Le blog de C-Campus

Qui sont les nouveaux formateurs et quels sont leurs défis à relever ?

C-Campus a formé l’an dernier 1.901 acteurs de la formation, soit 20% de plus qu’en 2019 et 40% de plus qu’en 2018. Comme nous sommes spécialisés dans le domaine de la professionnalisation des acteurs de la formation, tous nos apprenants sont formateurs, tuteurs ou encore responsables pédagogiques, responsables de formation, etc. Ils font donc tous partis de la grande famille de ce que nous appelons les « formateurs », au sens large du terme (1).

Nous nous sommes interrogés sur qui sont ces formateurs. Une étude « qualitative » auprès de 50 d’entre eux ayant suivi notre certification AFEST, nous a aidé à y voir plus clair. Des échanges très stimulant avec notre comité scientifique (2) réuni le 14 juin dernier, nous ont permis d’élargir notre champ de vision et de faire un peu de prospective. Voici le résultat de nos réflexions sur le profil des formateurs de l’après crise sanitaire et sur les défis qu’ils devront relever en termes de compétences bien sûr, mais pas seulement…

Une cartographie des nouveaux formateurs : 7 profils distincts

En formation, c’est bien connu, un schéma vaut mieux qu’un long discours. Nous ne dérogeons pas à la règle et vous proposons de démarrer par la cartographie ci-dessous.

Nous avons réparti les types de formateurs (encore une fois au sens large du terme) sur deux axes majeurs : le type de formations et le type d’activités qu’ils réalisent.

Cette dernière dimension, nous l’avons doublée du type d’expertise qu’ils maîtrisent : techniques « métier » sur laquelle ils forment (ex. soudeur pour un formateur en soudure), et techniques « formation », là aussi au sens large : des techniques d’animation aux méthodes de conception de dispositif et de réalisation de digital learning.

La dimension « type de formation » a considérablement évolué à la suite de la crise sanitaire. Avant, on avait l’habitude de distinguer les formateurs en salle ou en présentiel et les formateurs digitaux (essentiellement des experts du digital learning). Suite à la crise du Covid et à l’introduction de l’AFEST dans le code du travail, la distinction majeure s’est déplacée. On distingue aujourd’hui les pratiques de formation en situation de travail (AFEST, Tutorat d’alternant et mentorat notamment)d’une part, et la formation que l’on peut qualifier de formelle, d’autre part, regroupant à la fois la formation en présentiel, la formation distancielle via classe virtuelle ou webinaire et l’autoformation plus ou moins accompagnée sur la base de ressources digitales.

Partant de ces dimensions, nous avons identifié 7 profils ou si l’on préfère reprendre le langage du marketing, 7 personae différents.

Formateur occasionnel : mettre le pied à l’étrier

Les entreprises ne cessent de faire appel à des formateurs occasionnels. La tendance n’est pas récente, mais on sent bien qu’elle s’accélère. Dans le cadre d’un déploiement de grand projet, par exemple : une société de conseil en ingénierie pédagogique conçoit le parcours de formation hybride, puis des formateurs internes le démultiplient. Pour des intégrations massives de nouveaux embauchés : on forme des formateurs « terrain » qui se chargent d’accueillir, former et accompagner leurs collègues.

Ce formateur ou cette formatrice occasionnel(le) n’intervient que ponctuellement : le temps d’un projet ou d’un « on boarding massif ». C’est toute la difficulté de cette mission. Qu’il ou qu’elle l’exerce pour former dans une salle ou à distance ou encore au poste de travail pour accompagner des pairs, le formateur ou la formatrice occasionnel(le) n’a pas le temps de prendre soin de sa propre montée en compétences. Et les entreprises rechignent à investir dans leur formation.

Or former ne s’improvise pas ! Et accompagner au poste de travail encore moins. Cela nécessite des compétences techniques :

  • Elaborer ou s’approprier les objectifs pédagogiques de sa formation,
  • Maîtriser des techniques pédagogiques actives et attractives aussi bien en petit groupe présentiel, qu’à distance via classes virtuelles ou encore au poste de travail,
  • Se préparer à animer et organiser l’espace pédagogique avant de démarrer sa formation,
  • Gérer les moments clés en formation comme le démarrage, le lancement d’une séquence active ou des séquences de type « fin et suites ».
  • Maîtriser des techniques issues de l’AFEST telles que l’analyse réflexive et l’analyse du travail, plus particulièrement pour les formateurs terrain dénommés également “accompagnateur AFEST”.
  • Maîtriser des techniques simples d’évaluation de formation comme « le quiz synthèse » ou « le mot clé de la formation ».

