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Nouveau modèle de Kirkpatrick : quels apports pour la fonction formation ?

Dès qu’il est question d’évaluation des formations, le nom de Kirkpatrick apparaît rapidement dans les échanges. Si de nombreux professionnels de la formation connaissent le fameux modèle éponyme, plus rares sont ceux à savoir qu’il a bénéficié d’une mise à jour importante. Quels sont les changements apportés par le nouveau modèle de Kirkpatrick ? Et quels en sont les bénéfices concrets pour relever (enfin !) le défi de l’évaluation de l’impact des formations ?

À l’origine furent les quatre niveaux d’évaluation de Kirkpatrick…

Petit retour en arrière. Il y a quelques décennies, Donald Kirkpatrick, un chercheur américain, s’interroge sur les effets possibles d’une formation. De cette réflexion découlent quatre articles écrits en 1959, chacun décrivant un niveau d’évaluation (les définitions proposées ici sont les dernières en date, en lien avec le nouveau modèle présenté plus loin) :

  • Niveau 1 – Réaction (Reaction) : À quel point les participants trouvent la formation satisfaisante, impliquante et pertinente par rapport à leur travail.
  • Niveau 2 – Apprentissage (Learning) : À quel point les participants acquièrent les connaissances, les compétences, l’attitude, la confiance et l’engagement attendus du fait de leur participation à la formation.
  • Niveau 3 – Comportement (Behavior) : À quel point les participants appliquent ce qu’ils ont appris pendant la formation lorsqu’ils sont de retour au travail.
  • Niveau 4 – Résultats (Results) : À quel point les résultats visés sont atteints à la suite de la formation et du programme de soutien et de responsabilisation.

Notons que s’il est question de “formation”, ce modèle peut être utilisé pour évaluer les effets de tout type de formation, quelles qu’en soient les modalités (présentiel, distanciel, action de formation en situation de travail, formations hybrides, MOOC, COOC, SPOC…), mais aussi d’un programme de coaching, etc., donc de tout événement, activité ou action débouchant sur un apprentissage ou, plus largement, un changement humain.

Ainsi, ce que Donald Kirkpatrick avait nommé initialement “les quatre niveaux d’évaluation” fut rebaptisé “le modèle de Kirkpatrick” par les praticiens. Ce modèle deviendra sans conteste celui le plus populaire dans le monde, servant de base à la conception de méthodes, techniques et outils pour évaluer tant la qualité que l’efficacité des formations : questionnaires, guides d’entretien ou d’observation, indicateurs, etc.

Le nouveau modèle de Kirkpatrick : un processus complet d’évaluation et d’amélioration des formations

Quoi de neuf depuis 1959 ? Eh bien, en matière de pratiques d’évaluation, pas grand chose… c’est le moins que l’on puisse dire. En effet, même dans les pays où le modèle est bien connu, les pratiques évoluent peu. Plusieurs études mettent en exergue le fait que si les deux premiers niveaux sont fréquemment évalués (par ex. à l’aide de questionnaires de satisfaction “à chaud” ou de questionnaires d’évaluation des connaissances), les niveaux 3 et 4 le sont bien plus rarement.

Il y a plusieurs raisons expliquant ce faible engouement (voir l’étude de Dunberry et Péchard, 2007), dont plusieurs tiennent au fait que le “quoi évaluer” et le “comment évaluer” ne sont pas nécessairement clairs pour les professionnels. Un modèle simple à comprendre, disait-on… mais peut-être du coup pas assez explicite sur le chemin à suivre.

En réponse aux critiques formulées par différents auteurs, et pour guider davantage les professionnels dans l’opérationnalisation concrète du modèle, les quatre niveaux d’évaluation ont été mis à jour en 2010 par James et Wendy Kirkpatrick, de la société Kirkpatrick Partners, et continuellement enrichis depuis. Le nouveau modèle de Kirkpatrick était né.

Le nouveau modèle de Kirkpatrick© 2010-2019 Kirkpatrick Partners, LLC. Tous droits réservés. Utilisé avec permission. Visitez kirkpatrickpartners.com pour plus d’informations.

