Le blog de C-Campus

Concepts pédagogiques #19 : L’Instructional Design

Robert Gagné (1916-2002) est l’un des auteurs les plus reconnus aux Etats-Unis en pédagogie des adultes. La diffusion en France de ses ouvrages est beaucoup moins large. Il n’en figure pas moins dans le livre de Philippe Carré et Patrick Mayen “Psychologies pour la formation“, édition Dunod, comme l’un des 13 auteurs de référence pour la formation.

Son succès auprès des formateurs est dû à ses deux apports méthodologiques fondamentaux : “l’Instructional Design” ou ID et “l’Instructional System Design” ou ISD. Nous vous proposons dans cet article de vous présenter l’ID. Nous traiterons sous la forme d’un 23ème concept pédagogique l’ISD, plus connu sous la dénomination de Modèle ADDIE.

Qu’est-ce que l’Instructional Design de Gagné ?

L’ID désigne une méthode de micro-conception pédagogique en 9 étapes. Robert Gagné l’a établi à partir des enseignements qu’il a pu tirer à la fois de sa pratique et de ses recherches pour la formation des personnels de l’US Air Force. Il l’a publié dans son ouvrage qu’il a co-écrit avec L.J. Briggs : Principles of Instructional Design en 1974.

La méthode part d’une analyse du processus d’apprentissage, pour en déduire les 9 étapes à suivre par le formateur pour développer des connaissances et compétences chez les apprenants.

Ces 9 étapes sont les suivantes :

  1. Attirer l’attention
  2. Informer les apprenants des objectifs
  3. Stimuler le rappel des connaissances antérieures
  4. Présenter le contenu à acquérir
  5. Fournir des conseils d’apprentissage
  6. Susciter la performance / faire appliquer
  7. Faire des feed-back
  8. Evaluer la performance
  9. Favoriser la rétention et le transfert

Avec ces 9 étapes en ligne de mire, tout formateur peut se sentir rassuré au démarrage de la conception de ses séquences de formation. Pour chaque objectif pédagogique, il ne lui reste plus qu’à suivre ces 9 étapes et son déroulé pédagogique sera réussi. C’est tout l’apport de cette méthode.

Et si on osait quelques pistes d’amélioration…

Le modèle de Gagné fait partie des “vaches sacrées” chez certains ingénieurs en pédagogie. Mais cela ne nous a pas empêché chez C-Campus, de le discuter. Et nous sommes arrivés à la conclusion suivante : sa logique est très utile pour aider les formateurs que nous formons, à se repérer pour construire des séquences pédagogiques de qualité. Cependant elle peut être optimisée sur 3 points.

1-Le modèle fait peu référence à la réflexivité de l’apprenant

Robert Gagné a élaboré son modèle dans les années 1950-1960. Il est à cette époque encore très imprégné de la méthode TWI (Training Within Industry). Lui-même a travaillé très longtemps dans un univers militaire, l’US Air Force, univers où la pédagogie était peut-être plus directive qu’humaniste. Ses recherches en pédagogie n’avaient pas encore bénéficié des travaux sur l’approche du cycle de l’apprentissage expérientiel de Kolb (1974) et encore moins des apports, en France, de la didactique professionnelle (fin des années 1980).

Quasiment 50 ans plus tard, il est judicieux d’introduire la capacité réflexive de l’apprenant dans les 9 étapes d’apprentissage de Gagné. Et plus particulièrement au niveau des étapes 5, 7 et 8.

Fort des enseignements que nous avons pu tirer des mises en oeuvre d’AFEST, l’étape 5 pourrait être plus profitable si l’on faisait appel à un temps de réflexivité de l’apprenant, plutôt que de lui donner des conseils pour appliquer. Inviter l’apprenant à résumer et structurer ce qu’il vient de découvrir et l’amener à verbaliser comment il compte s’y prendre pour passer à l’action (étape 6), peut remplacer avantageusement, dans un premier temps, les conseils du formateur. Ce dernier en cas de difficulté de l’apprenant peut donner des conseils, mais si l’apprenant trouve le chemin pour réussir par lui-même, c’est toujours mieux !

Il en est de même pour les étapes 7 et 8. “Faire des feed-back” et “Evaluer” sont toujours utiles mais amener l’apprenant à produire par lui-même une auto analyse du chemin par lequel il est passé pour appliquer, c’est encore plus profitable. C’est ce que nous faisons en AFEST quand l’apprenant est questionné par son accompagnateur sur ce qu’il a fait, ce qu’il a réussi et moins bien réussi, ce qu’il aurait dû faire ou pourrait faire mieux la prochaine fois.

C’est pourquoi, plutôt que de distinguer les étapes 7 et 8 nous préconisons une intégration dans une étape dite de “Capitalisation”, pouvant permettre à la fois d’amener l’apprenant à réfléchir sur sa pratique, à s’auto évaluer ou à bénéficier d’évaluations extérieures et notamment de feed-back de son formateur.