Et au-delà de ces compétences techniques, c’est surtout la posture d’accompagnateur ou facilitateur d’apprentissage qui est la clé de la réussite pour ces formateurs occasionnels« terrain » ou « en salle de formation », qu’elle soit réelle ou virtuelle. L’appropriation de cette posture, bien différente de celle de transmetteur de savoir, nécessite un temps d’apprentissage conséquent.

Alors comment les aider à se professionnaliser de façon la plus rapide et légère possible ? La formation classique  de formateur (présentielle ou via classe virtuelle) n’est pas la meilleure des réponses même si une journée d’atelier ou deux classes virtuelles peuvent être un excellent début.

L’approche la plus efficace semble être l’animation de communautés. Nous avons réalisé ainsi de nombreuses conventions de formateurs internes avec nos clients (Bouygues Telecom, Eiffage Construction, Orano, Bouygues Immobilier, La Mutuelle Générale…). Ces conventions sont des moments ludiques et conviviaux à la fois de partage, de reconnaissance, de mobilisation et de formation (atelier). Ils peuvent être suivis ou précédés par des cours digitaux et de l’outillage pédagogique.

Les missions de « formateur terrain » ou de « formateur-démultiplicateur » sont souvent une première étape dans un parcours de développement professionnel dans les métiers de la formation. Il est donc important que les services formation en charge d’animer cette communauté travaillent également l’aspect évaluation. Quand on débute, on a besoin d’être rassuré et de savoir si on progresse bien. Or les formateurs occasionnels travaillent souvent de manière solitaire. Les aider dans leur réflexion sur la conception des parcours qu’ils ont à déployer, faire des débriefings après leurs animations ou leurs accompagnements terrain reste essentiel.

Vous avez dit « Tuteur » ?

Le terme « tuteur » est polysémique. On l’emploie dans les entreprises aussi bien pour désigner des missions de parrainage, de mentorat, de coaching technique et bien sûr de tutorat dans le cadre de contrat en alternance.

Les premières missions correspondent davantage au profil du « formateur terrain » vu précédemment. La mission de tuteur, telle que nous l’envisageons aujourd’hui, va bien plus loin qu’un simple accompagnement de courte durée au poste de travail. Il s’agit selon nous d’un véritable accompagnement d’un nouvel embauché ou de personnes en reconversion, tout au long de la durée de leur intégration-formation (généralement 2 à 6 mois).

Le point de référence à avoir quand on pense à ce « tuteur d’intégration » est celui du rôle de maître d’apprentissage ou de tuteur, tel qu’il est envisagé dans le cadre des contrats en alternance. Le référentiel MATU du Ministère du travail cerne, à juste titre, cette mission à travers 9 compétences clés.

  1. Préparer l’arrivée de l’alternant dans l’entreprise
  2. Accueillir l’alternant à son arrivée dans l’entreprise
  3. Faciliter l’intégration de l’alternant durant la période d’essai
  4. Suivre le parcours avec le centre
  5. Organiser le parcours au sein de l’entreprise
  6. Accompagner l’alternant dans son parcours d’apprentissage
  7. S’appuyer sur des situations de travail pour développer l’apprentissage
  8. Guider la réflexion de l’alternant sur ses activités professionnelles et d’apprentissages
  9. Evaluer les acquis des apprentissages en situation de travail

Huit de ces neuf compétences s’appliquent à toute mission de « tutorat d’intégration ». Seule la compétence n°4 – « Suivre le parcours au sein de l’entreprise » est spécifique au tutorat d’alternant.

