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Décrets CPF du 2 octobre : attention danger !

fil_reforme_2Les décret n° 2014-1120 et 2014-1119 du 2 octobre 2014 relatifs aux modalités d’alimentation et de mobilisation du compte personnel de formation et à la constitution des listes de formation éligibles définissent la mise en œuvre concrète du CPF. Voici les points clés à retenir et les points de vigilance. Globalement, ces décrets renforcent la complexité du dispositif et réduisent ses possibilités d’utilisation.

Alimentation du compte

Le nombre d’heures de référence pour un salarié à temps plein est de 1607 heures. Les heures de travail au-delà de 1607 heures n’ouvrent pas de droit à CPF supplémentaire. Pour les salariés dont la durée de travail à temps plein est fixée en application d’un accord d’entreprise ou de branche, le nombre d’heures de travail de référence pour le calcul de l’alimentation du compte personnel de formation est égal à la durée conventionnelle de travail.

Pour les salariés à temps partiel, c’est-à-dire effectuant moins de 1607 heures ou de la durée conventionnelle. « L’alimentation du compte est calculée au prorata du rapport entre le nombre d’heures effectuées et la durée conventionnelle ou 1 607 heures… arrondi au nombre entier immédiatement supérieur ».

Commentaires : rien d’exceptionnel sur ce point. Sauf qu’on aurait aimé un système plus simple. Pourquoi proratiser l’alimentation du nombre d’heures à la durée de travail alors que dans le même temps on favorise les travailleurs à temps partiel pour l’abondement correctif ? 

Transmission des compteurs

Les entreprises transmettent à leur OPCA la durée de travail à temps plein applicable à ces salariés avant le 1er mars de chaque année.

Les entreprises souhaitant accorder des heures supplémentaires de CPF à leurs  salariés à temps partiel, doivent gérer en interne ou, en l’absence d’accord, verser à leur OPCA  une somme fixée par accord d’entreprise, de groupe ou de branche qui ne peut être inférieure à 13 euros de l’heure. Attention ! Cette somme s’ajoute à l’obligation de dépense de 0,2% sur le CPF.

Les entreprises faisant bénéficier de cet abondement supplémentaire leurs salariés adressent à leur OPCA avant le 1er mars de chaque année la liste des salariés bénéficiaires de ces dispositions plus favorables.

Commentaires : bienvenue dans le monde de la bureaucratie. Les entreprises n’ont plus qu’à croiser les doigts et à espérer que leurs branches n’inventeront pas un système d’heures supplémentaires pour leurs salariés à temps partiel.

Abondement correctif

Les entreprises transmettent à leur OPCA la liste des salariés bénéficiant de l’abondement correctif et lui versent la somme correspondant au nombre d’heures multiplié du forfait de 30 euros.

Pour un salarié à temps plein cette somme est par conséquent égale à 3000 euros. 3900 euros pour un salarié à temps partiel. Cette somme est due que le salarié demande ou non une formation.

L’entreprise qui ne verserait pas cette somme pourrait être mise en demeure de la verser suite à un contrôle de la formation continue et se voir appliquer une pénalité de 100%.

Commentaires : 3000 euros pour un salarié à temps plein et 3900 euros pour un salarié à temps partiel tous les six ans, la note commence à être salée ! Cela correspond à respectivement 500 et 650 euros par an. Quand on sait que l’effort moyen annuel par salarié est de 815 euros, la somme est bien rondelette. On a bien maintenant la réponse à notre question de l’hiver dernier : les entreprises ne gagneront rien avec la suppression du 0,9%. Si ce n’est, le risque accru d’être sanctionné par un inspecteur de la formation !

Mobilisation du compte

Le salarié souhaitant bénéficier d’une formation CPF en tout ou partie sur le temps de travail doit faire la demande au minimum 60 jours avant le début de celle-ci pour une formation inférieure à 6 mois et 120 jours avant pour une formation excédant 6 mois. L’entreprise a 30 jours calendaires pour répondre. La non réponse vaut acceptation.

La demande porte sur le contenu et le calendrier de la formation.

Lorsque la demande a pour objet une formation réalisée dans le cadre de l’abondement correctif, ou s’il s’agit d’un accompagnement VAE, d’une formation socle commun de compétences ou entrant dans le cadre d’un accord d’entreprise ou de branche, le salarié ne doit faire sa demande que sur le calendrier et non pas le contenu de la formation. L’article 18 bis de l’ANI du 14 décembre 2013 prévoit que cette formation se déroule alors sur le temps de travail.

Commentaires : rien de très surprenant dans ce point du décret. Il ne fait que reprendre l’ANI du 14 décembre 2013 et se cale sur ce qui se fait déjà pour le CIF (délais de prévenance) ou le DIF (réponse dans les 30 jours). Pour plus de clarté, on aimerait qu’il applique la règle du CIF jusqu’au bout et fixe que les entreprises ne peuvent le reporter qu’une fois de 9 mois maximum pour les formations de droit. Aujourd’hui, rien n’est indiqué et cela va porter à interprétation.

Prise en charge des frais

Les frais pédagogiques et les frais annexes, composés des frais de transport, de repas, et d’hébergement occasionnés par la formation suivie par le salarié qui mobilise son compte personnel de formation, pendant son temps de travail ou hors temps de travail, sont pris en charge par l’OPCA dans le cadre du 0,2% CPF ou par l’employeur lorsque celui-ci a choisi de le gérer en interne.

