Le blog de C-Campus

L’AFEST des professionnels de santé en centre hospitalier : témoignage de terrain !

Comment adapter la formation aux réalités du terrain, tout en valorisant les compétences des professionnels de santé ?

C’est à cette question que Christelle Guérandel et son binôme, Corinne Desmonts, cadres de santé formatrices à l’IFAS (Institut de Formation Aide-Soignante du CH de Granville) ont répondu, en mettant en place une AFEST à destination des aides-soignant(e)s. Toutes deux sont « référentes AFEST » et détentrices de la certification Accompagnement des Apprentissages et de la Formation en Situation de Travail (RS5525). Elles partagent ici leur retour d’expérience, leurs réussites, mais aussi les défis rencontrés.

Pourquoi avez-vous mobilisé l’AFEST ? Quel était le besoin identifié sur le terrain ?

Le projet est né de la réforme du référentiel des aides-soignants en 2021. Désormais, de nouveaux actes métiers sont officiellement intégrés aux compétences des aides-soignants diplômés, après cette date : glycémie capillaire, aspiration endotrachéale, soins de stomie, etc.

Mais que faire des aides-soignants diplômés avant 2021, qui pratiquaient ces gestes par « glissement » de tâches, sans réelle formation, ni validation officielle ? C’est pour répondre à ce besoin de montée en compétences que Christelle et Corinne ont construit un parcours AFEST ciblé, mêlant simulations et évaluations en situation de travail.

« Notre enjeu était clair : sécuriser les pratiques et sortir du flou juridique, en apportant une reconnaissance formelle des compétences. »

Comment avez-vous procédé pour ancrer le dispositif dans le réel ?

Le parcours se déroule en trois temps :

  • Deux jours en « centre de simulation » pour expérimenter les actes sur un mannequin et engager une première analyse réflexive.
  • Deux mois en service, pendant lesquels les professionnels sont accompagnés dans leurs pratiques et sont évalués sur leur lieu de travail, selon des critères précis.
  • Une validation via une attestation officielle, après réception des évaluations signées par les encadrants.

« On engage notre propre responsabilité, tout comme les tuteurs sur le terrain. C’est pourquoi l’évaluation en situation est indispensable. »

Quelle démarche avez-vous adopté pour une mise en œuvre simple et outillée de l’AFEST ?

Le cadre, les outils et la méthode ont été directement mobilisés à partir de la formation certifiante de référent AFEST et des 10 outils de la Méthode AFEST © de C-Campus. Parmi les éléments clés utilisés dans le projet :

  • Le dossier de conception AFEST construit pendant la formation, réutilisé comme socle opérationnel du projet (repérage des situations de travail, planification des séquences réflexives, modalités d’évaluation).
  • Le PIF (Plan Individuel de Formation), grande nouveauté, permettant d’engager et de mobiliser tous les acteurs de l’AFEST.
  • Une grille d’observation adaptée au contexte de service, pour guider les évaluateurs et soutenir l’analyse réflexive des apprenants.

Ce travail préparatoire a permis de déployer rapidement un parcours cohérent, articulé autour des principes clés de l’AFEST, tout en s’adaptant aux contraintes du secteur.

« Nous avons pu mobiliser immédiatement les outils vus en formation. Cela a structuré notre démarche et facilité l’adhésion des équipes. »

Comment le projet a-t-il été construit et soutenu ?

Christelle et Corinne : Ce projet a pu voir le jour grâce à un fort soutien institutionnel, favorisé par la légitimité de la certification de référent AFEST : direction de l’Institut, responsables de formation continue, cadres de santé… Tous ont été associés en amont, pour garantir la faisabilité et l’adhésion.

« On avait anticipé les freins. On a présenté l’AFEST comme un prolongement logique de l’évaluation en stage et ça a été compris et accepté. »

L’argument clé : montrer la plus-value concrète pour les établissements, notamment en EHPAD, où les glissements de tâches sont fréquents, faute de personnel infirmier en continu.

Quels bénéfices avez-vous pu observer ?

Le dispositif a permis, sur l’année 2024–2025, la montée en compétences de 65 aides-soignants, avec une projection à 84 participants pour l’année suivante. Et la demande ne cesse d’augmenter ! Les retours des professionnels et des encadrants sont encourageants : les pratiques sont sécurisées, les gestes sont mieux compris et mieux intégrés, et la démarche réflexive s’installe progressivement dans les services.

