Le blog de C-Campus

Concepts pédagogiques #2 : le tâtonnement expérimental

Le tâtonnement expérimental n’est pas un nouveau concept. Il est l’oeuvre de Célestin Freinet pionnier de l’Ecole Nouvelle, au lendemain de la première guerre mondiale. Il en reste néanmoins un concept indispensable pour comprendre les apprentissages par l’action. Et par conséquent optimiser les dispositifs de formation expérientiels.

L’expérience comme voie privilégiée de l’apprentissage

Pour Célestin Freinet et ses disciples, l’expérience est la mère de tous les apprentissages. Il n’est nul besoin d’enseigner de longues théories avant de faire agir, de l’action naît le savoir. Oui, mais pas n’importe comment. Tout apprenant procède par “tâtonnement expérimental“ pour apprendre à travers une expérience. Il applique en quelque sorte l’attitude du chercheur.

Face à une situation-problème, il émet des hypothèses d’action (Phase 1- Hypothèse), puis agit pour tester son hypothèse (Phase 2- Action/essai), en retour il obtient un feed back sur la validité de son hypothèse (Phase 3 – Feed back/évaluation). Enfin, si l’essai est positif, il peut renouveler l’expérience en vue d’ancrer l’apprentissage (Phase 4- Répétition). A l’inverse, s’il est négatif, il peut repartir pour un nouveau cycle d’expérience tatônnée (Phase 4bis- Nouvelle hypothèse).

La puissance du tâtonnement expérimental provient à la fois de la conscientisation de l’action et de la répétition. L’expérience tâtonnée qui correspond aux trois premières phases du cycle ne permet pas à elle seule d’acquérir une compétence. C’est en répétant le geste validé que l’apprenant va à la fois affiner sa façon de faire et ancrer l’apprentissage.

Il est à noter que l’expérience tâtonnée ne démarre pas systématiquement par une production d’hypothèses originales de la part de l’apprenant. Lorsque ce dernier découvre une situation-problème nouvelle, il peut passer directement par l’action puis produire des hypothèses suite à un premier feed back. Il peut également faire appel à son référentiel de situation-problème déjà rencontré et émettre des hypothèses puisant leurs origines dans des expériences antérieures. Les hypothèses ainsi produites sont le fruit du transfert pédagogique d’une expérience à une autre.

Cinq conditions favorisant le tâtonnement expérimental

Le formateur peut être déstabilisé par la portée du tâtonnement expérimental. Si les apprenants peuvent apprendre seul en expérimentant, à quoi sert le formateur ? Il n’a pourtant aucune crainte à avoir : son rôle est déterminant à chacune des étapes du cycle d’apprentissage :

  1. Il intervient tout d’abord dans le choix des situations problèmes. Un apprenant qui agirait toujours dans le même contexte ne pourrait rien expérimenter de nouveau. A l’inverse, un “apprenant aventurier“ pourrait très vite se retrouver en danger s’il n’avait pas les moyens de trouver les solutions par lui-même (imaginez l’apprentissage du pilotage d’un avion de ligne par tâtonnement expérimental sans simulateur !!!)
  2. Il peut également stimuler chez l’apprenant la production d’hypothèse avant l’action. Il évite ainsi un travers classique des professionnels qui ont tendance à agir par habitude plutôt que par stratégie.
  3. Il lui revient surtout d’organiser les tests et le passage à l’action en toute sécurité.
  4. Il joue encore un rôle déterminant au moment de l’évaluation et du feed back. Il n’intervient pas systématiquement mais il peut aider l’apprenant quand ce dernier a du mal à s’auto-évaluer (on ne sait pas toujours si la performance réalisée est acceptable).
  5. Enfin, il incite et encourage l’apprenant à répéter le cycle en cas d’échec ou à s’entraîner à acquérir des automatismes en cas de réussite.

Principes d’action pour le formateur, tuteur, manager…

  1. Enseigner la démarche du “tâtonnement expérimental“ pour que chaque stagiaire, tutoré, collaborateur soit en mesure de pouvoir la mettre en oeuvre dans toutes situations.
  2. Imaginer des temps de tâtonnement expérimental au sein des formations, parcours de tutorat ou, simplement, de travail.
  3. Développer la curiosité intellectuelle des apprenants en les incitant à faire autrement ce qu’ils font (mal et même déjà bien).
  4. Donner confiance aux apprenants pour qu’ils osent passer à l’action et dépassent leurs inhibitions.

Principes d’action pour le chef de projet formation…

  1.  Intégrer dans ses architectures pédagogiques des temps de formations expérientielles afin de favoriser l’apprentissage par tâtonnement expérimental
  2. Former les formateurs, tuteurs et managers à développer chez leurs stagiaires, tutorés et collaborateurs les techniques de tâtonnement expérimental
  3. Concevoir la formation à travers des situations problèmes à résoudre plutôt que des connaissances à transmettre

Le tâtonnement expérimental à l’ère digitale

Le concept de tâtonnement expérimental nous rappelle l’importance de l’action dans l’apprentissage. On aurait tendance à l’oublier à l’ère de la formation digitale où apprendre devient essentiellement accumuler de l’information et l’indexer en vue de pouvoir la réutiliser le plus rapidement possible. Mais combien de métiers nécessitent encore d’acquérir des gestes professionnels et de les affiner au fil du temps ? Ils sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit et même les métiers de l’Internet en font partie. Alors, le tâtonnement expérimental reste une notion pleinement pertinente à l’ère digitale. Il devrait être pensé comme le pendant du connectivisme.

Résumé

Le tâtonnement expérimental

Références pour aller plus loin…

Le site de l’ICEM et notamment “le tâtonnement expérimental“ – cliquez ici.

Marc Dennery

Marc Dennery

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