Les “neuro-mythes” en pédagogie, vous connaissez ! Ce sont les croyances qui circulent dans le monde de la formation et qui sont pourtant fausses. Comme par exemple : “Notre cerveau possède un stock limité de neurones à la naissance” ou “Nous avons deux cerveaux, un rationnel et un émotionnel”, ou encore “On retient 10% de ce que l’on entend, 20% de ce que l’on voit…etc.” Ces neuro-mythes nous induisent en erreur et, pire, ils guident faussement nos pratiques de formateurs et formatrices.
Depuis quelques temps, nous constatons le même phénomène appliqué, non plus à la neuro-pédagogie, mais à l’AFEST. Par exemple, les personnes qui nous contactent pour s’inscrire à nos sessions mensuelles du cycle de formation Référent AFEST (ou nos stagiaires en début de formation) nous font part d’idées fausses sur l’AFEST. C’est aussi le cas de certains clients. En s’installant dans le paysage de la formation, on peut dire que l’AFEST, elle aussi, a été victime de la propagation de “mythes”. L’objectif ne sera pas dans cet article de dire ni qui les propage, ni pourquoi ces mythes ont été diffusés (même si nous avons bien notre petite idée…), mais plutôt de les recenser et de les “déconstruire”.
Nous avons repéré 7 mythes sur l’AFEST. Dans cet article nous aborderons les 4 premiers. Dans une seconde partie, nous évoquons les 3 autres et vous donnerons notre conclusion sur ces mythes.
Mythe n°1 : il faut dissocier tutorat et AFEST.
Ce premier mythe est assez répandu et particulièrement pernicieux !
Pourquoi est-ce faux ?
- D’un point de vue légal : l’accord du 28/01/2020 précise que « l’AFEST est constituée de deux temps : d’une part, une mise en situation de travail, préparée, organisée et accompagnée et d’autre part, un temps réflexif pour analyser l’action et asseoir les apprentissages. ». Par « préparée » on peut entendre la réalisation de toute activité pédagogique favorisant la réussite de l’apprenant dans son apprentissage (consultation de documentation, e-learning, travail préparatoire…), et par “accompagnemée“, des observations via des tutoriels ou bien encore des situations d’apprentissage en côte à côte ou supervisés par un tuteur/une tutrice. Par conséquent, l’AFEST peut bien intégrer des temps de tutorat.
- D’un point de vue pédagogique : le concept de Zone Proximale de Développement (ZPD) de Vygotski qui désigne la distance entre ce que l’apprenant peut faire seul et ce qu’il peut accomplir avec l’aide d’un expert ou d’un pair, met en évidence que le tutorat est essentiel pour guider l’apprenant vers son autonomie. C’est en quelque sorte une étape souvent incontournable, avant de passer à des mises en situations “seul”.
Dans bien des cas, la mise en situation directe, sans accompagnement tutoré (même avec un questionnement réflexif en amont) sera inefficace voire dangereuse : si vous avez appris à conduire, on ne vous a certainement pas donné les clefs du véhicule et laissé partir à l’aventure ! Vous avez appris d’abord en vous familiarisant avec le volant sur une aire de parking, accompagné par un moniteur, qui avait le “double pédalier”. Puis progressivement, vous avez appris à passer les vitesses, puis à conduire sur route puis sur autoroute, avant de passer votre permis avec un examinateur et de conduire en toute autonomie (du moins de manière “légale”).
Quelles conséquences pour l’engagement de l’entreprise dans un parcours d’AFEST ?
Penser distinctement action tutorée et AFEST amènerait l’entreprise à penser que l’AFEST n’est pas adaptée à son contexte, car trop risquée pour l’apprenant, les collègues, ou la qualité de sa production. Alors même que l’AFEST lui permettrait, au contraire, de sécuriser les actions d’apprentissage.
Mythe n°2 : le tuteur doit être présent lors des mises en situation
Ce deuxième mythe s’enracine dans la pratique du tutorat “classique”…
Pourquoi est-ce faux ?
En lien avec le mythe n°1, si la mise en situation doit être « accompagnée » cela ne signifie pas avec une présence systématique du tuteur : bien au contraire. Rien n’est dit dans les textes officiels sur l’AFEST dans ce domaine. Et pour en avoir échangé avec les spécialistes de la DGEFP, la présence permanente d’un tuteur en AFEST n’est pas du tout requise.
D’un point de vue pédagogique, la présence d’un tuteur-accompagnateur est souvent souhaitable, comme on vient de le voir ci-dessus. Mais elle n’est pas forcément à systématiser. Le grand principe pédagogique de l’AFEST, c’est au fond d’accélérer la montée en compétences de l’apprenant et de le responsabiliser dans son apprentissage, grâce à la réflexivité !
En fonction du profil d’apprentissage de son apprenant, du niveau de difficultés désirables et des conditions de sécurité minimales à assurer pour les mises en situation, le tuteur adapte son “étayage” (niveau d’accompagnement), ainsi que les activités pédagogiques de l’apprenant, afin de lui permettre d’expérimenter seul, le plus rapidement possible. En l’occurrence, c’est bien le questionnement réflexif amont (RIEC) qui permet à l’apprenant de sécuriser sa mise en action.
Quelles conséquences pour l’engagement de l’entreprise dans un parcours d’AFEST ?
