Le blog de C-Campus

Concepts pédagogiques #23 : le modèle ADDIE

ADDIE est aujourd’hui le modèle de référence pour l’ISD (Instructional System Design), c’est-à-dire le pilotage et la conception de projets de formation. ADDIE est “LA” méthode chapeau de toute ingénierie pédagogique de qualité*.

Mais à l’instar de tout modèle, ADDIE reste perfectible. Il est bien utile pour guider les chefs et cheffes de projet et formatrices et formateurs débutants. Dans cet article, vous allez découvrir les origines du modèle ADDIE, ses principes et ses 5 phases, et comment nous l’avons fait évoluer à la suite de milliers de formations de formateurs et de chef de projets de formation, depuis la création de C-Campus en 2007 (et même avant puisque nous avons publié un livre sur le sujet dès 1999 – cliquez ici).

Aux origines du modèle ADDIE

Il est difficile d’attribuer des origines précises au modèle ADDIE. Certains, comme Alain Rieunier, les attribuent à Robert Gagné (voir références infra). D’autres plus globalement à l’US Army et à l’Université de Floride (où d’ailleurs Gagné est intervenu).

Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut retenir c’est que ce modèle a évolué depuis sa première publication de référence en 1975. Chacun apportant sa touche. Et comme vous le verrez dans la dernière partie, nous ne gênerons pas pour apporter la nôtre.

Les principes du modèle ADDIE

A ses origines, le modèle ADDIE est un schéma en 5 phases  pour la conception et le déploiement d’un projet de formation. Ces 5 phases sont conçues de façon séquentielle. On réalise la première, puis la seconde, et ainsi de suite.

Ces 5 phases mettent l’emphase sur l’analyse du besoin, l’évaluation, et bien sûr traitent de la conception, de la réalisation et du déploiement. Les 5 phases ADDIE sont calquées sur les phases classiques de toute gestion de projet.

Afin que le modèle s’applique à tous types de projets de formation (de la conception d’un cours digital à la conception de dispositif global de grande envergure) la description des 5 phases est relativement peu détaillée. Il revient à chacun de les préciser (et comme vous le voyez dans l’infographie ci-dessous, nous ne nous sommes pas gênés pour les adapter).

Cet aspect flexible du modèle est à la fois sa force et sa faiblesse. Sa force, parce qu’il peut être utilisé en toute circonstance. Sa faiblesse, parce que si on s’arrête aux intitulés des 5 phases, il apporte peu à l’ingénieur pédagogique ou au formateur débutant.

Un modèle de gestion de projet de formation en 5 phases

Vous trouverez sur Wikipedia une présentation détaillée des 5 phases du modèle ADDIE – cliquez ici. Nous les reprenons et commentons succinctement ci-dessous, pour vous éviter de cliquer !

Analyse (A)

Comme dans tout projet, la réalisation d’un projet de formation démarre par sa phase d’analyse. Cette phase souvent bâclée est pourtant cruciale, car les décisions prises les plus tôt dans un projet, sont celles qui ont le plus d’impact sur sa réussite.

En suivant le modèle ADDIE, vous réaliserez dans cette première phase l’entretien avec le ou les commanditaires, l’analyse du public cible, vous étudieriez le contexte du projet (budget, moyens, contexte organisationnel et son marketing (si formation externe), etc.).

Design (D)

Par Design, il faut entendre conception du dispositif de formation, mais pas encore des ressources pédagogiques qui seront développées dans la phase 3 dite justement de “Développement”.

Dans cette phase vous allez définir les objectifs de formation et surtout concevoir les 3 dispositifs imbriqués que sont :

  1. Le dispositif d’évaluation : qu’est-ce que vous évaluez, pourquoi et comment ?,
  2. Le dispositif pédagogique : quels choix faites-vous concernant les modalités pédagogiques (distanciel, présentiel, AFEST, etc.) ? sur quelle période se déroulera le parcours et quelle sera sa durée ? Qui formera ? etc.
  3. Le dispositif d’accompagnement : comment et avec quels moyens accompagnerez-vous les apprenants tout au long de leurs parcours ? (avec un tuteur, un facilitateur, et pourquoi pas soyons fou, un Chat-bot !)

Ces trois dispositifs superposés vous donneront l’architecture du dispositif de formation ou, si vous préférez, dans une logique d’apprenance et non plus de formation, votre “éco-système apprenant”.

Le Développement (D)

Cette troisième phase correspond à la réalisation concrète des ressources pédagogiques. Vous allez y produire les cours digitaux, les diaporamas de formation présentielle et distancielle, les outils de tutorat et d’accompagnement, etc.

