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Nos voeux pieux pour la prochaine loi #3 – Pour une fusion CIF-CPF

Depuis la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993, les pouvoirs publics cherchent une troisième voie entre le CIF et le plan de formation. Près de 25 ans de recherche vaine ! N’est-il pas venu aujourd’hui le temps de se focaliser sur seulement deux voies en fusionnant le CIF et le CPF ? Cela aurait le mérite de la simplicité et de se concentrer sur les vraies questions : le financement d’une formation de qualité pour les personnes souhaitant progresser ou changer de métier au cours de leur vie professionnelle.

Du CTF au CPF, une troisième voie introuvable

Au cours des 25 dernières années, c’est pas moins de trois tentatives qui ont été faites pour trouver une troisième voie de formation entre le plan de formation, à l’initiative de l’employeur, et le CIF, à l’initiative du salarié. Il y a eu d’abord, le CTF ou Capital Temps de Formation en 1993/1995. Les Branches qui le souhaitaient pouvait négocier des accords instituant ce dispositif dont les fonds venaient mordre sur le CIF. Il était de 120 heures maximum, pris en charge selon un montant fixé par les branches. Le CTF conçu à la vite ne pouvait pas fonctionner car il venait amputer les fonds du CIF, conquête sociale s’il en est. Il y a eu ensuite le DIF ou Droit Individuel de Formation en 2004. Cette fois-ci, le DIF avait son propre financement (0,2% de la masse salariale), mais la logique de co-initiative ou de co-construction n’a pas eu le temps de prendre. Les grandes entreprises l’ont utilisé pour faire des catalogues de formation dont le niveau de pertinence était inversement proportionnel à la profusion de l’offre. Les petites entreprises ont essayé, sans grand succès, de l’utiliser comme un deuxième plan de formation. La logique de co-construction était très intéressante, le manque de fonds et surtout de clairvoyance des acteurs de la formation (DRH-RF et représentants du personnel) en ont fait un demi succès ou échec selon  quel côté se penche l’observateur. Il y a eu enfin le CPF-CPA ou Compte Personnel de Formation qui s’est mué en Compte Personnel d’Activité en fin de quinquennat Hollande. Le dispositif est beaucoup plus ambitieux que les précédents. Il pose les bases d’un dispositif charnière articulant, demain, tous les droits sociaux et, aujourd’hui déjà, les droits de formation. Mais la prudence de nos partenaires sociaux est en train de le rendre illisible. Les histoires de listes et une offre de formation encore trop peu flexible, empêchent les salariés de partir en formation. 80% environ des départs de formation en CPF sont à l’actif des demandeurs d’emploi. C’est à se demander, si cette complexité n’était pas voulue ! D’aucuns pensent pouvoir sauver le CPF-CPA en supprimant les listes. Ce serait, à n’en pas douter une simplification souhaitable compte tenu de la façon qu’elles sont mises en oeuvre. Il n’empêche que le problème du financement ne serait toujours pas réglé. Aujourd’hui, avec 0,2% de la masse salariale, le CPF n’est pas financé. Et avec les besoins de formation qui explosent on va rapidement se retrouver dans une situation où le CPF-CPA va prendre en charge des formations low cost pour le grand nombre (prise en charge à 9€15, voire 5€ si rien n’est fait d’ici 18 à 36 mois).

Les bénéfices d’une fusion CIF-CPF

Une fusion CIF-CPF permet automatiquement un regroupement des enveloppes dédiées à ces deux dispositifs. Ce n’est donc plus 0,2% (CPF-CPA) d’un côté et 0,2% de l’autre (CIF), mais 0,4% pour le nouvel ensemble. Et par conséquent des marges de manoeuvre bien plus importantes pour les opérateurs de gestion. Mais ce n’est pas tout, d’autres bénéfices apparaissent rapidement.

Simplicité et lisibilité

Tout d’abord, cela permet de simplifier l’offre de dispositif de formation et par conséquent de rendre plus lisible les financements de formation pour les salariés. Nous rêvons d’un système où il n’y aurait plus que deux dispositifs de formation. D’une part le plan de formation tel qu’il est aujourd’hui, à l’initiative de l’entreprise financé par elle-même sur ses fonds propres¹, et d’autre part un CIF-CPF financé par un versement obligatoire, à l’initiative du salarié. Le statut du salarié en CIF-CPF serait celui du CIF actuel : suspension du contrat de travail, possibilité de prise en charge des heures de formation par le fond dédié au CIF-CPF. L’employeur ne pourrait donc pas refuser le départ en formation mais seulement le reporter dès lors que le salarié est prêt à le prendre hors temps de travail.

Davantage de conseil en évolution professionnelle

Tous les pédagogues le savent, la réussite d’un projet de formation à fort enjeu est fonction du degré de motivation de l’apprenant. Et celle-ci dépend notamment de sa capacité à bien définir son projet d’évolution professionnelle. Avec un CIF-CPF fusionné, les apprenants pourraient bénéficier d’un CEP ou Conseil en Evolution Professionnelle renforcé. L’idée est simple et va dans le sens d’une désintermédiation maîtrisée. Tout salarié souhaitant mobiliser son droit à CIF-CPF devrait pouvoir bénéficier d’un CEP au préalable. Celui-ci lui permettrait de bien définir son projet et de rassembler les co-financements possibles avec l’aide d’un professionnel. Les FONGECIF et OPACIF se verraient renforcer ce rôle de conseil. Cela serait rendu possible grâce à un allègement des charges administratives. Ils n’auraient plus à gérer les fonds comme on va le voir dans le paragraphe suivant.

