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Réforme formation : pourquoi la grogne ?

fil_reforme_2Après la Fédération de la Formation Professionnelle, il y a trois semaines, voici maintenant le mouvement des hiboux. La grogne monte chez les organismes de formation qui voient d’un mauvais oeil la fin du DIF et la suppression de l’obligation fiscale. Et pourtant tout cela aurait pu être facilement évité !

 

Une bonne réforme mais…

Qui peut être contre une responsabilisation des entreprises à l’égard de la formation ? (obligation de former vs obligation de dépenser). Qui peut nier l’intérêt d’un vrai droit à la formation transférable tout au long de sa vie ? (passage du DIF au CPF). Qui peut s’opposer à la mise en place de démarches qualité dans les organismes de formation (nouveau rôle des financeurs et décret à paraître sur la qualité de la formation) ? Qui peut contester l’intérêt d’un conseil en évolution professionnelle gratuit et ouvert à tous ?

Pour toutes ces raisons et bien d’autres la loi du 5 mars 2014 porte en elle des avancées majeures. Malheureusement, aujourd’hui, quasiment tous les acteurs de la formation font un bilan négatif de la réforme.

Les DRH et les responsables de formation n’y comprennent rien ! L’enquête du cabinet Fidal est à ce titre exemplaire. Si bien qu’ils se démobilisent et risquent de baisser l’effort de formation de leurs entreprises.

Les salariés ont l’impression d’avoir été bernés. On leur avait annoncé un vrai droit à la formation enfin transférable. Ils ont surtout le droit de passer du temps sur moncompteformation.gouv.fr et d’apprendre à la fin que leur projet est dans le meilleur des cas difficilement finançable et dans le pire non éligible !

Les OPCA sont tétanisés. Accusés de tous les maux, ils n’y sont pourtant pour pas grand chose, ils essaient avant tout de sauver leur peau. Certains risquent de disparaître, d’autres vont être contraints de faire des PSE. Déjà certains sont sujets à des mouvements sociaux.

Les organismes de formation craignent de disparaître. Le mouvement des Hiboux s’apparentent davantage à un cri de désespoir qu’à un appel contre l’esprit de la réforme. Les organismes directement liés à l’offre DIF ou ceux intervenant sur le marché des formations en Région annoncent des baisses de chiffres d’affaires à deux chiffres depuis le début de l’année. Quand les statistiques officielles annonceront les chiffres définitifs, il sera probablement trop tard. Un grand nombre aura déjà licencié, voire fermé.

Mais comment en est-on arrivé là ? Il y a selon nous deux raisons majeures.

… trop complexe…

Négociateurs paritaires et Législateurs ont voulu un système très flexible. Avec cette réforme de 2014, tout est possible. Tous les dispositifs sont combinables, tous les opérateurs peuvent financer le CPF, tout peut être adapté au niveau des branches et des entreprises, tous les financeurs peuvent choisir leurs montants de prise en charge et leurs règles d’éligibilité et de référencement, Etc.

A la fin, il y a de quoi donner le tournis. Et la flexibilité se transforme en complexité :

  • Comment les entreprises peuvent-elles définir des politiques claires dans cet univers mouvant et insécurisé d’un point de vue juridique (voir notamment la question du 0,2% CPF) ?
  • Quelles stratégies marketing les organismes de formation peuvent-ils concevoir alors qu’ils ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés (on attend toujours le décret sur la qualité qui traîne au conseil d’Etat depuis des mois) et que d’une branche à l’autre les décisions peuvent être contraires ?
  • Comment les OPCA peuvent-ils définir des règles de gestion claires quand les interprétations de la loi se multiplient (il n’est qu’à se rappeler le psychodrame autour de la captation des fonds libres par les OPCA interpro)

… et réalisée dans la précipitation

Mais cette complexité n’est pas le seul mal de la réforme. Le second est la précipitation. Parce qu’il fallait des résultats rapides en matière d’emploi, on a exigé des acteurs de la formation qu’ils transforment leurs pratiques en moins de 10 mois (la loi est du 5 mars 2014 et elle s’applique depuis le 1er janvier 2015). Ce n’était pas raisonnable ! Tout d’abord, la formation des salariés a très peu d’effet direct sur le taux de chômage. Ensuite, le changement est d’une telle violence que les acteurs ne peuvent que résister voire se braquer.

Comment un organisme de formation qui n’a jamais fait de formation certifiante peut-il du jour au lendemain mettre en place de telles formations alors qu’il y a deux ans d’attente pour le traitement des dossiers à la CNCP ? Comment un OPCA peut-il concevoir et mettre en oeuvre une offre de service alors que sa mission première a toujours été limitée au financement.

Tout ça n’est pas très sérieux ! Il est temps de donner ses chances à la réforme.

En urgence, il faut :

  1. Adosser les critères d’éligibilité du CPF à ceux de la période de professionnalisation (plus larges et libérés de ces listes stupides).
  2. Ouvrir le plus vite possible l’inventaire des certifications et habilitations de personnes aux formations transverses
  3. Sortir le décret qualité très vite et donner un délais de deux ans aux organismes de formation pour se mettre en confirmité.
  4. Simplifier la tuyauterie du CPF (supprimer la possibilité de le gérer par les entreprises, clarifier les liens FONGECIF / OPCA, coordonner les politiques de prises en charge entre OPCA et évidemment finaliser le site moncompteformation.gouv.fr pour qu’il permette de transformer un souhait de formation en demande de prise en charge)
  5. S’engager à ne plus changer la définition de l’action de formation (car il y a un risque juridique fort suite à l’obligation de formation tous les 6 ans dans le cas où la définition de l’action de formation viendrait à changer).

Après, il faudra évaluer calmement les résultats. Et surtout éviter de tomber dans le piège d’une nouvelle Grande Réforme qui nous pend au nez en 2018. Procéder par ajustement successif pourrait être aussi une solution à explorer…

Marc Dennery

Marc Dennery

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