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La formation en entreprise de l’après Covid-19

Le monde de la formation en entreprise a probablement basculé le mardi 17 mars 2020 à 12h00.

Il y aura un avant confinement et un après crise du Covid-19. Les acteurs de la formation qui pensent, ou espèrent, que la vie reprendra comme avant dans quelques jours (le 11 mai pour les plus insouciants), dans quelques semaines (à l’été ou à la rentrée pour les plus optimistes) ou même quelques mois (début 2021 pour ceux qui apparaissent aujourd’hui comme les plus pessimistes) vont devoir se raviser. Les effets de la crise sanitaire vont être profonds et systémiques. Nos modèles de formation sont à repenser totalement. L’évolution était déjà en cours depuis de nombreuses années (cf. nos nombreux articles sur ce blog). Il ne s’agit peut-être que d’un effet accélérateur. Mais le turbo qui va nous propulser est sacrément puissant.

Une demande de formation profondément transformée

Nous voyons trois effets majeurs de la crise du Covid-19 sur la demande de formation en entreprise :

1) Une transformation radicale des besoins en formation

Nous allons passer soudainement d’une formation d’une économie de croissance à une économie de récession. Le gouvernement vient d’annoncer un PIB à – 8% pour 2020. Et cette fois-ci, ce n’est pas que la France qui est touchée. Pays après pays, les annonces de récession se succèdent. La particularité selon les économistes est que des pans entiers de l’économie seront massacrés (tourisme, hôtellerie, transports, distribution physique…) tandis que d’autres pourraient très bien s’en sortir (pharmacie, industrie relocalisable, télécom…).

Quoiqu’il en soit, les besoins en formation de septembre 2020, ne seront pas ceux de septembre 2019. Dans une économie en croissance, l’investissement formation surfe sur la vague du recrutement. Il accompagne les embauches via des parcours d’intégration. Il sert à fidéliser les potentiels à travers des programmes ambitieux de développement des compétences. Il permet d’accompagner les mobilités et reclassements internes car former est toujours moins couteux que recruter.

En temps de crise économique, la formation malheureusement n’est plus une priorité. L’urgence est de vendre ou produire à moindre coût. Si les salariés ont du mal à s’adapter, il y a toujours un PSE ou un PDV pour résoudre le problème. Seules les entreprises aux reins solides et aux valeurs humaines fortes évitent de tomber dans ce piège.

Conséquence :

  • La rentrée 2020 sera délicate pour l’alternance : les premiers effets sur les plans de recrutement s’y feront ressentir.
  • Les formations obligatoires devraient bien résister à en croire les grands donneurs d’ordre. Mais qu’en sera-t-il des formations de perfectionnement ou de requalification non immédiatement indispensables et pourtant si utiles en temps de crise pour favoriser les reconversions internes comme externes ?
  • Le FNE-Formation doté de 500 millions d’euros pourrait amortir la chute de la demande de formation.
  • Mais cela ne sera pas suffisant, il est urgent que le gouvernement libère la mise en oeuvre de la Pro-A pour permettre un transfert au sein du fonds de l’alternance. En 2008-2012, les OPCA avaient à leur main le DIF et le plan de formation mutualisé. Aujourd’hui, que reste-t-il aux OPCO pour accompagner les entreprises de plus de 50 salariés en difficultés : le contrat de pro, le contrat d’apprentissage et le PIC ? La réforme de 2018 a été pensée pour une économie de croissance, pas pour une économie de crise, les entreprises vont cruellement s’en rendre compte à la rentrée !

2) Un nouveau regard sur la formation à distance

La formation à distance a longtemps eu une image négative en France. Les acteurs de la formation y ont d’ailleurs fortement contribué. Que ce soit les responsables de formation d’entreprise, les partenaires sociaux co-financeurs de la formation, et les organismes de formation eux-mêmes qui avaient peur de se faire “piquer leur fromage” du présentiel sont entrés à reculons dans la révolution de la formation du digital learning.

Et on ne parle pas des formateurs qui ont été accusés de tous les mots alors qu’il fallait seulement mieux les impliquer – cf. notre article “Digital learning : une question d’identité professionnelle pour les formateurs”

Les apprenants, de leur côté, n’étaient pas non plus très demandeurs. Il faut dire qu’ils ont découvert la formation à distance par des modules de E-Learning de 45′ à consulter seul devant leur écran. Les dernières évolutions sont peut-être graphiquement plus agréables, elles n’en demandent pas moins beaucoup d’effort et de capacités à apprendre.

Le confinement rebat les cartes. Les adultes ont vu leurs enfants apprendre à distance via un professeur qui a souvent fait des miracles avec les moyens qu’on lui donnait. Ils ont utilisé abondamment pour télétravailler, et aussi parfois pour prendre l’apéro entre amis, des outils de visio ou mieux de classes virtuelles. Certains se sont mis à faire du sport, de la musique, du jardinage ou du bricolage grâce aux tutos des youtubeurs. Et enfin, quelques-uns, ce sont évidemment formés à distance grâce aux offres qui se sont déployées ou redéployées.

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Deux mois d’activités à distance, ne seront pas sans effet. La formation à distance n’est plus associé à la solo formation en E-Learning. Avec des outils comme Zoom ou Bluejeans combinés à des plateformes LMS et des contenus de qualité, on peut vivre des expériences apprenantes d’une qualité proche voire meilleure que la formation présentielle. Les entreprises ne reviendront pas au stage de sitôt. Et cela pour trois raisons : budgétaire, logistiques et sanitaires / sécuritaires (n’oublions pas que les entreprises ont une obligation de sécurité à l’égard de chacun de leurs salariés). Les salariés eux-mêmes ne comprendront pas de devoir se déplacer pour se former alors que leurs enfants, leurs amis ou eux-mêmes ont vécu des expériences d’apprentissage à distance très intéressantes.