Au-delà des bénéficiaires directs, le projet a eu un effet structurant : les cadres et tuteurs se sont appropriés une posture d’accompagnement plus formalisée, en lien avec les principes pédagogiques de l’AFEST.

« La démarche a donné du sens à ce que faisaient déjà les encadrants. Elle leur a permis d’avoir un cadre clair pour observer, échanger, faire progresser. »

Aussi, l’IFAS a pu clairement mettre en évidence sa capacité d’innovation à travers ce projet d’AFEST.

Vous souhaitez vous aussi avoir vos “référent(e)s AFEST” certifié(e)s, comme Christelle et Corinne, afin de déployer des AFEST de qualité dans votre organisation ? Nous organisons chaque mois une session en inter-entreprises et nous pouvons également monter une session en intra. Contactez-nous pour en discuter : formation@c-campus.fr

Avez-vous rencontré des difficultés et quelles sont les pistes d’amélioration ?

La mise en œuvre n’a pas été exempte de contraintes : gestion des documents administratifs, relances pour obtenir les évaluations, équilibre entre accompagnement terrain et charge de travail. Cela souligne l’importance d’une coordination solide en amont et d’un engagement partagé entre les acteurs.

Des pistes d’évolution sont en cours de réflexion pour collecter de façon systématique et plus rapide les évaluations.

L’enjeu désormais est de préserver l’esprit réflexif, sans retomber dans une simple logique de “faire pour faire”.

Allez-vous engager de nouveaux projets ?

Fortes de cette expérience, nous sommes en cours de réflexion sur d’autres applications : L’AFEST étant déjà mise en œuvre pour la formation au tutorat des élèves AS en stage (voir notre focus ci-dessous), elle pourrait s’appliquer à une formation Manutention puis à une formation tutorat Infirmière DE.

Quels conseils donneriez-vous à des structures qui hésitent encore à utiliser la modalité AFEST ?

« Il faut choisir un projet qui a du sens pour l’organisation, s’appuyer sur des appuis institutionnels solides et ne pas sous-estimer le travail de préparation. Mais les bénéfices, eux, sont immédiats. »

Un dispositif inspirant qui montre que l’AFEST, bien pensée et bien accompagnée, peut transformer la formation continue en véritable levier de professionnalisation.

Focus -Formation des tuteurs dans le cadre de la formation continue : une évolution déclenchée par l’AFEST

L’un des effets directs issus de la formation de référent AFEST suivie par Corinne et Christelle concerne la nécessaire restructuration de la formation des tuteurs et encadrants terrain, auparavant jugée trop éloignée des besoins du terrain.

« La démarche AFEST nous a poussée à formaliser une formation de tuteurs plus structurée, avec des apports sur l’observation, l’analyse de l’activité et la posture d’accompagnement par la réflexivité. Nous avons complètement modifié le contenu et l’animation de cette formation, plus en lien avec la réalité, donc également plus dynamique et plaisante à animer, des simulations, un encadrement sur le J2 et le J3 de la formation dédié à l’analyse des pratiques »

Le résultat ? Une demande croissante des services pour cette nouvelle offre de formation tutorale, conçue spécifiquement à partir des situations vécues sur le terrain.

  • Les cadres de santé y voient un levier pour améliorer l’intégration et le suivi des nouveaux professionnels.
  • Les tuteurs et tutrices eux-mêmes gagnent en reconnaissance et en aisance dans leur rôle.
  • Et les apprenants bénéficient d’un accompagnement plus structuré et plus riche.

« Ce sont les tuteurs qui, aujourd’hui, viennent nous demander : “Quand est-ce qu’on peut faire cette formation ?” Le projet a créé une dynamique qu’on n’avait pas anticipée. »

Ainsi, à partir d’un dispositif AFEST ciblé sur les compétences techniques, c’est toute une culture de l’accompagnement qui se développe progressivement — un effet de diffusion qui illustre bien le potentiel transformateur de la formation en situation de travail, lorsqu’elle est aussi pensée comme un levier organisationnel.

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Sandrine Nogues

Sandrine Nogues

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