Il y a quelques semaines, nous vous proposions 10 clés pour transformer une formation présentielle en formation à distance et vous avez été très nombreux à apprécier et réagir positivement à notre contribution.
Pour aller plus loin… “10 clés pour transformer une formation présentielle en formation à distance” – Cliquez ici
Cette semaine nous interviewons Sandrine Nogues, responsable pédagogique et Jonathan Pottiez, pilote de l’offre « Évaluation et efficience » chez C-Campus qui se sont prêtés à l’exercice du retour d’expérience sur des animations récentes réalisées en pleine période de confinement.
Cette interview se poursuivra dans un second article (publié ici ) complétée par le témoignage de Félix Gatinel , participant au cycle certifiant de référent AFEST en formule 100% présentiel à distance.
Sandrine, vous avez conçu la plupart des parcours de formation 100 % à distance que le cabinet C-Campus propose depuis 2015. Quels sont les postulats sur lesquels vous avez travaillés ?
Quand on passe du présentiel au distanciel, il y a de nombreuses choses qui changent et pas seulement le fait de ne pas se voir « en vrai ».
Tout d’abord, un média technique, un outil de classe virtuelle par exemple, s’intercale entre les participants et le formateur.
Ensuite on sait que derrière un écran l’attention et la concentration sont difficiles à maintenir dans la durée, des deux côtés d’ailleurs : aussi bien de celui des participants que du formateur.
On ne peut pas rester 7 h d’affilée en formation distancielle comme c’est le cas dans un stage classique.
Enfin, nous constatons avec le confinement dû au Covid-19, que lorsque les salariés sont en télétravail permanent, ils sont déconnectés de leur cadre de travail habituel (collègues, lieux, outils, rituels, clients…) et ceci occasionne une perte de repères et de réflexes, y compris pour apprendre.
Il faut donc revoir la pédagogie et s’interroger sur la meilleure manière de former et d’accompagner à distance. Nous échangeons d’ailleurs régulièrement avec des spécialistes, comme l’universitaire Jacques Rodet, un expert en la matière, qui nous apporte un éclairage précieux.
Retrouvez ici notre interview récente de Jacques Rodet Interview et son livre de référence dans le domaine
Qu’est-ce que cela change concrètement ce « distanciel » dans le travail de conception pédagogique
Cela change trois choses fondamentales, selon nous :
- La durée
Il est illusoire de dépasser 5 heures de formation en distanciel et encore… avec une bonne pause déjeuner au milieu ! Autre raison de rester raisonnable sur le timing : un outil de classe virtuelle, même s’il est performant techniquement, crée des pertes de temps car les participants doivent se l’approprier au niveau des fonctionnalités. Ce qui en soi peut prendre une vingtaine de minutes, si on veut le faire sérieusement.
Par ailleurs, pendant une classe virtuelle, on n’est jamais à l’abri de coupures techniques ou de déconnexions, la bande passante est parfois limitée sur Internet. C’est aussi à prévoir dans le timing.
En résumé : ne pas surcharger la journée en distanciel et se concentrer sur les objectifs pédagogiques prioritaires.
- Le séquencement
Il est crucial en distanciel de maintenir l’attention en dynamisant l’apprentissage, encore plus qu’en présentiel. Pour cela, nous recommandons de prévoir des séquences plus courtes et plus rythmées (entre 20 et 45 minutes chacune) qu’en présentiel et avec des activités variées.
Le concepteur pédagogique doit rester lucide : la fatigue est plus importante en formation à distance, la concentration est encore plus forte, les travaux en sous-groupes mobilisent de l’énergie, l’écran finit par gêner l’œil, etc. Il faut optimiser le nombre et la durée des séquences pédagogiques. C’est d’autant plus nécessaire dans le contexte actuel où les gens sont saturés d’écrans et de réunions interminables à distance !
En résumé : structurer et cadencer davantage qu’en présentiel et mettre l’accent sur l’accompagnement du formateur
- Les activités pédagogiques
En formation à distance, d’après notre expérience, il faut réduire les apports aux essentiels ou aux connaissances strictement nécessaires, quitte à permettre aux participants de compléter leurs connaissances avant ou après la séance de regroupement.
Il faut également prévoir davantage de travaux individuels et en sous-groupe, avec des restitutions régulières. Il est d’ailleurs nécessaire de prévoir et de documenter en amont les supports qui serviront aux travaux en sous-groupes. On soignera particulièrement les supports de restitution des travaux, qui devront être clairs, faciles à utiliser et synthétiques.
