Le blog de C-Campus

Les deux trous dans la raquette de Qualiopi

Le petit monde de la formation s’est enflammé il y a quelques semaines suite à un article d’André Perret qui se disait en guerre contre Qualiopi. Les pro et anti Qualiopi se sont alors opposés avec des arguments « virils mais corrects » comme disent les rugbymen. Loin de nous l’idée de relancer le débat. Car, il est clos depuis longtemps.  On ne fera pas machine arrière sur Qualiopi. Ceux qui ne souhaitent pas y aller peuvent ne pas y aller (excepté les CFA). Le marché de la formation en entreprise est suffisamment grand pour ne pas rester focalisé sur le seul marché des co-financements OPCO.

Chez C-Campus, nous avons décidé d’y aller et nous avons été certifiés Qualiopi fin 2020. Nous n’en avons pas fait un monde, ni nous n’en tirons gloire. On est Qualiopi, comme on était précédemment certifié OPQF et référencé DataDock. Cela n’a pas changé grand-chose, ni n’a exigé des ressources considérables en interne.

Mais le propos de notre article n’est pas là. Nous aimerions dans l’espace de ce post de blog, revenir sur deux manques du référentiel Qualiopi et contribuer de façon très modeste à alimenter le débat qui a cours en ce moment sur la V2 du référentiel.

L’accent sur les plateformes de E-learning, pourquoi pas !

Les bruits qui courent de façon insistante tournent autour d’une future obligation pour les organismes de formation de se doter d’une plateforme de diffusion de modules de E-Learning. Honnêtement, cela ne serait pas une révolution. C’est devenu une évidence que la formation doit en partie être digitalisée. Et tous les organismes de formation s’en dotent progressivement.

Qualiopi, sans attendre le référentiel V2, a indirectement poussé à la digitalisation des processus pédagogiques, sans les limiter à la seule diffusion de contenus E-learning. Les plateformes les plus performantes vont maintenant de la diffusion de l’offre à la traçabilité des échanges pédagogiques tout au long de l’expérience apprenante. Et même, comme celle que nous utilisons – Akolit, jusqu’à l’interopérabilité avec les outils de gestion et de facturation. La production et la diffusion de contenus pédagogiques n’est qu’un élément intégré à ces nouvelles plateformes.

Pour satisfaire aux critères de Qualiopi, notamment les 3 premiers critères et évidemment l’indicateur 17, avoir de telles plateformes n’est plus un luxe. Si le référentiel Qualiopi intégrait cette obligation, cela viendrait confirmer des pratiques et non pas forcément les inciter. Mais une norme sert le plus souvent à conforter des pratiques pas forcément à innover.

1er trou dans la raquette : la certification des formateurs

Venons-en maintenant aux premiers des deux manques que nous identifions concernant le référentiel V1 de Qualiopi : la certification des formateurs. Certes, les indicateurs 21 et 22 concernant la sélection et l’évaluation des compétences des intervenants (aussi bien internes qu’externes), et la formation (des seuls intervenants internes) traitent du sujet. Mais reconnaissons-le, cela ne va pas bien loin.

Aujourd’hui, Qualiopi mesure la capacité de l’organisme de formation à mettre en œuvre des processus administrativo-pédagogiques, à les documenter et à les respecter, telle une norme ISO. Mais il n’y a pas grand-chose pour nous rassurer concernant ceux qui sont en contact direct avec les apprenants. Qu’il existe un plan de formation (pour les intervenants salariés) ou que l’organisme de formation puisse faire la preuve qu’il a « déterminé, mobilisé et évalué les compétences des différents intervenants » ne nous dit pas si ces dits-intervenants sont réellement compétents.

Faisons une analogie. Quand nous allons subir une intervention chirurgicale ou nous voyageons en avion ou en train, ce qui compte pour nous, c’est certes que l’hôpital, la clinique, la compagnie aérienne ou ferroviaire appliquent des procédures de qualité (et de sécurité également), mais surtout que le médecin qui nous opère, l’infirmière qui nous soigne, le commandant de bord et le copilote ou le cheminot qui nous transportent soient diplômés et certifiés pour le faire. Est-ce qu’il nous viendrait à l’esprit de confier notre opération ou notre voyage à des gens non diplômés, certifiés ou habilités pour le faire, quand bien même l’institution qui les emploient serait réputée sûre et de qualité ?

C’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui dans le domaine de la formation. N’importe qui peut exercer le métier. Aucun diplôme, titre, formation continue obligatoire ou habilitation n’est requis. Pourtant, de plus en plus de professions ont su mettre en place ce type de certification ou d’habilitation ou encore de formation périodique obligatoire. Sans parler des professions historiquement réglementées (avocat, notaire…) ou celles vues précédemment à risque (professions médico-sociales ou transport routier par exemple), des professions comme agent immobilier ou chargé de clientèle bancaire ont aujourd’hui des obligations de certification et/ou de formation continue. Des domaines plus proches de la formation comme l’enseignement ou la psychothérapie font référence à des obligations de certification depuis des décennies. Serons-nous le dernier métier le moins bien formé, certifié et habilité ?