3) Un effet dévastateur sur les achats de formation

Enfin, la crise économique à venir, comme toutes les crises, aura un effet sur les politiques d’achat de formation. La formation en entreprise est sur un marché baissier depuis plus de trente ans. A chaque crise, le même scénario se reproduit. Les acheteurs de formation font la chasse “aux gaspis”. Parions qu’il en sera de même dès la sortie du confinement du côté des entreprises, mais peut-être aussi des OPCO qui aujourd’hui, avec les offres collectives, ont des moyens qu’ils n’avaient pas il y a 12 ans.

Une adaptation de l’offre de formation indispensable

Face à cette transformation de la demande, l’offre va devoir s’adapter au plus vite. Les organismes qui ont pris le parti de choisir le chômage partiel vont à la rencontre de mauvaises surprises à la rentrée. Les nouveaux entrants qui frappaient à la porte depuis déjà quelques années seront enfin entrés, ceux qui étaient déjà bien en place et qui auront mis les bouchées doubles pour se transformer seront prêts à se frayer un nouveau chemin.

Trois conditions seront à réunir pour (sur)vivre sur le marché de la formation d’après Covid-19 :

1) L’élévation du niveau de promesse de valeur de la formation

Comme toujours en temps de crise la promesse de valeur doit être rehaussée. Seule la formation réellement utile, réellement opérationnelle, réellement de qualité s’imposera. Il y a un travail de fond à réaliser par chaque organisme de formation pour se ré-interroger sur ses contenus et sa pédagogie. Nous ne parlons pas là de la simple qualité des processus de formation. Qualiopi sera une condition nécessaire mais pas suffisante.

La question à se poser pour chaque organisme de formation est : quels bénéfices opérationnels produit la formation que je fournis ? Une certification reconnue ? Des compétences indispensables pour exercer un métier, une mission ou un contrat de sous-traitance ? Des connaissances durables qui permettent d’avoir accès à de nouveaux domaines de compétences ? Des compétences indispensables pour performer et innover ? Etc.

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2) La distancialisation de la formation et pas seulement la digitalisation

On a longtemps confondu “digitalisation” et “distancialisation”. Le confinement nous a fait découvrir la distancialisation (le fait de se former ou travailler à distance) mais pas forcément la digitalisation (le fait de consulter des contenus digitaux). Digitalisation et distancialisation sont différents et complémentaires.

La formation d’après Covid-19 sera distancielle, digitale et expériencielle (AFEST).

  • De la distance, on gardera les classes virtuelles qui permettent de flexibiliser et réduire les coûts de formation.
  • Du digital, on conservera les contenus sur étagères qui viennent étayer en amont et en aval les échanges réalisés à distance. Les organismes de formation qui viennent de vivre la continuité pédagogique se sont rendus compte de l’inévitable nécessité d’avoir des contenus digitalisés pour pouvoir mettre en place une pédagogie à distance efficace.
  • Quant à l’AFEST, elle permettra dans une bonne proportion, de remplacer les travaux pratiques en présentiel en permettant à l’apprenant de se mettre en situation grâce d’une part à l’appui de ses collègues et d’autre part à l’accompagnement à distance de son formateur / référent. Car l’analyse réflexive peut très bien avoir lieu à distance, comme c’est le cas le cas du coaching.
  • Le présentiel devra plus que jamais se justifier. L’expérience apprenante qu’il créera devra être distinctive. Les organismes de formation ont à repenser totalement leurs espaces pédagogiques pour revaloriser la valeur du présentiel au regard du distanciel.

Pour aller plus loin…

3) Un marché davantage B to C

Avec la loi du 5 septembre 2018, DRH et responsables de formation avaient tout en main pour renvoyer la responsabilité du développement des compétences à leurs salariés. Le slogan “Salarié acteur de sa formation” était en passe de devenir réalité avant même le 17 mars 2020. Application CPF et fin du plan de formation avaient sonné le glas de l’entreprise formatrice. La crise sanitaire et la crise économique qui va lui succéder vont achever sa mise en oeuvre.

Les opérateurs de formation vont se retrouver sur un marché de la formation davantage BtoC. Leur client sera d’abord le salarié avant d’être l’entreprise ou l’OPCO. C’est déjà le cas pour le CPF/CPF de transition et cela le sera encore plus demain, car les grands projets d’accord sur le CPF co-construit risquent de prendre du plomb dans l’aile. Mais cela le sera également pour une bonne partie de la formation non obligatoire.

Conséquence :

  • Les organismes de formation vont devoir revoir leurs politiques tarifaires. Aujourd’hui, le coût horaire d’une formation dans une entreprise de plus de 10 salariés dépasse les 70 euros, rémunération comprise (hors contrats de professionnalisation et de contrat d’apprentissage). Nos benchmarks auprès de grandes entreprises tournent autour de 32 €/Hrs.
  • Aucun salarié ne pourra se payer la formation à ce prix-là. Jusqu’à présent la formation en entreprise était couteuse car sur-mesure et mobilisant des expertises rares. L’aspect présentiel n’était pas pour rien dans la constitution du prix.
  • A n’en pas douter, les organismes de formation devront revoir leur copie et s’orienter vers des business model s’inspirant de ceux qui ont révolutionné le monde de la presse, la musique ou l’entertainment. Le Netflix, le Youtube ou encore lemonde.fr de la formation restent à créer.
Marc Dennery

Marc Dennery

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