Chez C-Campus nous y intégrons également la conception des modules présentiels ou distanciels, c’est-à-dire des actions de formation. Cela nous est propre, comme nous l’expliquons ci-après.

L’Implementation ou implantation (I)

C’est la phase de déploiement du projet. Les experts en modèle ADDIE sont peu diserts sur cette phase. Ils distinguent généralement le déploiement des actions de formation proprement dites de leur organisation logistique. Nous estimons qu’il s’agit d’une erreur car avec le développement des formations multimodales, la phase d’implémentation devient aussi importante sinon plus que la phase de conception et de développement.

L’évaluation (E)

C’est la phase d’appréciation et de régulation du projet. A l’origine l’évaluation dans le modèle ADDIE était pensée comme une évaluation terminale. Mais dès 1981, Watson proposait de réaliser la phase d’évaluation à chacune des 4 phases précédentes. Ce que nous reprenons évidemment dans notre adaptation du modèle, comme vous pouvez le voir dans l’infographie ci-dessous.

Le modèle vue par C-Campus

A force d’utiliser le modèle ADDIE pour la gestion de nos projets clients et pour former des ingénieurs pédagogiques et formateurs d’horizon très différents, au pilotage et à la conception de projets de formation, nous avons par petites touches, adapté la présentation du modèle ADDIE. Cela donne l’infographie suivante.

 

Le modèle ADDIE adapté que nous présentons à travers cette infographie repose sur 4 idées essentielles :

1- Evaluation à chaque phase du projet

Pour l’évaluation, nous reprenons l’approche de Watson et faisons correspondre la phase d’évaluation à chacune des 4 étapes précédentes du modèle :

  • L‘étude de faisabilité à la fin de la phase d’analyse, elle permet de déterminer le go ou no go pour la suite du projet. Le projet peut donc se terminer dès cette phase. Lorsqu’il y a un go, l’étude de faisabilité favorise une prise de conscience des points de vigilance, par les parties prenantes.
  • Dès la phase de Design, il est important de mettre en place un tableau de bord de pilotage du projet qui reprend les indicateurs clés de réussite (taux de déploiement, délais, indicateurs de mesure de l’évaluation des apprentissages et de la qualité perçue de la formation, etc.)
  • En fin de phase de Développement, il est important d’en contrôler sa qualité, notamment par des grilles d’analyse telles que le principe d’alignement de J.Biggs, le modèle ICAP de M. Chi ou encore le niveau de “difficultés désirables” de Bjork & Bjork.
  • Lors de la phase de Déploiement, on évalue les formations, et surtout on exploite les données de l’évaluation. On peut s’aider du modèle de Kirkpatrick pour cela. Et on veille à réaliser un retour d’expérience régulier sur le déploiement du projet.

2- Processus itératif et non pas séquentiel

Les phases du projet ne doivent pas être pensées sous le mode séquentiel (l’une après l’autre), mais selon un mode itératif. Les flèches de notre infographie indique qu’à chaque étape, on peut être amené à ré-interroger la précédente. C’est le cas notamment lors de la phase de Développement, où il n’est pas rare que l’on adapte des choix faits lors de la phase de Design sur le scénario global du parcours.

Pour garder cette agilité liée au mode itératif**, il est indispensable de travailler en équipe projet restreinte où chef de projet, designers, concepteurs, formateurs, logisticiens de formation se connaissent, s’apprécient et travaillent ensemble. Entre les acteurs, on privilégiera une relation de travail de type “équipe sportive” plutôt qu’une relation de type “Client-Fournisseur” où le concepteur des ressources serait le fournisseur du designer, qui lui-même serait le fournisseur du chef de projet !

Si vous souhaitez développer vos compétences dans le domaine de l’ingénierie pédagogique pensez aux offres C-Campus.  Nous vous proposons 3 formules possibles : l’auto formation à l’aide de nos kits pédagogiques (jeux de cartes + cours digitaux), formation individualisée avec en sus 2 séances de coaching d’1h30 et passage de la micro-certification “Open Badge C-Campus” et, évidemment, en intra entreprise une formation blended comprenant : 2 jours de présentiel + jeux de cartes + Cours digitaux + Open Badge.

3- Intégration de la “conception” de l’action de formation synchrone dans le développement des ressources pédagogiques

Il est coutume de situer la conception des actions de formation présentielles ou distancielles dans la phase de Design et la conception des cours digitaux et plus globalement les ressources digitales, dans la phase de Développement. Cette distinction ne présente pas, selon nous, de grand intérêt et ne correspond plus aujourd’hui au processus de conception de formation multimodale.