Imaginer que le tuteur doit être systématiquement présent amènerait l’entreprise à penser qu’elle n’a pas les moyens de dédier un tuteur à temps plein par apprenant. Ce serait en effet irréaliste. Bien au contraire, recourir à l’AFEST c’est permettre de développer plus rapidement l’autonomie de l’apprenant. On peut rappeler également qu’il est possible de réaliser des AFEST collectives avec un tuteur pour plusieurs apprenants. Ce qui permet d’optimiser l’investissement “temps” et incidemment de développer une équipe apprenante.
Un peu de publicité : Pour ne pas céder aux mythes sur AFEST, le mieux est de se professionnaliser et de devenir par exemple un des “référents AFEST” que recherchent les entreprises. Durant cette formation, nos participants s’approprient et manient des outils pratiques qui les aident à concevoir et piloter des AFEST simples et efficaces pédagogiquement.
Mythe n°3 : l’AFEST doit être réalisée obligatoirement au (vrai) poste de travail
Utiliser le travail réel, c’est idéal pour l’AFEST, mais ce n’est pas toujours souhaitable…
Pourquoi est-ce faux ?
Apprendre à diagnostiquer la panne d’une machine pour un technicien de maintenance ou intervenir chez un client pour rétablir sa connexion fibre rompue, ce n’est pas toujours possible en situation réelle compte tenu du caractère aléatoire de la situation (ou qu’elle arrive trop tard dans le parcours de l’apprenant). De la même manière, apprendre à découper des quartiers de viande sur une chaine de découpe comporte des risques trop importants pour apprendre en situation réelle de travail, soumise à une “cadence”.
Suivant le contexte de l’organisation et les situations visées, l’apprentissage en situation réelle de travail (in vivo) n’est donc pas toujours possible. D’ailleurs dans les textes réglementaires, il est bien précisé que le travail peut être aménagé, ainsi que la “cadence”.
On pourra alors prévoir d’autres stratégies d’apprentissage dites in vitro, dans des lieux différents des lieux de production, avant la mise en situation réelle au poste de travail :
- Par situation “simulée” en répétant le geste sur une maquette par exemple ou via des outils numériques comme la Réalité Virtuelle Augmentée ou les simulateurs. Feriez-vous confiance à un pilote de ligne qui ne s’est jamais entrainé sur un simulateur de vol ?
- Par situation “reconstituée” dans des espaces aménagés à des fins d’apprentissage comme des plateaux techniques, confer les fameuses “tables de découpe” pour s’entrainer en charcuterie industrielle…
Concrètement, le référent AFEST pourra imaginer des parcours démarrant par des mises en situation simulées et/ou reconstituées qui seront suivies par une ou des séquences réflexives en aval. Lorsque l’apprenant sera prêt, il pourra passer en toute sécurité, via cette fois-ci une réflexivité en amont, à des mises en situation professionnelle réelles.
Quelles conséquences pour l’engagement de l’entreprise dans un parcours d’AFEST ?
Penser qu’il faut obligatoirement apprendre au poste de travail peut donc induire l’idée que c’est trop dangereux (pour la personne, les collègues ou la production) ou que l’AFEST n’est tout simplement pas possible (exemple des situations trop aléatoires). Or comme nous venons de le voir, la palette de types de mises en situation est large : aménagées, reconstituées, simulées…
Mythe n°4 : les preuves d’AFEST doivent être écrites
Ce mythe est particulièrement pesant dans le choix des entreprises de renoncer à l’AFEST, avant même d’essayer
- D’un point de vue légal : le décret n°1330 du 28/12/2018 associé à la loi du 5/09/2018 précise la traçabilité pour toute action de formation et notamment Art. R. 6313-3. « La réalisation de l’action de formation composant le parcours doit être justifée par le dispensateur par tout élément probant.»
Rien ne fait mention du type de preuves ni de leur format. Un élément probant ne se réduit pas à un “écrit”. Il appartient donc à l’organisme de formation ou à l’entreprise, de définir les preuves de réalisation effective du parcours, qu’il/elle pourra mettre à disposition en cas de contrôle. S’il y a co-financement, ces preuves et leurs formats devront répondre aux exigences de l’organisme financeur. A cet égard, 2 types de preuves sont assez simples à produire :- Le Protocole Individuel de Formation (P.I.F), forcément rédigé signé par l’apprenant, son accompagnateur et l’organisme de formation ou le service formation
- La réalisation des apprentissages par la mise en œuvre d’activités pédagogiques dont les temps réflexifs : production de l’apprenant, grilles d’observation, éléments de réflexivité sous forme de journal d’apprentissage, de films, de photos, d’enregistrement audio, de schémas, de croquis…
- D’un point de vue pédagogique : le contexte de mise en œuvre de l’AFEST ainsi que le profil des apprenants doivent être pris en compte pour définir les supports et formats adaptés de traçabilité. Ex : Il sera probablement plus pratique pour un apprenant sur un chantier de construction d’enregistrer sa réflexion sur son smartphone (appli Dictaphone) à l’issue de la mise en situation que de se poser pour l’écrire. Ou bien encore utiliser la vidéo pour des personnes ayant des difficultés à l’écrit. Ou encore les visuels et photo-langages pour des travailleurs ne parlant pas le français.
Quelles conséquences pour l’engagement de l’entreprise dans un parcours d’AFEST ?
Penser qu’on ne peut tracer l’AFEST que par écrit, favorise l’idée qu’elle est trop contraignante, trop chronophage, trop impactante pour la production et que les acteurs (notamment les apprenants et accompagnateurs AFEST) la rejetteront. Or s’adapter à la diversité cognitive des apprenants permet de développer de fervents supporters chez les bénéficiaires d’AFEST.
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