A un moment où la digitalisation et les plateformes marketing qui y sont associées déferlent sur la formation, il est peut-être grand temps de faire reconnaître le métier de formateur/formatrice. Sans tomber dans un quelconque corporatisme, il devient urgent pour les apprenants, aujourd’hui de plus en plus seuls face à l’offre de formation (cf. logique consumériste du CPF), d’avoir des moyens de se repérer et de se rassurer.

Oui, former est un métier ! Oui, analyser un besoin, concevoir un parcours adapté, digitaliser son savoir-faire, accompagner des apprenants vers la réussite, évaluer de façon bienveillante et constructive… ne s’improvise pas. Cela fait référence à des concepts et notions théoriques (la psychologie, la sociologie, les neurosciences avec ses apports fondamentaux et pas seulement ce que l’on peut en voir sur les réseaux sociaux totalement édulcorés et le plus souvent erronés), mais également à des méthodes, des techniques, des outils particulièrement variés et riches.

Aujourd’hui, il existe une offre très diversifiée de formation aux métiers de la formation du Bac+2 au Bac+5 (sans compter les doctorats). Ce ne serait pas bien compliqué de demander a minima pour tout organisme de formation certifié Qualiopi d’avoir au moins une partie du personnel ainsi certifié (sachant l’importance dans ce domaine du partage de savoir, cela pourrait suffire sans tomber dans l’obligation de 100% des effectifs). Et pour tous, d’avoir une obligation de formation annuelle ou triennale sur le principe de ce qui est mis en œuvre sous le contrôle de la Haute Autorité de Santé (DPC).

2ème trou dans la raquette : la qualité des contenus

Autre grand oublié du référentiel Qualiopi : les contenus de formation. C’est vrai, ce n’est pas très tendance de mettre l’accent sur les contenus de formation. A une période où on souhaite faire passer nos formateurs du modèle transmissif au modèle de l’apprenance, s’interroger sur les contenus paraît saugrenu, et à tout le moins à contre-courant. Pas tant que cela, en réalité. Car il ne faut pas confondre posture du formateur et maîtrise de l’expertise du métier sur lequel on forme.

On a beau nous raconter que tout est sur la toile et que Google, notre ami, a réponse à tout… Vous pouvez le croire, nous nous ne le croyons pas. Google, ou tout autre moteur de recherche propose une foultitude de réponses à chacune de mes questions, mais premièrement, ces réponses sont loin d’être toujours pertinentes et mêmes justes, et deuxièmement, parfois, je ne suis même pas capable de poser la bonne question. Et ce cas est d’autant plus courant que je suis débutant et donc que j’ai besoin de formation. Alors oui, si vous êtes expert d’un domaine, Google est votre ami, mais si vous êtes néophytes, un pair et surtout un formateur vous sera beaucoup plus utile.

Mais ce pair et surtout ce formateur, puisque nous parlons de Qualiopi, encore faut-il qu’il maîtrise lui-même le contenu. Le formateur qui est un accompagnateur vers le savoir, doit être capable de diriger vers le “bon savoir”, pas celui qui est erroné.

Or ce « bon savoir » est loin d’être maîtrisé par tous les formateurs et les organismes de formation qui les emploient. Beaucoup d’organismes de formation sont encore trop souvent dépassés par les innovations technologiques dans les métiers sur lesquels ils forment (cf. métiers de l’industrie, du bâtiment mais également aujourd’hui du marketing et du commerce qui sont totalement à repenser sous l’effet du digital).

Dans les formations aux softskills, cela pourrait être paradoxalement encore pire. Quand on voit sur la toile et les réseaux sociaux ce qui est diffusé par les organismes de formation sur comment manager, communiquer ou se développer personnellement (et nous pourrions également rajouter « former » dans la liste), on a de quoi être inquiet !

Du côté des grandes écoles de commerce ou d’ingénieur, il existe des systèmes d’accréditation qui font la part belle à la recherche et aux publications et à la qualité des programmes proposés. Sans aller jusqu’à faire un copier-coller, car formation en entreprise et formation académique n’ont pas du tout les mêmes exigences, il pourrait être intéressant d’étudier comment inciter les organismes de formation à attacher un soin particulier, en plus de la pédagogie, à la qualité des contenus et des gestes professionnels à acquérir par les apprenants.

Pour aller dans ce sens, sans attendre, nous avons créé et démarré en fin d’année dernière notre comité scientifique. Rassemblant des acteurs reconnus de la formation, ce comité nous alimente dans nos réflexions et nos orientations en termes de programme. Notre prochaine réunion se tiendra le 4 mai prochain et nous vous en dirons plus à cette occasion.

Nous avons conscience que l’existence d’un comité scientifique n’est qu’un élément dans la montée en qualité des contenus de formation, un référentiel national qualité pourrait creuser d’autres pistes complémentaires :

  • Mise à jour des compétences techniques des formateurs (formation, habilitation cette fois-ci dans le métier sur lequel porte la formation),
  • Contribution à la recherche et lien avec des laboratoires de recherche,
  • Publication si ce n’est scientifique, à tout le moins professionnelle,
  • Qualité des processus de mise à jour des programmes,
  • Qualité des contenus digitaux mis à disposition (c’est probablement plus significatif, même si c’est plus difficile à contrôler que le simple fait d’avoir ou pas une plateforme),
  • Etc.
Marc Dennery

Marc Dennery

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