En résumé : varier les activités et encore plus soigner les supports
Jonathan, qu’en-est-il d’ailleurs des techniques d’animation : peut-on tout imaginer en distanciel ?
Oui, on peut utiliser toute la palette des méthodes pédagogiques actives et participatives : étude de cas, simulations, analyses critiques, exercices, quiz, jeux de rôle, brainstorming, etc., exactement comme en animation présentielle. Chez C-Campus nous disposons d’une « pédagothèque » très riche avec des dizaines de techniques pédagogiques, dont la plupart fonctionnent en distanciel.
Pour animer dans de bonnes conditions, le formateur utilise bien entendu un outil de classe virtuelle ou de formation à distance, c’est indispensable.
Un simple outil de visioconférence ou de partage d’écrans se révèle rapidement insuffisant en matière d’usages ou de fonctionnalités.
En formation à distance, il convient de rester proche de ce que l’on fait en présentiel. Un bon outil le permet.
Autre point : en animation à distance, il ne faut pas avoir peur du vide dans l’animation. Au contraire : il faut laisser encore plus de temps à la prise de parole des participants, proposer par exemple une « foire aux questions » (FAQ), notamment en cas d’utilisation de la fonctionnalité de « chat ».
L’usage du « chat » me paraît important car la prise de parole est moins spontanée et moins facile en virtuel qu’en réel. L’animateur doit veiller à la répartition et à l’équité des prises de parole de chaque participant, sinon il y a des risques de décrochage ou d’isolement, bien plus qu’en présentiel. Cet outil « chat » est en ce sens facilitant pour les plus timides.
Par ailleurs, j’ai remarqué que si on laisse un sous-groupe travailler seul trop longtemps en distanciel, il peut y avoir des phénomènes de déconcentration ou d’éparpillement. Je conseille donc aux animateurs à distance, de virtuellement passer dans les sous-groupes au bout de quelques minutes, comme en présentiel pour, selon les cas, « dépanner », répondre à une question, rythmer, remobiliser, garder la concentration, etc.
Sandrine d’ailleurs nous suggère d’être très explicites et rigoureux sur les timings dans les scénarios pédagogiques.
Sandrine, une réaction ?
Je confirme : il faut veiller au niveau de participation de tous et de restitution, sous la bonne forme.
En résumé : encore plus cibler les activités à forte valeur ajoutée pédagogique pour les apprenants lorsque l’on est en distanciel.
Sandrine, revenons à la conception pédagogique : la formation à distance se résume-t-elle à la classe virtuelle ?
Pas du tout : la formation à distance peut se concevoir dans une logique multimodale.
On peut par exemple distribuer les apprentissages entre les moments synchrones, les temps où l’on est tous ensemble en classe virtuelle et des temps asynchrones où l’on favorise le travail personnel des apprenants : visionnage de modules e-learning, travaux en sous-groupes, lecture, recherche documentaire, travail sur cas pratiques, préparation d’une épreuve, etc.
Dans cette optique, le concepteur pédagogique prévoit également des documents et supports structurants pour les travaux dirigés en sous-groupes et/ou en asynchrone : par exemple, un cahier virtuel d’exercices, avec des consignes simples et claires.
En résumé : instiller et moduler dans un parcours de formation à distance différentes instances (petit groupe, grand groupe, travail individuel…) et différentes modalités (synchrone, asynchrone).
Quels autres conseils donneriez-vous aux concepteurs et animateurs de formations à distance ?
Jonathan : je dirais qu’il faut penser en amont au niveau d’autonomie des participants sur l’outil de classe virtuelle. Lorsque l’on utilise ce type d’outil pour la première fois, il y a toujours des appréhensions chez les participants : « Vais-je y arriver ? Comment ça fonctionne ? Et si ça coupe, que dois-je faire ? Ai-je le droit de parler ou non ? », ce sont les questions classiques que se posent les participants, la première fois.
Sandrine : si le concepteur prévoit un parcours découpé en plusieurs classes virtuelles avec des intersessions, il faut, au début de chaque classe, réinterroger le niveau des participants, pour s’assurer qu’il n’y a pas de décrochage ou d’incompréhension. C’est encore plus nécessaire qu’en présentiel.
Jonathan, vous animez régulièrement des parcours de formation C-Campus, y compris des cycles certifiants, en blended learning et en 100 % à distance. Quel est votre retour d’expérience en la matière ?