Des ressources financières accrues

Le salarié une fois son plan de co-financement en poche pourrait mobiliser 4 enveloppes différentes : Enveloppe n°1 : le fond né de la fusion des 0,2% CPF et 0,2% CIF. Il lui suffirait d’aller sur le site de gestion du CIF-CPF issu du site actuel du CPF. Là, il procèderait à sa demande qui serait instruite quasi automatiquement (vérification de son éligibilité au droit au CIF-CPF, de l’aspect certifiant de la formation, du référencement de l’organisme de formation et de la consultation du CEP et de son avis). Cette première enveloppe ne lui permettrait de bénéficier que d’un premier niveau de co-financement qu’il pourrait compléter par trois enveloppes complémentaires. Enveloppe n°2 : les fonds de la branche professionnelle. Toujours sur le site du CIF-CPF, le salarié pourrait actionner l’enveloppe des fonds dédiés par sa branche professionnelle aux abondements de projets CIF-CPF. Toutes branches pourraient négocier une enveloppe pour financer ces formations en lien avec ses priorités d’emplois. Le salarié pourrait visualiser sur le site si sa formation est éligible à ces co-financements. On retrouverait là un système de listes prioritaires et de montants forfaitaires. Mais ce serait uniquement pour des compléments financiers. Ce co-financement des branches professionnelles pourrait être renforcé pour certains publics par des fonds européens, nationaux ou régionaux en fonction des conventions conclues entre ces fonds et la Branche. La gestion du CIF-CPF serait donc automatisée. Cela simplifierait le travail administratif des OPCA. Ils retrouveraient ainsi des marges de manoeuvres pour s’atteler à l’accompagnement des politiques de branches qui devrait être demain leur réelle valeur ajoutée. L’enveloppe budgétaire pourrait être prise sur les fonds de la période de professionnalisation qui n’aurait plus beaucoup d’intérêt et pourrait donc disparaître (autre simplification !) et sur les fonds conventionnels. Enveloppe n°3 : les fonds de l’entreprise. Le salarié pourrait demander à l’entreprise de venir abonder en co-finançant une partie supérieure. Ce co-financement pourrait bénéficier d’un crédit d’impôt formation comme cela a pu exister dans le passé. Ce co-financement pourrait être actionné directement du site. L’entreprise pourrait verser le montant des fonds qu’elle souhaite mobiliser pour l’action de son salarié. Elle pourrait alors avoir droit à consulter une partie du dossier. Un peu à la manière d’un co-financement de type “crowdfunding”. Enveloppe n°4 : les fonds du salarié lui-même. Il pourrait lui-même abonder le financement de sa formation. Cela se ferait selon le même principe de gestion que celui mis en oeuvre pour les entreprises, c’est-à-dire directement sur le site. Il pourrait alors bénéficier d’un crédit d’impôt formation comme il peut bénéficier aujourd’hui de crédits d’impôt en tous genres. Pour les personnes ne payant pas d’impôt, il pourrait être prévu des aides publiques forfaitaires. L’enveloppe financière nécessaire à ce co-financement via l’impôt serait à prélever sur la grande enveloppe prévue dans le plan Macron d’investissement dans la formation. Elle pourrait être définie dans le cadre du projet de refonte de l’assurance chômage.

Un système de formation sur le modèle des retraites

En résumé l’avantage de cette fusion CIF-CPF permettrait de mobiliser les énergies sur l’essentiel. Les OPCA, libérés d’une grande partie des contraintes de gestion (ils garderaient le financement du plan), se focaliseraient sur l’ingénierie des politiques de formation. Les FONGECIF, libérés totalement des mêmes contraintes de gestion, assureraient une mission à haute valeur ajoutée d’accompagnement du salarié tout au long de son parcours professionnel. Tout salarié pourrait enfin bénéficier d’un droit à l’évolution professionnelle, à condition que la formation soit certifiante, de qualité et qu’il ait suivi préalablement un CEP. Il se verrait co-financé de façon graduelle en fonction de son propre investissement et de celui de son environnement (Entreprise, Branche, Région…). On serait proche du système actuel de retraite à quatre niveaux : retraite sécurité sociale (prise en charge minimale via le site), retraite complémentaire (prise en charge par la branche), retraite PERCO (prise en charge par l’entreprise) et produits de retraites défiscalisés (prise en charge par le salarié lui-même avec crédit d’impôt). Pour éviter les risques d’inégalité (les salariés CSP+ bénéficierait davantage du crédit d’impôt et de l’aide de leur entreprise surtout s’ils sont salariés dans une grande entreprise), le système d’abondement forfaitaire, dans le cadre du grand plan d’investissement Macron en faveur de la formation, serait calculé inversement au niveau d’étude et de qualification (plus le niveau serait faible, plus l’abondement serait élevé).

Cet article a été publiée sous forme de tribune sur news tank rh management. Pour découvrir les services de cette agence d’information globale, n’hésitez pas à demander un test gracieux de notre part en cliquant sur le lien ici.

(1) Pour les entreprises de moins de 300 salariés il existe encore aujourd’hui un financement par l’OPCA du plan de formation qui ne doit surtout pas être remis en cause car ces entreprises en ont réellement besoin.
Marc Dennery

Marc Dennery

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