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Loi El Khomri : ce qui va réellement changer pour la formation en entreprise

La loi travail, dite “loi El Khomri” a été promulguée le 8 août dernier. Quelques articles touchent directement à la formation en entreprise. Marc Dennery, Co-fondateur et Directeur associé de C-Campus, nous décrypte la portée de cette loi.

Qu’est-ce qui va changer concrètement avec la loi El Khomri pour la formation en entreprise ?

Peut-être pas mal de chose ! Certes la loi El Khomri n’est pas une quatrième loi sur la formation en un peu plus de 10 ans. Elle n’a pas la même ampleur que la loi de 2014, ni même celle de 2009 et encore moins celle de 2004. Il n’empêche que, sans vraiment y toucher, elle précise, elle affine certaines dispositions. Et d’une certaine manière, elle ouvre des pistes. Notamment sur :

-> L’assouplissement des actions prioritaires

-> Une refonte possible de la VAE

-> Une redéfinition en profondeur de l’action de formation

Qu’entendez-vous par assouplissement des actions prioritaires ?

La réforme de 2014 posait comme principe que seules les actions certifiantes devenaient prioritaires. Les critères du CPF étaient très fermés. La loi El Khomri fait évoluer à la marge ce principe.

1) Les contrats de professionnalisation pourront, à titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2017, être ouvert pour les demandeurs d’emploi à tous types d’actions qualifiantes autres que RNCP, CQP ou qualifications reconnue par les conventions collectives. Cela ouvre la porte à des certifications de l’inventaire ou des formations permettant tout simplement d’intégrer un nouvel emploi sans aucune certification au bout.

2) Le CPF s’ouvre aux Bilan de compétences et aux actions de formation de création ou reprise d’entreprise.

C’est un début, mais on voit bien à travers ces portes qui s’entre ouvrent que le tout certifiant RNCP n’est pas viable à terme. Et que les exceptions se multiplieront dans le futur. La prochaine digue qui tombera sera le système des listes CPF.

Qu’elles sont les évolutions notables pour la VAE ?

Un seul chiffre change, mais cela change beaucoup de chose. La durée d’expérience passe de 3 ans à 1 an. Jusqu’à présent, il fallait donc avoir exercé trois ans en équivalent temps plein dans le domaine de la certification visée pour pouvoir prétendre être recevable. Demain, il suffira d’un an.

C’est la nature même de la VAE qui pourrait être transformée si les offreurs de formation et de certification s’emparent de cette évolution.

Imaginons, le cas d’un nouvel embauché ou d’un nouveau promu. Il se forme et exerce sa mission pendant un an et à l’issue de l’année, il peut se présenter à la certification équivalente à son nouveau job.

La VAE devient alors partie intégrante du processus d’intégration et de formation. C’est une modalité comme une autre d’examen en fin de parcours. On n’est plus du tout sur la même échelle de temps.

Allons plus loin… Et imaginons que sur le modèle de ce qui se passe aujourd’hui pour les formations en langues ou à la bureautique, la formation réalisée au cours de la prise de poste devienne une formation certifiante puisqu’elle aboutit à l’acquisition d’une certification via la VAE. La formation peut être alors prise en charge par l’OPCA. Cela change beaucoup de choses, notamment pour les personnes en promotion interne.

Pourquoi dites-vous qu’on se dirige vers une redéfinition en profondeur de l’action de formation ?

Plusieurs signaux faibles vont dans le même sens. Il y a eu le décret sur la FOAD d’août 2014, Il y a le projet d’ouverture vers la FEST, il y a également ce que nous venons de voir sur la VAE. Et puis, il y a surtout dans la loi El Khomri la fin de la référence aux « horaires en formation » et une réécriture de l’article L. 6353-1.

L’article est maintenant libellé de la façon suivante :

« Les actions de formation peuvent être organisées sous la forme d’un parcours comprenant, outre les séquences de formation, le positionnement pédagogique, l’évaluation et l’accompagnement de la personne qui suit la formation et permettant d’adapter le programme et les modalités de déroulement de la formation. »

En clair, elle adapte enfin la définition légale de l’action de formation aux évolutions techno pédagogiques. Avec les nouveaux formats pédagogiques digitaux et la formation en situation de travail. Le temps de formation n’a plus beaucoup de sens. Est-ce que cela a encore du sens de comptabiliser le temps d’un apprenant quand il intervient sur un réseau social ou consulte une vidéo de 2’30’’ pour mieux faire un geste professionnel ? La formation, sortie du carcan du stage, n’est plus un apprentissage en stock mais en flux. On n’a plus accès à un stock de connaissance via des formations dans un lieu et dans un temps délimité (le stage), mais on apprend en permanence et n’importe où. On est pris dans un flux continu de mise à jour de nos connaissances.

Cela signifie-t-il que tout type d’apprentissage est assimilable à une action de formation ?

Bien sûr que non ! Et il restera toujours un cadre légal à l’action de formation aussi bien pour des questions de prise en charge (CPF, Période de professionnalisation voire plan pour les entreprises de moins de 300 salariés) que pour des questions d’obligation sociale (obligation tous les 6 ans liée à l’entretien professionnel).

Mais cela signifie que les OPCA peuvent maintenant s’emparer de cette nouvelle définition pour financer les 4 temps forts d’un apprentissage : le positionnement pédagogique, les temps d’apprentissage à proprement parlé, les temps d’accompagnement par un tuteur, un référent ou un pair et bien entendu les temps d’évaluation et de certification.

Et ils pourront le faire sur la base non plus du temps réellement passé via une fiche de présence mais tout simplement sur la base de forfait.

Resteront les deux questions classiques  en formation : qu’est-ce qui fait la preuve que la personne a bien été en formation et quelle est la valeur de cette formation ?

Concernant la preuve, le PIF et les produits de sortie de l’apprentissage tels qu’ils sont définis dans le décret sur la FOAD peuvent très bien être suffisants.

Concernant la valeur de la formation, l’idéal serait de comparer les compétences ou connaissances acquises à la sortie avec celles maîtrisées à l’entrée. Mais on peut aussi imaginer des choses plus simples comme la valeur de la certification.

A ce titre, il faut noter le nouvel article Art. L. 6353-10 qui contraint les organismes de formation d’informer les financeurs sur « les données relatives à l’emploi et au parcours de formation professionnelle dont ils disposent sur les stagiaires ».

Marc Dennery

Marc Dennery

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