L’enjeu pour ce « super formateur terrain » réside à nouveau dans la posture à adopter. La vision traditionnelle du tutorat repose sur une pédagogie de l’imitation : « je copie le maître donc j’apprends ! ». Aujourd’hui, avec l’AFEST, cette approche pédagogique est réinterrogée. Certes, la pédagogie par imitation reste utile, surtout dans les phases de découverte d’un geste professionnel, mais elle peut être avantageusement complétée par une approche de type réflexive, telle qu’elle est définie et utilisée dans le cadre d’AFEST. Or cette pédagogie de la réflexivité n’est pas naturelle pour un tuteur ou un formateur débutant. Elle nécessite une prise de recul, des capacités de questionnement et d’empathie qui s’acquièrent à travers un entraînement encadré pédagogiquement.

Concepteur-formateur : le couteau-suisse de la formation

Le concepteur-formateur est le pendant du tuteur dans le domaine de la formation formelle. Avant les années 2010 et le développement du E-Learning, ces formateurs au sein des services de formation devaient maîtriser deux macro-compétences : la conception de formation présentielle et leur animation et évaluation.

Avec le développement du digital learning, ils ont dû intégrer l’activité de conception de e-learning et vidéo learning en s’appuyant le plus souvent sur des studios de digital learning. Lors de la crise sanitaire, ils ont réalisé, dans l’urgence, la conception et l’animation de classes virtuelles. Dès cet été 2021, avec la fin du 100% télétravail, ils devront s’approprier les techniques de l’AFEST pour intégrer cette modalité dans leurs parcours de formation.

Bref, le « concepteur-formateur » devient un véritable couteau-suisse de la formation. C’est son défi majeur : toucher à toutes les modalités et les mettre en œuvre, sans en être un spécialiste. Car ces concepteur-formateurs ne sont pas des experts de la pédagogie. Experts d’un métier ou d’une technique, ils considèrent leurs postes dans le domaine de la formation comme un passage dans leur carrière. Leur temps de formation, bien plus important que celui des formateurs occasionnels, reste cependant limité à quelques jours ou dizaines d’heures. Il leur faut donc acquérir très rapidement une palette de compétences très large.

Les formations qui leur sont proposées, pour être efficaces, doivent reposer sur des fondamentaux solides. Elles doivent également rester simples et accessibles.Par exemple dans le digital learning, il n’est pas besoin de les faire travailler sur des outils de conception sophistiqués ou pointus, mais plutôt sur des outils accessibles et pérennes tels que PowerPoint®.

L’expert-formateur : de plus en plus digital…

A l’inverse du « concepteur-formateur », « l’expert-formateur » ne travaille pas dans un service formation ou une université interne d’entreprise. C’est d’abord un expert métier qui doit diffuser son savoir-faire technique autour de lui : au sein de l’entreprise et parfois à l’extérieur (fournisseurs, clients, environnement institutionnel, etc.).

Sa mission de formateur est bien plus stratégique et pérenne que celle du formateur occasionnel précédent. Cela provient du fait que son expertise est rare et absolument indispensable pour son entreprise. Il est par exemple ingénieur de très haut niveau dans une industrie technologique de pointe ou encore spécialiste juridique, du marketing ou de la finance dans une entreprise où ces fonctions sont stratégiques. La mission de formation est le plus souvent inscrite sur sa fiche de fonction, même si elle ne représente pas 100% de son temps.

Jusqu’à ces dernières années « l’expert-formateur » ne transmettait son expertise qu’à travers des formations présentielles. Afin de lui faire gagner du temps, les formations qu’il animait pouvait se transformer en conférence.

Depuis le développement du digital learning, bon nombre de ces experts ont bien compris l’intérêt d’utiliser ce nouveau media pour transmettre leur expertise. Ils se sont appropriés, d’abord l’outil du Rapid E-Learning, puis du vidéo learning. Grâce à la crise sanitaire, ils se sont emparés du webinaire. Et demain, une nouvelle piste à explorer sera probablement le podcast learning.

L’enjeu majeur pour ces expert-formateurs est de diffuser leur expertise en flux permanent. C’est pourquoi toutes les solutions digitales légères (webinaire, podcast learning, vidéo learning) sont parfaitement adaptés à leur besoin. Et parallèlement, ils  investissent aujourd’hui le champ des communautés d’apprentissage. Ils animent des réseaux sociaux de professionnels par exemple via des canaux de discussion sous Teams de Microsoft. Les directions L&D voient dans ces communautés un formidable complément à la seule diffusion de ressources digitales via leurs plateformes centralisées.