Des apports majeurs pour les professionnels de la formation

Si l’on retrouve les quatre niveaux du modèle originel, on peut aussi noter un certain nombre de changements. À notre sens, les trois apports majeurs sont ceux-ci :

  • D’abord, les quatre niveaux ont été précisés. Par exemple, le niveau 1 (réaction) ne se limite pas à la seule question de la satisfaction des apprenants (ici les “clients” de la formation). Il englobe aussi la pertinence (du contenu de la formation par rapport aux situations de travail de l’apprenant) ou l’implication (de l’apprenant tout au long de la formation). À chaque niveau correspondent donc plusieurs composantes qui guident davantage la conception des outils d’évaluation.
  • Le niveau 3 (le plus important des quatre !) se voit adjoindre deux éléments. Il est rappelé l’importance de l’apprentissage sur le tas : pour que l’apprentissage soit effectif, l’apprenant devra prolonger sa formation par de l’expérimentation, par des échanges, etc. (dans l’esprit du modèle 70-20-10). Le nouveau modèle insiste aussi sur la nécessaire présence de leviers, représentés par les quatre verbes d’action (contrôler, renforcer, encourager, récompenser) : ce sont toutes les actions qui vont être mises en œuvre avant, pendant et/ou après la formation afin de favoriser la mise en œuvre des comportements critiques en situation de travail, donc le transfert des acquis. Exemples bien connus : le tutorat, le mentorat, le coaching… Autant d’actions qui devront permettre de lutter contre un faible taux de transfert. Quand on sait que nombre d’études scientifiques considèrent que celui-ci est en moyenne de 10 à 30 %, donc que lorsque l’on investit 100 dans la formation on peut n’en retirer que 10 en termes de compétences réellement développées et transférées sur le terrain, on comprend tout l’intérêt de les intégrer au modèle.
  • Enfin, last but not least, ce nouveau modèle vise en bout de chaîne le retour sur les attentes (ROE – Return on expectations), le “Saint Graal” de la formation en matière d’impact. Alternative pragmatique et réaliste au retour sur investissement (ROI – Return on investment), le ROE est une véritable démarche collaborative d’évaluation de l’impact, qui commence en amont de la formation par l’identification des attentes des commanditaires et leur traduction en critères de succès, qui deviendront ensuite en aval les critères d’évaluation. Il ne s’agit donc pas de répondre aux attentes des apprenants, mais bien à celles de commanditaires de haut niveau hiérarchique (direction générale, directions opérationnelles, etc.), dans le cadre de projets de formation à forts enjeux. Le ROE est donc en lien direct avec la mission/la raison d’être de l’entreprise, ses objectifs stratégiques, sa pérennité, etc. Nous y reviendrons en détails dans le cadre d’un prochain article, tant il y a à dire sur le sujet…

Un nouveau modèle pour une nouvelle posture des professionnels de la formation

Avec de tels ajouts, notamment les leviers, le nouveau modèle de Kirkpatrick devient ainsi un véritable processus d’évaluation et d’amélioration de la qualité, de l’efficacité et de l’efficience des formations. Certains diront qu’il est même un modèle de gestion du changement, permettant de passer d’un point A (un besoin) à un point B (par ex. une augmentation de la performance des collaborateurs et de l’organisation). Dans tous les cas, il est beaucoup plus qu’un modèle d’évaluation : c’est un élément déterminant pour aider les professionnels de la formation à changer de posture. Alors que ceux-ci consacraient une large partie de leur temps à recueillir des “besoins de formation” (souvent des demandes de formation), à organiser des stages de formation en présentiel, à délivrer des modules de formation en ligne… le tout avec une part importante de gestion administrative, les responsables formation tendent à devenir désormais des consultants internes, chargés de répondre à des problématiques opérationnelles par la mise en place de solutions d’amélioration de la performance (avec peut-être de la formation… mais pas que !), dont l’impact ne devra plus être seulement démontré, mais aussi… garanti. C’est tout ce que promet et permet le nouveau modèle de Kirkpatrick.

Pour en savoir plus sur les formations au modèle Kirkpatrick – consultez le site évaluationformation.fr

Jonathan Pottiez

Jonathan Pottiez

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