A cela peut s’ajouter les frais de garde d’enfant ou de parent à charge occasionnés par la formation suivie par le salarié.

La prise en charge de l’ensemble de ces frais « est effectuée au regard du coût réel de la formation. Toutefois cette prise en charge peut faire l’objet d’un plafond déterminé par le conseil d’administration de l’OPCA ». Lorsque l’entreprise choisit de gérer par elle-même le 0,2% CPF, elle procède de la même façon, le plafond pouvant être défini par accord d’entreprise.

En cas d’accord exprès du conseil d’administration de l’OPCA, la rémunération versée au salarié pour réaliser sa formation CPF sur le temps de travail peut être prise en charge jusqu’à 50% du montant total pris en charge par l’OPCA.

Les entreprises de plus de 10 salariés souhaitant gérer leur 0,2% CPF en interne peuvent intégrer de la même façon en partie la rémunération des stagiaires à condition de l’avoir prévu expressément dans leur accord d’entreprise.

La prise en charge par le FPSPP porte sur les frais pédagogiques seulement et est fonction des règles fixées par les OPACIF, FONGECIF, Pôle Emploi et les Régions. Il peut également appliquer le principe d’un plafonnement.

Commentaires : Bonjour la simplicité ! On imagine déjà les contrôles dans 3 ans pour les entreprises qui choisiront de passer la rémunération dans leur 0,2% CPF. Un conseil : passez tout à l’OPCA et concentrez-vous sur l’essentiel : la prescription des formation et la pédagogie. Pour le reste du décret, on n’a plus qu’à attendre les montants des OPCA. Un CPF à moins de 13 euros / heure et on peut déjà affimer qu’il sera mort né. Un CPF à plus de 30 euros / heure et il sera victime de son succès. 

Fin du DIF et mobilisation dans le cadre du CPF

L’entreprise doit informer « chaque salarié du nombre total d’heures acquises et non utilisées au titre du droit individuel à la formation au 31 décembre 2014 » avant le 31 janvier 2015.

Lorsqu’une personne bénéficie d’une formation dans le cadre de son CPF, les heures acquises et non utilisées au titre du DIF sont mobilisées en premier lieu et, le cas échéant, sont complétées par les heures inscrites sur le compte personnel de formation de l’intéressé dans la limite d’un plafond total de 150 heures. Ces heures de formation sont prises en charge par les financements affectés au CPF et peuvent être abondées.

Commentaires : la communication vers les salariés devra être soignée car ils risquent de n’y rien comprendre. Une petite note de bas de page sur le bulletin de paie ne suffira certainement pas. Il faudra si possible prendre des exemples pour expliquer simplement ce qu’ils pourront prendre en CPF (listes, socle, VAE). Et surtout, il faudra communiquer les montants de prise en charge de l’OPCA pour leur indiquer ce qui restera à leur charge ou à celle de l’employeur. Finalement, le DIF était plutôt simple !

Liste CPF : l’étau se resserre

“Le ministre chargé de la formation professionnelle vérifie les conditions d’élaboration des listes de formation”. Il peut se faire aider du Comité National des Certifications Professionnelles pour exercer sa mission.

Pour qu’un salarié puisse réaliser une formation dans le but d’obtenir qu’une partie de la certification, cette partie devra être explicitement indiquée dans la liste. Autrement dit, s’il est indiqué dans la liste le Master Pro II, et que le salarié souhaite suivre une formation n’aboutissant qu’au Master pro I. Cette formation ne pourra pas être prise charge dans le cadre du CPF. Il faudra pour qu’elle le soit que la CPNE indique explicitement ce master Master pro I.

Commentaires : Messieurs et Mesdames les membres de CPNE soyez vigilants ! Quand vous indiquerez une certification, n’oubliez pas d’indiquer explicitement toutes les parties de certifications qu’elle autorise. Car sinon, seules les formations permettant d’obtenir intégralement les certifications seront éligibles. Ce qui réduira considérablement le choix des salariés, qui ne l’oublions pas, n’auront au mieux que 150 heures au compteur.

Conclusion : les entreprises auront-elles intérêt à verser leur 0,2% CPF ?

Pouvoir fixer des plafonds de prise en charge et intégrer partiellement les rémunérations peuvent amener les entreprises à pencher pour une gestion interne du 0,2% CPF. Il sera facile aux entreprises de grandes tailles réalisant elles-mêmes leur formation d’utiliser le 0,2% pour des formations en lien avec leur politique de formation. Reste qu’elles ne pourront bénéficier de la mutualisation et surtout de « l’assurance formation » que peut procurer l’OPCA. Que se passera t-il, en effet, pour les demandes portant sur le socle commun de compétences, l’accompagnement VAE, les formations prioritaires de branche ou d’entreprise une fois le 0,2% épuisé ? Il est dit que les frais pédagogiques et annexes sont pris en charge par l’entreprise qui s’est engagée à gérer elle-même les fonds du 0,2%, « dans le cadre des fonds affectés à la prise en charge du CPF ». Or « le cadre » ne veut pas dire forcément « la limite ».

 

 

Marc Dennery

Marc Dennery

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