Quant à l’étape 9, notre pratique de la formation en entreprises et notamment avec l’AFEST, a fait évoluer notre approche concernant la rétention. Aujourd’hui, nous ne cherchons pas tant à aider l’apprenant à mémoriser (via des quiz par exemple) qu’à l’amener, au travers de séquences réflexives, à verbaliser ce qu’il voit sous un jour nouveau et ce qu’il tire comme enseignement sur sa façon d’appréhender sa pratique. Favoriser la rétention, n’est peut-être plus l’objectif premier à l’ère d’Internet et de l’IA Générative. Nous privilégions davantage les prises de conscience, qui permettront aux apprenants d’agir “en professionnels compétents” et non pas seulement en “sachants”.

Nous insistons également auprès des formateurs que nous formons, sur le fait qu’une pédagogie efficace, passe généralement par une mise en application dans des environnements variés, afin de permettre à l’apprenant non seulement de retenir ce qu’il vient d’apprendre (grâce à la répétition) mais surtout de développer ses capacités d’autonomie dans des situations et contextes de travail différents.

Vous souhaitez vous former à la réflexivité, inscrivez-vous à notre cycle certifiant : Devenir Référent AFEST. Nous organisons au moins une session par mois en distanciel ou en hybride.

2-Le modèle suit une logique plutôt déductive

Le modèle des 9 étapes d’apprentissage de Gagné semble avoir été pensé pour des formations destinées à des débutants (ou faux débutants), pour lesquelles on applique une stratégie de formation déductive. Dans l’étape 3 on fait appel aux pré-requis des apprenants ce qui pourrait apparaître comme inductif, mais très vite l’étape 4 est l’occasion d’apporter le contenu et de donner à voir aux participants. Ceci fonctionne très bien pour la formation de personnes qui n’ont jamais pratiqué. Pour les personnes expérimentées, ce qui est souvent le cas des formations en entreprise, ce n’est pas la stratégie la mieux adaptée.

Avec un public expérimenté, il est préférable de démarrer beaucoup plus tard dans le modèle puisqu’ils ont déjà appliqué dans la vie réelle, avant même leur entrée en formation. Nous préconisons donc, pour ce type de public particulier, de conserver les 3 première étapes de l’ID, que l’on pourrait qualifier d’étapes “d’engagement”, puis d’aller directement à l’étape de “Capitalisation”, telle que nous l’avons présentée au point 1 (c’est-à-dire les étapes 7 et 8 du modèle de Gagné).

A noter : dans ce cas particulier d’une stratégie inductive prenant en compte l’expérience concrète des apprenants,  après l’évaluation et la réflexion sur la pratique, comprises dans l’étape de Capitalisation, dans certains cas il est possible de faire un détour par la découverte de nouvelles connaissances. Mais cet apport de connaissances doit rester limité et très orienté sur le futur transfert.

3-Le modèle n’est pas toujours facile à mémoriser

A l’usage, nous le constatons avec nos apprenants, les 9 étapes ne sont pas toujours faciles à retenir. C’est pourquoi, pour de simples raisons de lisibilité et de mémorisation, nous proposons une troisième amélioration consistant en un double regroupement, comme nous l’avons vu précédemment :

  1. Regrouper les 3 premières étapes favorisant “l’engagement” de l’apprenant. Les deux premières étapes sont aujourd’hui évidentes pour tout formateur bien formé. Oui, il faut attirer l’attention en posant les enjeux (certains y mettent même un peu de ludo-pédagogie) et il faut contractualiser les objectifs pédagogiques de la séquence, puis rappeler aussi le plan et le temps de chacune de ses parties. L’engagement rappelle surtout qu’il faut partir des acquis des apprenants et s’ancrer sur leurs connaissances (une évidence souvent oubliée !).
  2. Regrouper les étapes 7 et 8 sous l’appellation “Capitalisation” qui comprend à la fois un temps d’analyse réflexive et d’auto évaluation de son expérimentation par l’apprenant et un temps de feed-back ou rappel de l’attendu si besoin, par le formateur. Ou tout simplement de validation de l’analyse de ce que vient de dire l’apprenant.

Des “9 events of instruction” au modèle EDRACT® de scénarisation des séquences

Pour conclure et vous l’aurez peut-être deviné, nous avons bien envie de proposer une évolution de la méthode ID en utilisant un modèle simplifié intitulé EDRACT®. L’acronyme n’est pas très joli, mais il a le mérite d’être facilement mémorisable.

Pour des raisons de simplicité, on utilisera la même appellation, quelle que soit la stratégie utilisée. Mais vous l’aurez compris, les 6 lettres EDRACT® correspondent aux 6 étapes à déployer pour concevoir une séquence de formation pour un débutant ou un faux débutant : Engagement – Découverte – Réflexivité – Application – Capitalisation- Transfert.

Pour des apprenants expérimentés, on passera par les étapes ECT pour Engagement, Capitalisation et Transfert, puisque la Découverte, la Réflexivité en amont de l’application et l’Application ont déjà été réalisées, avant l’entrée en formation.

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Marc Dennery

Marc Dennery

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