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Réforme An I : l’auto satisfaction est-elle justifiée ?

fil_reforme_2L’anniversaire de la loi du 5 mars 2014 a donné l’occasion aux différents acteurs de la réforme d’en faire un bilan des plus positifs. Ministre du travail, Rapporteur de la loi, Présidents du Copanef, de la FFP et même certains “experts*” en ont profité pour louer les avancées dans le domaine de la formation. Cela revèle t-il de la méthode Coué ou d’une évaluation objective des mises en oeuvre en cours. Pour répondre à cette question, nous vous proposons de revenir aux objectifs assignés à cette réforme, tels qu’ils apparaissaient dans les motifs de la loi.

Objectif n°1 : réduire les inégalités d’accès à la formation et sécuriser les parcours professionnels

Cet objectif premier de la réforme repose sur la réussite du CPF. Mais le compte n’y est pas avec le CPF. L’enveloppe de 0,2% de la masse salariale ne représente qu’environ un milliard d’euros. Comment pourra t-il financer tous les 10 ans une formation certifiante de qualité à chacun des salariés ? Sans parler évidemment des demandeurs d’emploi ou des personnes très éloignées de l’emploi. Pour l’instant, le CPF n’est qu’une illusion de droit à la formation. Son ouverture aux formations en langues, risque de rapidement le faire retomber dans les travers du DIF. Mais n’est-ce pas finalement la seule porte de sortie honnorable pour ce dispositif sans financement conséquent ?

Faire aujourd’hui un bilan positif du CPF en se targuant du nombre d’inscrits sur moncompteformation.gouv.fr relève davantage de la présomption que du jugement étayé. Laissons-le se mettre en place avant de juger. Mais une chose est sûre ce dispositif est mal parti. Trop de listes, tue les listes. Trop de possibilités de mise en oeuvre, freine l’appropriation par les acteurs (versement ou pas du 0,2%, gestion interne ou externe par l’OPCA, renvoie au CEP / FONGECIF ou traitement par l’OPCA…). Il nécessite rapidement d’être corrigé.

Objectif n°2 : renforcer la compétitivité des entreprises

Cet objectif est lié au passage de l’obligation de dépenser à l’obligation de former. Facialement, les entreprises ont vu leur “taxe formation” diminuer. Pour les plus grandes, elles sont passées de 1,6% à 1%. Mais c’est oublier que les 1,6% d’hier étaient faciles à récupérer. Et seulement 0,7% étaient mutualisés. Aujourd’hui, c’est 0,8 voire 1% qui sont mutualisés. De surcroît, cette mutualisation porte sur des actions certifiantes qui pour l’heure, mais cela va bientôt évoluer comme nous l’avons vu plus haut, ne répondent pas aux besoins de formation des entreprises. Les entreprises n’ont pas besoin de diplômer leurs salariés, mais seulement de les adapter, les perfectionner, les développer, les habiliter.

L’apport de la réforme au regard de cet objectif est de permettre la déstagification. En supprimant l’obligation fiscale, on supprime le modèle unique du stage imputable. Reste à savoir si les entreprises vont s’emparer de ces possibilités d’évolutions de leurs pratiques. En tous les cas, de ce côté là, le cadre réglementaire est facilitant. La balle est dans leur camp !

Objectif n°3 : améliorer la qualité de l’offre de formation

On attend toujours le décret concernant la qualité de l’offre de formation, on parle de semaines voire de jour maintenant. Mais ne nous faisons pas d’illusion, ce décret ne fera pas tout. L’essentiel de l’évolution de la qualité de l’offre de formation va reporter sur le travail des OPCA. Seront-ils capables de fixer des critères clairs, partagés et pertinents. Sans sous-estimer leurs compétences, reconnaissons que le problème à résoudre est des plus complexe. Peut-on fixer des règles permettant d’évaluer la qualité sans tomber dans un contrôle bureaucratique plus coûteux qu’efficace ? L’avenir nous le dira. Il est beaucoup trop tôt pour prendre position. Nous restons optimiste, même si nous voyons poindre un risque : une concentration à marche forcée du marché de la formation qui laissera de côté, notamment, tous les formateurs indépendants. Ils sont les fers de lance de ce marché très dynamique de la formation et sont pourtant les grands oubliés de la réforme.

Objectif n°4 : simplifier le système de formation professionnelle

Concernant ce quatrième objectif : la messe est dite depuis longtemps ! Difficile de faire plus complexe que le CPF avec son usine à gaz des listes, ses montages financiers rocambolesques. La gouvernance de la formation n’est toujours pas un modèle de simplicité. La répartition des tâches entre acteurs (CNCP/COPANEF/COPAREF/CPNE/OPACIF/OPCA…) n’a pas non plus été clarifiée. Les CPNE ont de plus en plus de pouvoir en maîtrisant les listes de formation qualifiantes, mais elles devront faire avec les COPANEF, COPAREF et même le CNCP. Les OPCA et OPACIF se retrouvent à gérer tous les deux le CPF, chacun pour des demandes différentes. Il faudra l’expliquer au salarié quand il fera sa demande !!! Nous n’avons qu’un souhait : que la prochaine réforme réduise le nombre d’instances et de dispositifs (on en a encore gagné un en 2014 : la disparition du DIF a fait place au CPF et au CEP*).

Objectif n°5 : dynamiser le dialogue social

Objectif secondaire de la réforme, mais objectif fortement revendiqué par le gouvernement, la dynamisation du dialogue social devrait être un objectif atteint. Il est vrai que les sujets d’échange entre partenaires sociaux ne manquent pas : nouveaux indicateurs de formation, passage à un plan de formation triennal, mise en place du CPF, internalisation éventuelle du CEP… et surtout renforcement du lien entre GPEC et formation. Bref, les partenaires sociaux n’ont pas fini de dialoguer. De ce dialogue sortira peut être une réforme mieux aboutie. Car pour l’instant, la maison est peut-être hors d’eau, hors d’air, mais il reste encore tout à faire à l’intérieur… à moins que l’on change de maison et l’on reparte pour une nouvelle réforme. Rien n’est moins sûr après 2017.

 

(*) Heureusement, pas tous. Jean-Pierre Willems qui connaît parfaitement son sujet n’a pas le même point de vue. Et nous rappelle que s’il y a 500 000 inscrits sur moncompteformation, il n’y a pour l’instant que 65 dossiers de prise en charge engagés !
(**) Cela porte le nombre à 12 pour les entreprises : Plan de formation de type adaptation, plan de formation de type développement des compétences, CPF, CIF, congé pour VAE, congé pour Bilan de compétences, CEP, Période de professionnalisation, POE individuelle, POE collective, Contrat de professionnalisation, Contrat d’apprentissage (et on pourrait aussi rajouter les Contrats de génération ou les contrats d’avenir)
Marc Dennery

Marc Dennery

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