Dans un projet de formation multimodale, c’est le plus souvent le chef de projet ou un “Designer pédagogique” qui conçoit l’architecture globale du dispositif. Charge ensuite au concepteur-formateur de concevoir les actions de formation présentielles, au référent AFEST de définir les parcours d’AFEST et au concepteur digital de réaliser les modules de digital learning. C’est pour cela que dans notre modèle ADDIE adapté, nous intégrons les tâches de conception des formations présentielles et distancielles dans la phase de Développement, et réservons la phase de Design pour la conception globale du dispositif de formation multimodale.

4- Enrichissement de la phase d’implementation

Avec le développement des parcours de formation multimodaux et certifiants, la phase d’implémentation devient de plus en plus sensible. C’est pourquoi nous l’avons enrichie de 3 actions importantes :

  • Mise en place quasi systématique d’un comité de pilotage. Même si celui-ci se limite parfois à de simples “points” entre commanditaire, chef de projet et responsable de formation, il est important d’instituer une routine de rendez-vous, pour prendre les bonnes décisions au bon moment.
  • Nous prêtons une attention particulière au marketing de la formation qui est souvent un angle mort des projets de formation. Plan de com’, réunion Kick-off, “nommage” du projet… de nombreuses actions sont à réaliser dans ce domaine pour favoriser l’engagement des apprenants mais pas seulement : N+1, Top management, formateurs, accompagnateurs, etc.
  • Autre point déterminant aujourd’hui : le positionnement amont des apprenants. C’est indispensable en AFEST et quasi exigé par Qualiopi. L’organisation et l’animation des positionnements devient un must have des projets de formation multi-modaux.

Par ailleurs, nous intégrons dans cette phase l’action de planification. Certains utilisateurs du modèle ADDIE préconisent d’en faire une phase supplémentaire en amont de l’analyse. Ils intitulent alors le modèle PADDIE. Mais réaliser le planning du projet avant son “analyse” et son “design” ne nous paraît pas logique. Sauf à considérer que tous projets de formation se ressemblent et que les tâches sont les mêmes pour les réaliser. C’est peut-être le cas pour la production de modules digitaux plus ou moins standards. Mais cela ne peut pas l’être pour des projets de formation multimodale. C’est toujours du cousu-main dans ce domaine.

Enfin, d’autres experts encore en modèle ADDIE, ont rajouté une sixième étape mais cette fois-ci à la fin. Il s’agit d’une étape de “Maintenance” des parcours et le modèle s’intitule alors ADDIEM. La maintenance est indispensable si on veut éviter que les parcours de formation deviennent obsolètes. Mais il ne nous paraît pas nécessaire d’en faire une étape à part. On peut facilement l’intégrer dans la phase d’Implémentation. Le modèle ADDIE est suffisamment connu aujourd’hui dans le monde, pour qu’on veille à lui conserver son acronyme d’origine. D’ailleurs, pour les francophones, nous avons été contraints de faire appel à du franglais pour respecter son appellation d’origine !

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Notes

(*) L’ingénierie pédagogique se situe en deçà de l’ingénierie de compétence. L’ingénierie de compétences correspond au management du plan de développement des compétences : analyse du travail et de son organisation, définition de la politique et de la stratégie de développement des compétences de l’entreprise, établissement du PDC et contrôle, etc. Sa finalité est d’élaborer le système de développement des compétences le plus efficient pour l’entreprise, dans un contexte économico-socio-organisationnel donné. L’ingénierie pédagogique, quant à elle, traite de la conception d’action ou modules de formation, de l’analyse approfondie du profil des apprenants à leur évaluation. Sa finalité est d’élaborer la meilleure réponse pédagogique pour un contexte de développement des compétences donné, en faisant appel au minimum de ressources afin d’optimiser le R.O.I du projet.

(**) Une des critiques classiques faite au modèle ADDIE est son manque d’agilité. C’est pourquoi certains ingénieurs pédagogiques lui préfèrent des modèles plus récents et davantage inspiré des méthodes agiles, comme le modèle SAM.

Références

Alain Rieunier : “Robert Gagné et l’Instruction Systems Design” in Psychologie pour la formation sous dir. Philippe Carré et Patrick Mayen, 2019 – cliquez ici.

Wikipedia – Modèle ADDIE – cliquez ici.

Marc Dennery

Marc Dennery