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3 questions sur l’évaluation d’un système de formation

L’évaluation est un sujet incontournable dans le domaine de la formation. Il est généralement traité en partant de l’action de formation. Jonathan Pottiez, auteur d’un livre de référence sur l’évaluation de la formation, nous a demandé, pour sa deuxième édition, de traiter la question de façon plus globale en se focalisant non pas sur l’action, mais sur le système de formation. Voici le texte qui a été publié dans son ouvrage.

Jonathan Pottiez – l’évaluation de la formation : pilotez et maximisez l’efficacité de vos formations, éditions dunod, 2ème édition, 2017.

Qu’est-ce que le système de formation d’une entreprise ?

Par système de formation d’une entreprise, il faut entendre l’ensemble des stratégies, des valeurs et croyances, des processus, modes opératoires et outils de gestion, des moyens matériels et immatériels et des acteurs qui concourent à développer ou à freiner les apprentissages au sein de l’entreprise.

Détaillons chacun de ces points :

  • Les stratégies de formation. C’est la politique de formation qui se traduit concrètement par les orientations de formation présentées en CE chaque année et qui doivent être en lien avec les orientations GPEC. C’est également, les choix pédagogiques conscients ou inconscients que réalisent la direction de formation. Dans telle entreprise on privilégiera la FOAD, dans telle autre la FEST ou Formation en situation de travail, dans telle autre encore les pédagogies actives ou co-actives versus les pédagogies expositives ou participatives ou encore la formation sur-mesure en petit groupe sera préférée à l’inter entreprise ou inversement.
  • Tout système de formation est porté par des valeurs ou des croyances. Certaines entreprises ont développé une véritable culture de l’apprentissage permanent. Tout manager est convaincu de la nécessité de développer les compétences de ses collaborateurs, tout collaborateur est persuadé qu’il doit lui-même faire fructifier son capital compétences. Dans d’autres entreprises, c’est l’inverse. Chacun pense que le service formation doit s’occuper de tout.
  • Les processus et outils de gestion comprennent évidemment les façons de gérer les plans de formation mais pas seulement. Il est important d’identifier les façons de concevoir les formations et de les diffuser (LMS, LCMS), d’acheter les prestations de formation et bien sûr d’évaluer la formation.
  • Les moyens matériels et immatériels donnent des indications fortes sur le système de formation. A une époque, la mode était aux châteaux, ensuite on a privilégié les universités d’entreprise sans murs. Aujourd’hui la tendance serait aux « training corners », c’est-à-dire des espaces de formation dans les lieux de travail.
  • Les acteurs de la formation sont toutes les parties prenantes du système de formation : le service de formation, les prestataires de formation et l’OPCA, mais surtout la direction générale, le management intermédiaire et évidemment l’apprenant lui-même. La qualité de leurs inter relations et leur niveau de formation sont déterminants dans la qualité du système de formation.

Pourquoi l’évaluation du système de formation est-elle si importante ?

Tout d’abord parce qu’évaluer le système de formation peut être plus économique que l’évaluation de chacune des actions prises séparément. Toutes les démarches qualité sont bâties sur ce principe simple : un système de qualité ne peut produire que des produits de qualité. Un système de formation efficace, ne peut que réaliser des actions de formation efficaces. Or évaluer le système est beaucoup moins onéreux qu’évaluer chacune des actions. Cette logique est aujourd’hui à l’œuvre dans la démarche de référencement des organismes de formation. Les financeurs ne vont pas évaluer chacune des actions. Ils n’en ont pas les moyens. Mais à travers l’application des 21 indicateurs, ils peuvent porter un jugement suffisamment objectif sur la capacité des organismes à produire ou ne pas produire des actions de qualité.

Ensuite parce que cela permet d’évaluer non seulement les formations réalisées mais également la non formation. Quand on évalue uniquement chacune des actions, on évalue seulement que les personnes formées ont été bien ou mal formées. Mais qu’en est-il des personnes non formées ? L’approche par le système de formation permet d’intégrer aussi cette dimension essentielle qu’est le coût de la non formation.

Enfin une approche par le système de formation permet de prendre en compte les nouveaux formats pédagogiques. La formation formelle qui se traduit par un stage ou la consultation d’un module de e-learning ne représente aujourd’hui plus qu’une partie mineure des actions d’apprentissage. Va t’on mesurer chaque retour d’expérience, chaque consultation de flux de veille ou de participation à un réseau social, chaque rencontre apprenante avec un pair ? Cela est impossible, il faut aborder ce flux permanent d’apprentissage d’une manière globale et par conséquent par le système de formation.

Mais comment peut-on alors mesurer globalement l’efficacité d’un système de formation ? Quels indicateurs peut-on mobiliser ?

Les spécialistes des démarches de management de la qualité répondent de deux façons : des indicateurs de résultat, d’une part, et des indicateurs de conformité à un référentiel, c’est-à-dire des indicateurs de moyen, d’autre part.

Pour les indicateurs de résultat, le plus global est le NPS « entreprise apprenante ». Le Net Pormoter Score est un outil très utilisé des marketeurs pour évaluer la satisfaction client. Appliqué au système de formation, il suffit de poser la question : « Quand vous pensez aux occasions d’apprentissage dont vous bénéficiez aujourd’hui au sein de votre entreprise, est-ce que vous la recommanderiez à un collègue travaillant dans une autre entreprise ? ». Pour compléter ce premier indicateur, on peut également utiliser des indicateurs tels que « le taux de salariés maîtrisant de façon autonome leur poste » ou « le taux d’accès à une action de développement des compétences au cours du trimestre ou du mois dernier », etc.

Concernant les indicateurs de moyens, il est nécessaire de bâtir un référentiel permettant de cerner avec précision la qualité d’un système de formation et ensuite d’auditer le système de formation grâce à ce référentiel. Il n’existe pas d’outil complet dans le domaine de la formation comme cela est le cas dans le domaine du management avec les normes ISO 9000 ou EFQM. A partir de nos pratiques d’audit de systèmes de formation, nous avons pu élaborer de façon empirique une ébauche de référentiel dont les principales dimensions sont :

1) la politique de formation,

2) la qualité des processus de gestion, de pilotage et de conception de projet de formation,

3) l’efficacité des achats de formation,

4) le système de diffusion de formation (LMS, LCMS, Classes virtutelles…,

5) l’organisation des espaces-temps d’apprentissage,

6) l’innovation dans les pratiques de formation,

7) la qualité du dialogue social autour de la formation,

8) la structuration des réseaux de tuteurs et de formateurs,

9) l’implication du top management, des managers intermédiaires et des apprenants eux-mêmes dans l’apprentissage permanent,

10) le système de pilotage et d’amélioration continue du système de formation lui-même.

Marc Dennery

Marc Dennery

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