Henri OccreSix ans après son entrée spectaculaire en scène lors de la loi “Avenir professionnel”, l’AFEST n’est plus une expérimentation, ni une “innovation RH” ! Elle devient progressivement un levier puissant et structurant du développement des compétences au travail, au croisement de la pédagogie, du travail et du management.
Où en est-on réellement en 2025 ? Quels enseignements tirer des dizaines de milliers d’AFEST déjà menées dans des secteurs de toutes natures et tailles ? Quelle perspective pour les années à venir ? Nous vous proposons un tour d’horizon des résultats et perspectives de la formation en situation de travail !
Fin septembre 2025, nous intervenions à la Master Class de Centre Inffo sur l’AFEST. Nous y avons échangé avec des spécialistes, notamment Béatrice Delay de France Compétences, Laurent Duclos de la DGEFP ou encore Fabienne Caser de l’ANACT. Tous trois étaient mobilisés dés 2015 dans les premières expérimentations “FEST”, auxquelles C-Campus a eu la chance de participer à l’époque ! Des regards précieux et précis, 10 ans après !
De la modalité pédagogique à une “langue commune du travail apprenant” ?
Avant 2015, la formation “au poste” existait déjà, mais souvent de manière informelle, non reconnue et peu structurée. C’est au travers des premières expérimentations FEST (pilotées par la DGEFP et l’ANACT) qu’un cadre s’est dessiné progressivement : une pédagogie française de la “situation de travail apprenante”, alternant mises en pratique et analyses réflexives. Puis, en 2018, la loi “Avenir professionnel” a fait entrer l’AFEST dans le Code du travail et donc dans les moeurs (c’est ainsi dans notre pays : il faut des lois et un cadre pour permettre l’innovation en formation).
Depuis, des milliers d’organisations de tous secteurs et toutes tailles se sont lancées en AFEST. En 2025, nous observons une maturité croissante. La formation en situation de travail devient progressivement un “langage commun de la formation au travail“, dont la première phrase, façon 10 commandements, pourrait être, comme nous le disons souvent chez C-Campus : « On apprend par le travail, dans le travail et pour le travail. »
Quelques repères dans le temps !
- avant 2015 : des pratiques isolées de FEST, essentiellement dans des entreprises filiales de groupes européens, japonais ou américains “à la pointe de la pédagogie” (comme l’ancien employeur de votre serviteur : le groupe américain Mars dans les années 90)
- 2015 : premières expérimentations FEST en France (DGEFP / ANACT) dont une quinzaine d’entreprises accompagnées par C-Campus, de différentes tailles et secteurs, en coordination avec Afdas, Uniformation ou encore la branche professionnelle des entreprises de la propreté.
- 2018 : entrée officielle de l’AFEST en France grâce à la loi sur l’avenir professionnel, avec un décret “astucieusement rédigé”
- 2020-2025 : généralisation et montée en puissance progressive des acteurs de l’AFEST : organismes de formation, OPCO, Régions, France Travail, entreprises ainsi qu’une professionnalisation de nombreux “référents AFEST” (plus de 2.000 formés chez C-Campus)
- 2025 : un bilan de l’AFEST “encourageant mais peut bien mieux faire”
- À partir de 2025 : vers une “culture et des rituels de travail apprenant” dans les organisations ?
Des fakes news sur l’AFEST, dont on se serait bien passé…
Loin de ce que certains racontent sur l’AFEST, genre : “c’est une usine à gaz”, “ça ne marche pas”, “ça ne concerne que les métiers peu qualifiés”, etc. (on se demande bien qui propage ce faux discours !) la loi de 2018 et le décret qui définissent l’AFEST sont simples, ouverts et plein de bon sens ! Si on reformule, en AFEST, il s’agit :
- D’abord d’analyser le travail pour identifier les situations de travail apprenantes AFEST
- Puis de trouver un formateur pouvant exercer la fonction de tuteur : l’apprenant peut apprendre tout seul dans son coin mais c’est risqué et pas très efficace et cela renvoie à la formation sur le tas…
- Ensuite de proposer à l’apprenant de s’entrainer dans des mises en situation, dans un cadre pédagogique évidemment, en lui disant par exemple : “prend ton temps, tu peux faire des erreurs, etc.”
- Réfléchir à ce qu’on fait, a fait ou va faire, c’est mieux que d’exécuter sans réfléchir : d’où le fait de prévoir des “séquences réflexives” pour l’apprenant, accompagnées par le tuteur, évidemment.
- Enfin tant qu’à faire, autant mesurer les acquis et valoriser les compétences de son apprenant par une évaluation !
Elle est où l’usine à gaz !?! Comme l’a rappelé Laurent Duclos de la DGEFP : “L’AFEST est simple dans son principe et puissante dans ses effets.”
Soyons juste : il a fallu du temps, environ 3 ans, pour que les acteurs de l’éco-système de la formation se saisissent de l’AFEST, après la digestion de la réforme systémique de la formation en 2018 ! Et parmi les opérateurs chargés de promouvoir la modalité (Régions, OPCO, France Travail, etc.), certains ont parfois eu du mal à se coordonner pour trouver un cadre commun, par exemple sur la traçabilité de l’AFEST ou encore sur les conditions de financement des AFEST ! Mais la situation a bien progressé !
