de dépenses que ceux de la formation externe “intra entreprise”. Le choix des modalités pédagogiques (présentiel, e-learning, AFEST…) aura bien sûr une incidence sur les coûts !
- salaires chargés des formateurs internes (souvent “occasionnels” donc au prorata temporis),
- salaires chargés des apprenants en formation (au prorata temporis),
- éventuels coûts de remplacement des apprenants en formation,
- éventuels frais de déplacements et d’hébergements des apprenants en formation,
- coûts liés à la conception et production des contenus internes de formation,
- coûts ou quote-part des matériels et supports pédagogiques, y compris licences, logiciels, plateformes, ordinateurs, support participants etc., nécessaires à la formation interne,
- coûts administratifs et de gestion liés à la formation interne,
- coûts de locations de salles et matériels (si besoin) ou coûts liés à l’utilisation des locaux et matériels (+ coûts des matières, le cas échéant) de l’entreprise,
- coûts des épreuves d’évaluation (ou équivalent) des apprenants.
Les formations tutorées au poste ou les formations en situation de travail ressortent clairement comme des modalités économiques et écologiques : certaines dépenses sont absentes (zéro déplacement & hébergement, pas de location de salle, ni frais de remplacement, ni achat de matériel de formation, etc.). De surcroit, même si la “cadence” ou la productivité des apprenants et tuteurs est moindre qu’en “situation normale de travail”, il y a néanmoins une “production” assurée : l’apprenant travaille en apprenant et apprend en travaillant !
4) Constater les résultats tangibles de la formation interne
En ce qui concerne la mesure des résultats opérationnels ou de performance de la formation interne, le service Formation procédera comme pour la mesure des résultats d’une formation déployée par un OF externe.
Il pourra surveiller avec ses commanditaires internes, l’évolution de “métriques” à l’issue des formations, par exemple :
- la variation de la satisfaction client ( formation interne sur les attitudes de service)
- la diminution du nombre et de la gravité des accidents du travail (formation interne “sécurité”)
- l’évolution des ventes ou de la part de marché (formation interne commerciale)
- le taux d’erreur ou de non conformité (formation à l’excellence opérationnelle)
- etc.
Les critères d’évaluation de la performance sont soigneusement choisis, en fonction de ce qui est attendu et observable à l’issue de la formation. Une stagnation ou évolution négative d’un métrique ne signifie pas forcément que le niveau de compétences des salariés est en régression. D’autres facteurs peuvent en être la cause : une analyse serait nécessaire !
En ce qui concerne l’évaluation des apprentissages par les lignes managériales (évaluation à chaud, à tiède et à froid) nous vous renvoyons à cet article où nous abordons 5 niveaux possibles d’évaluation et 12 outils concrets !
5) Quid des effets plus “intangibles” de la formation interne ?
Au niveau de l’équipe au sens large (apprenants + tuteurs & formateurs + management), on constate fréquemment des effets bénéfiques, qui s’ils ne sont pas toujours évidents à mesurer car intangibles (sauf à réaliser des études, enquêtes et sondages), n’en sont pas moins réels et importants. Nous en avons identifié au moins une dizaine :
- accroissement du sentiment d’appartenance,
- renforcement des liens entre les apprenants et les sachants ou entre les générations,
- renforcement de la cohésion d’équipe et inter-équipes,
- facteur de climat social positif, surtout s’il y a reconnaissance des efforts en formation et de l’implication des tuteurs et formateurs internes,
- fidélisation des apprenants, notamment lors des périodes d’intégration ou en mobilité interne, et aussi de leurs tuteurs – formateurs (nouvel horizon, nouvelles responsabilités, ressourcement…)
- contributions et liens évidents avec la culture et les valeurs d’entreprise,
- meilleur engagement en formation des apprenants qui ont fréquemment le sentiment de réellement développer des compétences, surtout si les modalités utilisées facilitent le “transfert”,
- communication interne plus aisée lorsque la formation rassemble des personnes de différents services et métiers autour d’un sujet commun, ayant donc eu l’occasion de mieux se connaître et comprendre,
- identification des “talents et potentiels” par le management ou le service RH (la formation se fait “à la maison”, au contraire de la formation externe, il est donc en principe plus aisé de détecter des apprenants engagés et à potentiel de progression),
- renforcement de la marque employeur : une entreprise qui accompagne et s’occupe vraiment de ses salariés dans leur quotidien, c’est apprécié par les candidats !
Tout plan de développement des compétences digne de ce nom repose donc sur ses deux jambes : un savant dosage et équilibre entre les formations externes et les formations internes !
La formation interne est souvent axée sur les compétences métiers, les savoirs spécifiques et la transmission des valeurs, des bonnes pratiques et de la culture.
Elle est par conséquent indispensable à la pérennité et à la solidité du “corps social” que représentent l’entreprise et ses salariés. Sa “rentabilité” n’est donc qu’une partie de sa raison d’être et la formation interne est très complémentaire de la formation externe !