La distance créée par l’écran fait que naturellement il y a moins de « lien humain » qu’en présentiel, il faut donc le compenser par une écoute active et beaucoup d’échanges. Il s’agit de rétablir les interactions humaines, « abimées » par la distance.
Nous pensons aussi chez C-Campus que la formation à distance n’est pas une formation par défaut, un pis-aller ou, pire, un prétexte pour « occuper les gens » : elle doit toujours permettre d’atteindre les objectifs pédagogiques fixés (selon la nature des compétences à transmettre ou à faire acquérir), peu importe la modalité.
Pour moi, le but est de recréer en distanciel le « cocon pédagogique », le cadre spatio-temporel de la salle de formation. L’animateur doit donner les meilleures conditions possibles aux participants : du temps, des moyens, de l’écoute, pour atteindre les objectifs, tout en gérant les contraintes techniques. Le niveau d’animation est exigeant !
En résumé : l’objectif est de créer les conditions d’un « présentiel à distance »
Quels facteurs peuvent, comme vous dites, « abîmer » la formation ?
En ce moment nos apprenants en formation distancielle sont souvent chez eux, en télétravail donc dans le « triple ni » : ni dans leur cadre habituel de travail, ni dans le « cocon pédagogique » d’une salle de formation, ni vraiment dans leur « chez-soi ». Il faut donc recréer un triple lien pour compenser :
- un lien avec le thème et l’objet de formation,
- un lien avec le travail réel attendu après la formation
- et un lien avec des collègues qu’ils ne voient plus du tout, ou presque !
Je voudrais faire une autre remarque en rapport avec le contexte du confinement : comme beaucoup de salariés passent leur vie sur Internet durant leur journée de télétravail et sur la télévision le soir (sur Netflix, par exemple…) le lien social aussi est « abîmé ». Nos formateurs en ce moment chez C-Campus sont sensibilisés sur une mission particulière : dans un contexte d’isolement, le temps de formation distanciel est l’un des rares moments de socialisation et de lien entre collaborateurs.
C’est donc magique la formation à distance ?
Non, car nous sommes aussi conscients que la formation à distance soulève des problématiques particulières : se former lorsque l’on est en « zone blanche » du réseau Internet ou se former lorsque ses enfants ou son conjoint sont eux-mêmes en télétravail dans la même pièce, ce n’est pas évident du tout.
Jonathan, quels sont les prérequis techniques et pédagogiques pour bien animer à distance ?
En ce qui concerne la taille du groupe : autour de huit participants est optimal.
L’animateur doit veiller aussi aux prérequis des participants : bien sûr, savoir utiliser un ordinateur et être à l’aise avec les interfaces : clavier, souris… s’assurer du fait que la qualité des connexions Internet permettent au minimum de voir les supports et d’entendre les échanges.
Parfois je conseille d’utiliser deux outils distincts s’il y a une probabilité de faible bande passante : utiliser l’outil de classe virtuelle pour le visuel et un numéro de téléconférence pour l’oral.
Dans certains cas, lorsque la connexion est vraiment mauvaise, l’animateur peut être en mode « low tech » : il envoie son support par courriel aux participants et anime via la téléconférence, mais on arrive vite aux limites de ce type d’outil téléphonique : la durée de la séance ne peut excéder 1 h 30 car on risque de finir par animer en mode descendant, même si l’on permet les questions et les débats.
Autre prérequis : pour limiter les bruits « parasites », on recommande aux participants d’utiliser un casque audio, même juste des écouteurs. Le casque est aussi symbolique : l’apprenant signifie ainsi à son entourage professionnel, comme les collègues de l’open space ou du bureau, ou personnel, comme le conjoint et les enfants, qu’il est en formation.
Certains de nos participants utilisent même un petit chevalet « je suis en formation / réunion, merci de ne pas déranger » lorsqu’ils sont à la maison !
Enfin, je conseille vraiment aux formateurs au début du parcours de formation de tenir compte de la capacité de leurs apprenants à dégager du temps en amont et en aval de la classe virtuelle, ceci afin de s’assurer qu’ils ont le niveau d’autonomie attendu et du temps disponible pour réaliser les travaux asynchrones.
En résumé : s’adapter aux conditions techniques et aux contraintes « logistiques » des apprenants
Retrouvez la suite de cette interview dans notre prochaine parution. Et si vous souhaitez vous former 100% à distance, consultez nos offres ici ou inscrivez-vous auprès de samiaouri@c-campus.fr