Les efforts portent déjà leurs fruits : Centre Inffo note que le nombre d’AFEST déclarées par les OPCO a bondi : passant de 1.068 en 2022 à 10.592 en 2025, dont près de 62% dans des TPE-PME ! Et encore, c’est sans compter les actions “FEST” menées par les entreprises, sur leurs propres financements, échappant complètement aux “radars” des OPCO. Il s’agit probablement de plusieurs dizaines de milliers d’AFEST supplémentaires par an ! Rien que chez un de nos clients, l’école des métiers techniques du groupe Orange, on en déploie des centaines en 2025 !
Des preuves tangibles d’efficacité !
Les chiffres des entreprises, de France Travail ou encore de la Région Ile de France par exemple, le confirment :
- 30 % de gain sur le “time to autonomy” pour des salariés de ce grand groupe, formés en AFEST,
- 46 % de taux de placement dans l’emploi (avec AFEST) contre 13 % sans AFEST
- 96 % de réussite au titre professionnel AFPA (vs. 81 % sans AFEST) pour les candidats de notre client,
- Un meilleur NPS (note de satisfaction clients) chez ces télé-opérateurs formés en AFEST,
- etc.
Ces données et retours vous intéressent ? Téléchargez le dossier documentaire de la Master Class AFEST Bilan et perspectives Pensez aussi à vous abonner à notre newsletter pour ne pas louper nos prochains articles ou interviews d’acteurs de l’AFEST : c’est ici !
Ces résultats tangibles traduisent une double efficacité de la formation en situation de travail : pédagogique (apprentissages contextualisés et personnalisés) et organisationnelle (autonomie et coopération renforcée entre les acteurs : apprenants, tuteurs, managers et formateurs).
Du dispositif (que l’AFEST n’est pas…) à la stratégie !
L’AFEST agit comme un “cheval de Troie” pour reconnecter performance et apprentissage, selon les constats de Béatrice Delay (France Compétences). Ahmed Kabèche, Directeur de l’Ecole des métiers techniques du groupe Orange a une autre vision du “cheval de Troie” que représente l’AFEST : “L’AFEST fait sortir la formation de la salle de formation”
Les Facteurs de réussite de l’AFEST sont les suivants : implication managériale + ingénierie projet agile + valorisation et formation des tuteurs + déploiement, entre performance pédagogique et sens au travail.
Réflexivité, Agentivité et Affordance : 3 ressorts profonds !
Les courants pédagogiques clés inspirant l’AFEST, nos multiples expériences chez nos clients ou encore les retours des 2.000 “référents AFEST” que nous avons formés depuis 2017, nous permettent d’affirmer les constats suivants :
L’AFEST permet d’actionner 3 ressorts puissants et profonds chez les apprenants :
- L’Affordance : le pouvoir d’apprendre dans son travail, grâce à une “invitation” de son environnement.
- L’Agentivité : le fait d’apprendre par soi-même, d’influencer son propre parcours de formation.
- La Réflexivité : la capacité à transformer, par la prise de recul, ses pratiques professionnelles et, aussi, sa posture d’apprentissage.
L’AFEST combine bien ces trois dimensions. Elle crée un espace d’analyse du travail réel ainsi qu’un environnement et des conditions d’apprentissage, où le salarié devient acteur n°1 de son développement.
« On apprend parce qu’on en a envie, mais aussi parce qu’on en a les moyens”, comme le dit si bien le Professeur Philippe Carré. Et l’AFEST n’est pas un “modèle pédagogique à imposer” ! Au contraire, c’est une posture de l’apprentissage au travail, à cultiver !
L’avenir : IA, culture apprenante et réflexivité comme métacompétence ?
Pour les convaincus, comme nous, de l’AFEST, 3 défis sont à relever dans les années à venir :
- Organisationnel : passer d’actions ponctuelles ciblées, au projet ou à l’échelle d’équipes apprenantes.
- Pédagogique : professionnaliser les tuteurs et référents internes.
- Technologique : intégrer IA et outils digitaux dans le quotidien au travail et en formation, sans perdre la réflexivité humaine.
En 2025, l’AFEST n’est plus une innovation, c’est une évidence. Elle est une démarche exigeante, qui oblige désormais à repenser les frontières entre formation, performance opérationnelle, inclusivité et qualité de vie au travail.
En ce sens :
- L’AFEST révèle la “capacité apprenante” de la structure.
- Elle est particulièrement appréciée et efficace du point de vue des apprenants.
- Elle reconnecte le management avec la formation et amène les managers à devenir des facilitateurs d’apprentissage en situation de travail.
- La question n’est plus « Pourquoi” (faire l’AFEST) », mais « Comment en profiter pour installer une culture d’apprentissage au quotidien, dans son organisation !”
L’enjeu n’est plus seulement de “mettre en place une ou des AFEST”, comme c’était le cas jusqu’en 2022-23, mais d’inventer la “formation intégrée au travail”.
Et comme nous le disons souvent chez C-Campus et il faudra le répéter : À l’ère des IA, actifs et entreprises ne pourront pas se passer de la réflexivité !