Leurs besoins en formation ne sont pas très importants, mais ils ne sont pas non plus négligeables. L’essentiel est qu’ils maîtrisent les fondements du discours pédagogiques : savoir dire simplement des choses complexes. Pas besoin de les former au montage vidéo ou à la réalisation de E-Learning sophistiqués. Les aider à construire leur discours, à vulgariser, et à formaliser leurs idées sur des supports simples mais efficaces, est l’objectif à atteindre avec ce profil de formateur bien singulier. C’est pourquoi, un grand nombre d’entre eux utilisent l’outil le plus courant et le plus facile d’accès qui soit, à savoir PowerPoint®.

Les architectes de dispositif : formateurs multimodal ou référent AFEST, à vous de choisir !

Avec le formateur multimodal et le référent AFEST on entre dans un niveau supérieur d’expertise pédagogique. Il ne s’agit plus pour eux seulement de transmettre leur savoir ou d’accompagner des apprenants en situation de travail mais de penser les dispositifs dans lesquels les formateurs et tuteurs décrits précédemment, s’inscriront.

Ces deux derniers profils de formateur ou formatrices exercent leurs missions le plus souvent dans un service formation à temps plein. Certains, notamment les référents AFEST, peuvent les exercer au sein d’entités opérationnelles et ne sont pas, dans ce cas, affectés à 100% de leur temps sur des missions de formation au sens large du terme. Quoi qu’il en soit, ils restent des experts de la formation. Ils sont souvent des spécialistes de l’ingénierie pédagogique. « L’architecte de parcours ou de dispositif multimodal » davantage encore que le « Référent AFEST », puisqu’il intervient sur la conception et le déploiement de dispositif combinant au mieux les trois modalités : présentiel, distanciel et AFEST.

Leur enjeu de montée en compétences est à la fois d’avoir un vernis sur tous les domaines de la formation (ingénierie de compétences, ingénierie pédagogique, ingénierie financière, digital learning, modalités et techniques pédagogiques) et de maîtriser plus particulièrement bien la conception et le déploiement de dispositif de formation. Leurs missions relèvent donc plus particulièrement de l’ingénierie de formation.

A la suite de la crise sanitaire et de la réforme de 2018, le portefeuille de leurs connaissances et compétences s’est considérablement étoffé. Et par conséquent, afin de rassurer leurs clients et employeurs, ils ont besoin de formations certifiantes reconnues qui non seulement leur permettent de développer leurs maîtrise des domaines de formation mais également de rendre lisibles et visibles leurs compétences.

Découvrez notre nouvelle “Formation de formateur multimodal” certifiante via le Titre Professionnel “Formateur professionnel d’adulte – RNCP 247 – cliquez ici pour l’offre CPF.

Pour une Dream Team de formation…

En conclusion, il n’existe pas un nouveau formateur, mais des nouveaux formateurs ou formatrices (7 si on se réfère à notre cartographie). Ces formateurs ou formatrices sont davantage complémentaires que concurrents.

Le succès d’une formation ou d’un parcours de développement des compétences ne réside pas dans le fait de dénicher le ou la meilleure formatrice, mais dans la capacité du chef de projet formation à faire travailler ces profils de formateurs différents en parfaite synergie. Dans une politique de formation ambitieuse, le directeur formation a intérêt à penser ses équipes de formateurs comme une “Dream Team” de formateurs et formatrices où chacun contribue avec ses moyens à la réussite de la politique de développement des compétences.


(1) Nous nous sommes focalisés sur l’ensemble des acteurs intervenants directement dans la conception et la réalisation de formation et/ou de développement des compétences. Nous ne traitons pas ici des profils de responsable de formation ou de responsable de développement des compétences dans leur dimension “management de la formation”.
(2) les membres du comité scientifique de C-Campus sont : Ahmed Kabèche (Orange EMT), Michel Barabel (Sciences Po, MagRH, LabRH), Francis Dumasdelage (Groupe AFC, FFP), Jean Christophe Chamayou (Lafayette Associés), Sophie Pages (Cegos), Jean-Roch Houllier (Safran), Nicolas Bernardi (Mutuelle Générale), Marc Poncin (Icadémie).

 

 

 

Marc Dennery

Marc Dennery

The selected Optin Cat form doesn't exist.
Abonnez-vous à notre newsletter